texte écrit en 1994-1996
LES GUERRIERS
DE L'AMOUR DIVIN
VOYAGE AU CENTRE DE LA SECTE
HARE KRISHNA
sadashivaprya
SOMMAIRE
Première partie Tentative de synthèse page 7
Du Dieu doux à la secte dure page û3
Les débuts historiques du mouvement Hare Krishna page û5
Les motivations de l'adepte page û6
Le concept de renaissance page 2û
Le fanatisme à tous les niveaux et jusqu'au meurtre page 30
Le gourou, doux tyran ou guide autoritaire? page 3û
Les enfants à l'école du gourou page 43
Dérives millénaristes page 50
La journée d'un dévot de Krishna page 53
Une entreprise de destructuration de la personnalité page 57
L'argent facile page 6û
Un bref aperçu de l'hindouisme page 68
Le G.B.C.: une apparence de démocratie page 73
La disparition de Frank de Fuster page 79
La condition de la femme page 8û
La santé chez les dévots de Krishna page 9û
Quand la mythologie devient la réalité page 95
Deuxième partie Mon histoire page û0û
Cinq heures et demi page û03
Le Pin en Mauges page û50
Le village artisanal page û54
Radhadesh, la terre de Radha page û63
La bataille d'Ermenonville page û67
Shrila Goût du rêve page û7û
Enlévement chez la secte Hare Krishna page û77
Hari Vilas, le chef des démons page û8û
L'antre du super gourou page û84
Près du Canal du Midi page û88
Ultime tentative - les dévots de Dallas page û90
Epilogue page û95
Guide pratique Anti-secte page 203
Petit glossaire des mots sanskrits page 2û8
INTRODUCTION
Si le développement des sectes reflète un problème complexe de nos sociétés, il ne touche cependant qu'une minorité de gens (environ 300 000 selon les estimations) . Il est en ce sens important que la société envisage l'approche de ce phénomène avec une certaine bienveillance. En tous cas à l'égard de ceux qui en sont les premières victimes, je veux parler des adeptes. Le battage médiatique bon marché qui est fait autour du problème risque de l'envenimer. Les discours stéréotypés emprunts d'hostilité et de condescendance de certains journalistes, qui n'ont d'autre souci que de vendre leur papier aux périodes creuses, ne contribuent en rien à l'acheminement vers une solution. (La plupart des hebdomadaires ont en réserve un numéro sur les sectes qu'ils sortent en général l'été, après ou avant le numéro sur la sexualité des franèais ou l'argent des hommes politiques.) De telles approches réductrices du problème ne font que radicaliser les sectes qui attendent pour ce faire toutes manifestations de "persécution". Il est facile de flatter à peu de frais l'ego de "l'homme normal" en dépeignant de faèon caricaturale l'adepte d'une démarche minoritaire. On connaît trop la tendance de la société ou des groupes en général à chercher le "bouc émissaire". Les juifs sont là pour en témoigner, les cathares ne le sont plus.
Il existe il est vrai des approches plus approfondies du phénomène. A la lecture des divers ouvrages, même si certains procèdent d'une démarche honnête (Max Bouderlique, Centre Roger Ikor), on reste sur sa faim devant l'énumération encyclopédique et assez succincte des divers groupes répertoriés. Les livres témoignages qui paraissent aujourd'hui tendent quand à eux à se satisfaire du caractère anecdotique du récit. J'ai pensé qu'il n'était pas suffisant de raconter une histoire, mais qu'il fallait également s'efforcer d'étudier les causes profondes du phénomène, analyser ses mécanismes et de faèon rigoureuse s'attacher à comprendre les motivations. Pour cela, la référence à une histoire personnelle est insuffisante, c'est pourquoi vous trouverez dans ce livre des témoignages d'anciens adeptes, de spécialistes s'étant penchés sur la question et aussi d'adeptes restés dans le groupe. Ceci afin de ne pas tomber dans le travers principal des sectes, le manichéisme absolu et le manque d'objectivité.
La difficulté majeure avec les sectes c'est que les victimes sont "consentantes", et que le jour ou elles cessent de l'être, elles réalisent qu'elles ont vendu leurs biens, arrêté leurs études, abandonné leurs enfants etc.... Dans ces conditions, nombreux sont les adeptes qui préfèrent ne jamais s'avouer qu'ils ont fait fausse route. Abandonner le monde de la secte, c'est voir tout son univers s'écrouler. Certains passent ainsi toute leur vie d'une communauté à l'autre, d'un pays à l'autre car ces organisations sont des nébuleuses internationales qui ne connaissent pas de frontières. L'adepte d'une secte peut aller à l'autre bout du monde, lorsqu'il arrive dans un centre de son organisation, il est tout de suite chez lui. Dans ces groupes, la coupure est tellement marquée avec le monde extérieur, que les disparités culturelles d'un pays à un autre sont pratiquement gommées. Mais même lorsqu'ils ont effectivement quitté le groupe les disciples préfèrent dissimuler leur passé. Deux de mes amis qui furent des membres actifs, disciples directs du fondateur, et ayant occupés des postes à responsabilité dans les années 70, 80 me tiennent tous les deux ce discours : "lorsque j'évolue dans les milieux spiritualistes ou du nouvel âge, je préfère ne pas mentionner mon ancienne appartenance au mouvement Hare Krishna, pour être honnête, j'en ai honte et cela me décrédibiliserait."
Pour ma part je n'ai jamais caché mon passé, le fait d'en parler a toujours impliqué une autocritique.
Dans le cas des dévots de Krishna, le problème est d'autant plus complexe que la sectarisation de ce groupe s'opère sur la toile de fond d'une culture hindouiste authentique. Le fait pour eux que des millions d'indiens vivent (apparemment) selon les préceptes de leur gourou leur apparaît comme une justification indéniable de leur démarche. C'est l'alibi traditionnel.
Il ne leur vient pas à l'idée de penser que la transposition telle qu'elle d'une culture dans une autre, diamétralement opposée peut être source de lésions graves chez l'adepte. Il ne viendrait pas à l'esprit d'un occidental de pratiquer l'excision sur sa fille, pourtant cette pratique participe de la normalité dans certaines sociétés africaines.
Plut¶t que déclencher une nouvelle chasse aux sorcières, essayons de nous interroger sérieusement sur ce qui peut dans notre société pousser des individus à de telles extrémités. Et essayons de contribuer chaque jour à l'amélioration des conditions d'existence des communautés ùnous oeuvrons, par plus d'ouverture de compréhension et par l'effort constant de se tenir au delà des préjugés faciles. Essayons de prêter l'oreille à ce cri de détresse que poussent de faèon désespérée ces jeunes, qu'ils soient islamistes, skinheads, Hare Krishna, Moonistes ou autre. Mettons un frein à la course effrénée pour l'accumulation de biens qui ne nous satisfont pas et détruisent notre environnement. Essayons de cesser de penser que les modèles que notre société a proposés jusqu'à aujourd'hui sont les seuls valables.
Dans le film Witness avec Harisson Ford, on voit les amishs, une secte biblique de Pensylvannie. Une scène du film très belle montre tous les gens du village qui s'entraident pour construire la grange d'un de leurs "frères", la charpente est montée dans la journée, la grange est finie le soir, chacun s'active à la tâche, l'événement est prétexte à la fête, les femmes ont cuisiné des gâteaux, les enfants jouent. Ce film a été tourné en Pensylvannie avec de vrais amishs. Cette image me semble symboliser toute l'aspiration de celui qui rentre "en secte". Malheureusement comme on le verra toutes ne sont pas aussi paisibles et bonenfants que les amishs. Si les interrogations que soulèvent les sectes sont largement justifiées; il est dommage que les solutions qu'elles proposent débouchent sur des impasses.
Quiconque veut vivre dans notre monde occidental selon le modèle tribal ou nomade par exemple se voit aussit¶t contraint à la marginalité ou à la récupération par les institutions religieuses (n'y a t-il pas une dimension "tribale" dans la vie communautaire des monastères). Peut-être pourrions-nous proposer des alternatives viables à la société individualiste et compétitive. Il va de soi que certaines "âmes sensibles" ne s'y retrouvent pas. Nous avons sans doute construit assez de stades et de centres commerciaux, dans ce domaine la saturation est atteinte depuis longtemps, l'homme des années quatre vingt dix est fatigué d'être considéré comme un consommateur. Tant que des réponses pertinentes en termes idéologiques et pratiques ne seront pas proposées, les sectes auront le champ libre.
Notre société doit proposer des alternatives à la culture dominante, des zones de moindre compétition, de moindre consommation et de moindre propriété devraient être financées en zone rurale désertifiée par exemple. On pourrait envisager la création de villages tendant vers un modèle d'autarcie écologique, combinée avec des solutions de télétravail, artisanat, agriculture biologique etc... Il faudrait s'inspirer de l'expérience israélienne des Kiboutz.
Ce ne sont pas les religions aux dogmes poussiéreux et aux institutions gérontocratiques de clercs frustrés qui vont apporter les solutions aux hommes de cette fin de siècle. Le langage de la relance économique semble plus éculé que jamais. Qui détient les réponses à nos interrogations les plus pressantes ? Nombreux sont ceux qui pensent que l'Orient peut nous éclairer de ses lumières; les orientaux eux (les véritables sages parmi eux) nous enjoignent de mieux regarder chez nous.
" La rapacité d'une société toute entière tournée vers l'acquisition de biens matériels, le rythme effréné de la production industrielle (dont témoignent les usines tournant vingt quatre heures sur vingt quatre et les chaînes de montage qui n'arrêtent jamais de la semaine ni de l'année), un certain mépris historique du christianisme pour la vision religieuse juive, l'obsession rationaliste d'une science à courte vue - tous ces facteurs ont contribués à créer dans l'occident moderne un état d'esprit qui explique l'énorme fascination exercée aujourd'hui par la sagesse orientale, perèue comme contre image. Mais le sentier oriental, comme le savent ses exégètes les plus avisés, ne conviendra jamais qu'à une poignée de convertis. Et s'il triomphait en Occident et apportait une réponse à nos inquiétudes, il exigerait le sacrifice d'aspects hautement valables de notre tradition éthique et religieuse. Ecoutons plut¶t les sages Zen lorsqu'ils nous enjoignent de mieux regarder le pays dont nous sommes partis pour aller chercher plus loin l'illumination. Peut-être comprendrons-nous alors que la méditation nous fait retrouver ce trésor perdu, le quatrième commandement, à peine reconnaissable tant il a été déformé et terni, mais qui appartient toujours à notre héritage. Pour nous, créatures de Dieu contraintes de vivre dans le monde disloqué et plein de contradictions de l'histoire, le mini-sabbat qu'est la méditation peut devenir le don même de la vie."
Harvey Cox L'appel de l'Orient.
J'écris ces quelques pages pour ceux que l'espoir a quitté, pour ceux qui n'ont plus d'horizon, pour ceux dont l'amour semble absent de leur vie. Et je leur demande de ne pas s'en remettre aux marchands d'illusions. Qu'ils sachent qu'il n'y a pas de bien plus précieux que la liberté, la liberté de penser, de vivre et d'aimer à sa guise. Ce n'est que dans l'expérience de la liberté qu'il est possible de trouver l'épanouissement. N'allez pas rejoindre les rangs des "prisonniers de Dieu". Ne tombez pas sous la coupe des violeurs de conscience.
Je dédie ces lignes également aux adeptes de la Conscience de Krishna qui se sentent blessés par leur passage dans la secte. Je sais que certains d'entre eux n'aimeront pas ce vocable. Mais il faut avoir le courage d'appeler un chat, un chat. Il y a des groupes de yoga parfaitement honorables ou des institutions bouddhistes qui ne mérite pas ce qualificatif. Le Mouvement Hare Krishna s'est malheureusement illustré par des pratiques et une idéologie peu respectueuse de l'être humain, il est juste à ce titre de le faire figurer sur la liste des groupes sectaires, même si quelques changements font timidement leur apparitions, ceux-ci sont encore trop isolés et le passé récent est trop lourd pour penser qu'il ne perdure pas de traces en profondeur, cela malgré certains efforts vers la respectabilité.
Tentative de Synthèse
Avertissement
Au départ, mon intention première en écrivant ce livre était surtout d'informer le grand public des dangers que peuvent représenter les différents groupes sectaires, et cela sur la base de mon expérience personnelle, dix années passées au sein de l'Association Internationale pour la Conscience de Krishna, plus connue sous le nom du mouvement Hare Krishna. Puis graduellement, au cours du travail de documentation que j'effectuais en contactant d'anciens adeptes, ainsi qu'en m'entretenant avec des membres actifs de l'organisation, la conviction m'est apparue qu'ils seraient sans doute les premiers désireux de lire les lignes qui vont suivre.
A ceux là donc qui me liront, je demande d'avance de me pardonner si je choque parfois leurs croyances et si je les bouscule dans la confiance qu'ils ont cru bon donner à leur mouvement. Qu'ils sachent que je respecte profondément leur engagement et leur dévouement et qu'ils soient certains que je ne doute pas de l'entière sincérité de la plupart d'entre eux. C'est précisément à ces disciples sincères et en quête de vérité que je m'adresse avant tout. Nombre d'entre eux m'ont témoigné de la compréhension dans les problèmes graves qui m'opposent avec le mouvement Hare Krishna. Et ces même disciples, qui avaient parfois des positions de responsabilités m'ont fait part de leur désaccord avec bien des pratiques sectaires qu'ils désapprouvent et voudraient voir changer. Dans le même temps, ils me confiaient leur sentiment d'impuissance à faire évoluer les choses comme ils le voudraient.
C'est parce que j'ai connu moi aussi ces moments pénibles ùl'on sent que "l'église" à laquelle on a donné sa vie ne répond plus à nos aspirations profondes. C'est parce que j'ai moi aussi pendant des années essayé de faire évoluer les choses de l'intérieur, ne voulant pas renoncer à mon idéal de départ ni aux années que j'avais consacrées. C'est pour toutes ces raisons que je tiens à leur formuler ma sympathie et mon désir sincère que leurs espoirs de voir leur mouvement se comporter comme une "religion respectable" et non comme une secte asociale, puissent enfin aboutir.
J'espère qu'ils comprendront que ma démarche, avant tout critique, se veut objective. Dans les pages qui suivent, je ne ferai que relater des faits avérés ainsi que mon propre témoignage. Si l'on veut rebâtir du neuf, il faut d'abord déblayer. Au cours de ce travail, on s'occupe avant tout à casser et à jeter. C'est ce que je m'efforce de faire avec les préjugés, les idées reèues et les conditionnements de toutes sortes. C'est parce que je pense que le chemin vers la "vérité" passe par une remise en question permanente de ce que l'on croit acquis que je les invite à me suivre à travers ces pages et à réfléchir au faits exposés et aux idées soulevées.
Je sais que certaines de mes opinions sur le fondateur de leur mouvement vont les choquer et qu'ils craindront en les écoutant "d'aller en enfer" comme il le leur a enseigné. Mais qu'ils sachent que le maître spirituel de leur maître spirituel, Shrila Bhaktivinoda Thakura explique dans un écrit hautement censuré par leur institution : le Bhagavat, que les brahmanes ont décrit l'enfer dans le Shrimad Bhagavatam afin d'inspirer l'effroi chez les "masses ignorantes", pour les amener à une vie plus morale.
Les masses ne sont plus ignorantes, en occident en tout cas. Et ce n'est plus la peur de l'enfer ou l'espoir du paradis qui constituent le moteur de la psychologie de l'homme moderne. Le savoir n'est plus désormais le monopole exclusif d'une classe de "brahmanes" (moines ou clercs), il est accessible à tous. C'est ce qui fait la différence entre le moyen âge et le vingtième siècle. Mais aussi dans une certaine mesure, entre l'Inde et l'Europe.
Ceci dit, l'extrême snobisme intellectuel, qui consiste à renoncer à deux mille cinq cent ans d'évolution de la pensée comme le font les adeptes de certaines sectes néo-orientales apparaît clairement comme un caprice d'enfants gâtés à bien des brahmanes indiens de la plus noble extraction. Lesquels ne manquent de respect ni pour leurs traditions, ni pour la culture occidentale.
Il apparaît en fin de compte que la seule et la plus grande richesse du brahmane, ce soit son intelligence. De tous les dons de Dieu, n'est-elle pas le plus précieux ? Y renoncer, n'est-ce pas là une injure faite à son donateur. Aimons Dieu pour ce qu'il nous donne plut¶t que pour ce qu'il serait censé nous enlever. Je soupèonne la religion de vouloir nous faire abandonner une partie de l'intelligence que Dieu nous donne. Je soupèonne les sectes de vouloir procéder à l'ablation de la quasi-totalité de ce don divin. A qui le crime profiterait-il ? C'est ce que nous allons nous efforcer de découvrir.
Je tiens à prévenir ceux que mes remarques acerbes sur la religion risquent de gêner. Qu'ils ne s'y trompent pas. Je suis bien conscient que la religion vaut mieux que la secte, même si parfois je semble faire des rapprochements. Entre deux maux, il faut choisir le moindre. Vouloir enlever la religion a l'humanité, c'est comme donner un coup de pied dans les béquilles d'un infirme. Disons que je me situe volontiers du c¶té de ceux qui comme Harvey Cox, réclamerait "un Christianisme sans religion". En Inde, la tradition krishnaïte est à la source de trésors culturels inestimables que je m'efforcerai de décrire au cours d'un chapitre de cet ouvrage.
Le yoga, la méditation, la pratique spirituelle sont respectables et sans doute souhaitables pour quiconque en ressent le besoin. Mais ils n'exigent pas qu'on leur aliène son existence entière. La vraie pratique spirituelle est si puissante qu'elle ne requiert pas une "quantité" d'engagement. Tout comme un médicament efficace doit être pris selon une posologie précise, l'absorber à haute dose pouvant même être dangereux. Méfiez-vous des "spiritualistes" qui vous réclament un engagement total.
Le problème que l'on rencontre chez les dévots de Krishna, et chez leur fondateur, Swami Prabhupada, c'est qu'ils ne se contentent pas d'introduire un système de pensée, ils prétendent mettre en place un système social dans sa quasi intégralité. Est-ce parce qu'ils n'arrivent pas à dissocier leur système de croyances du contexte culturel dont il est issu ? Comme on le verra par la suite, l'hindouisme est un ensemble de croyances qui pénètre tous les rouages de la société, qui gère tous les stades de l'existence de l'individu. Si son approche ne procède pas d'une démarche analytique et synthétique, si on pense pouvoir intégrer la totalité de l'hindouisme dans notre vie d'occidental, on va vers l'explosion. Et quand èa explose, èa fait mal.
Si la spiritualité constitue un des besoins les plus fondamentaux de l'être humain, il est clair cependant que la forme nouvelle que le monde a revêtue depuis l'apparition des moyens de communication modernes doit donner naissance à une nouvelle forme d'approche religieuse, plus "communicante" et moins repliée sur elle que l'ont été jusqu'à ce jour toutes les grandes religions monolithiques et particulièrement le catholicisme. La grande réunion à Assise il y a quelques années qui rassembla tous les leaders religieux de la planète allait dans ce sens. Il nous faut continuer à oeuvrer activement dans le sens du rapprochement, l'enjeu est de taille quand on constate avec angoisse que presque tous les conflits armés de la planète ont pour toile de fond l'opposition religieuse. La problématique sectaire par les interrogations qu'elle soulève semble cristalliser un des soucis majeurs de l'humanité d'aujourd'hui.
Tires le rideau sur le monde terne;
La vie se dissimule.
Il faut briser le carcan de la vision externe.
La paix et la douceur nous attendent,
là bas, derrière la forêt des illusions.
J'ai voulu renoncer au plus précieux des dons,
J'ai voulu aller à l'encontre des lois subtiles.
Je me suis brisé, j'ai perdu la raison
Et me suis retrouvé seul, au milieu d'une île.
Une île d'intolérance et de principes arides.
J'avais évacué l'esprit pour mieux vivre la lettre;
Je me suis fourvoyé, il me faut bien l'admettre.
û988
Après avoir passé dix ans de ma vie dans une secte, de û7 à 27 ans. Dix ans de bénévolat, d'idéalisme, d'activisme forcené, m'ayant conduit de mon Anjou natal en passant par les berges du Ganges, manquant de m'échouer sur les rives de la folie; fr¶lant de près la mort à plusieurs reprises, vivant auprès de gourous dont le pouvoir ferait pâlir d'envie un roi ; gourous corrompus et manipulateurs; dix ans à penser que j'oeuvrais pour le bien de l'humanité; j'entreprends de livrer une synthèse de mon expérience. Au risque de devenir un dangereux anathème, j'écris pour informer, pour mettre en garde, pour dire à l'homme de ne plus sacrifier son individualité sur l'autel des fanatismes. Car le phénomène sectaire est un mal universel qui frappe aujourd'hui une grande part de l'humanité sous des formes diverses et rejoignant toujours le même principe. Cultiver sa différence pour mieux haïr l'autre, et haïr l'autre pour enfin avoir le sentiment d'exister.
A l'heure même ùj'écris ces lignes, un dramatique fait divers défraie la chronique, la secte de l'Ordre du temple Solaire vient de commettre un suicide collectif international causant la mort de 53 personnes. Au moment ou l'opinion public subit le choc d'un événement sans précédent dans l'Europe moderne, sans doute est-il temps de se pencher sérieusement sur un problème qui nécessiterait une intervention rapide et efficace du législateur. Mais la gageure est de taille et si les tentatives précédentes se sont soldées par la mise aux oubliettes, c'était sans doute que l'ampleur du problème n'avait pas été suffisamment appréhendé. Qu'est-ce qui fait la différence entre une secte dangereuse et une religion établie ? C'est ce que nous allons nous efforcer de définir dans les pages qui suivent; même si comme nous le verrons, la différence n'est pas toujours évidente. Surtout si l'on fait le parallèle avec les mouvances intégristes de certaines religions dominantes. On peut alors comprendre la difficulté de légiférer dans un tel domaine. Mais le respect de la liberté de conscience peut-il logiquement impliquer que l'on autorise certains s'aliéner de toute liberté au profit d'un gourou illuminé ou de sa secte ?
Il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause la démarche spirituelle dont je reste convaincu qu'elle est indispensable à l'épanouissement humain. Il ne s'agit pas non plus de s'attaquer à la sacro-sainte liberté religieuse. Mais quant au nom de la liberté de religion on laisse la classe des ecclésiastiques de tous poils ou des "pseudo prélats" réduire l'individu au rang de zombie lobotomisé, il y a lieu de s'inquiéter. Doit-on au nom de la liberté de conscience, laisser se développer des groupuscules fascisants ? Est-il acceptable qu'une religion comme l'Islam condamne à mort tout musulman qui se rend coupable du crime éhonté d'apostasie : le simple fait de s'avouer athée? (cf Salman Rushdie) Est-il normal que le Vatican attende û992 pour réhabiliter Galilée, lequel en son temps avait commis le crime incommensurable d'hérésie en osant prétendre que la terre tournait autour du soleil et non l'inverse? Sans doute le problème vient-il, comme le soulignait très justement un journaliste québécois du fait "que nous vivons dans une société qui a encore peur de Dieu et donc de ceux qui s'en réclament."
J'entends déjà le fameux dicton qui veut que la peur de Dieu soit le commencement de la sagesse. Il y a là quelque chose de profondément contradictoire, si Dieu est infiniment bon comme l'affirme les religions, il n'y a nulle raison de le craindre. Mais la peur est un sentiment qui fait l'affaire des fonctionnaires de Dieu. Elle est leur fond de commerce, un capital dont la devise s'appelle culpabilité. Notre société ne s'est pas affranchie du pouvoir religieux, or le pouvoir s'accommode très mal avec la religion. Et comme le dit très justement Patrik Bernard, autre observateur pertinent : "la spiritualité commence là ùs'arrêtent les religions".
DU DIEU DOUX A LA SECTE DURE
Il enlace une fille, en baise une nouvelle,
Et d'une troisième jouit.
Puis il se moque encore d'une autre un peu rebelle,
Ou contemple un joli minois qui lui sourit.
Hari, là-bas, prêt à jouir
Séduit un ingénu cortège d'élégantes.
Que ce merveilleux chant de Sri Jayadeva
Exaltant Keshava dans le bois de Vrindâ
ùlascif il jouit de secrètes délices
Soit à tout le monde propice.
Gîta Govinda de Jayadeva
(poète krishnaïte du douzième siècle)
(Hari est un des noms de Krishna)
La tradition krishnaïte en Inde constitue un courant spirituel majeur, pour des centaines de millions d'indiens. Krishna est une personnalité familière au point que toutes traditions confondues, jusqu'aux musulmans, observent avec joie les fêtes krishnaïtes. La Bhagavâd-Gitâ, l'enseignement philosophique de Krishna est un texte fondamental de la spiritualité mondiale qui a inspiré nombre de sages tels Gandhi, Emmerson et bien d'autres et dont la profondeur et la nature transcendante sont indiscutables. Krishna quant à lui incarne dans son existence terrestre, qui semble s'être déroulée il y a environ cinq mille ans, toutes les valeurs de douceur, et de l'amour, sous toutes ses formes. Il est un personnage profondément tolérant, sensible, artiste, jovial et même sensuel dans ses divertissements érotiques avec les g¶pis , les vachères de Vrindavan, son village natal. Comment d'une divinité profondément douce et adepte de la joie de vivre, a-t-on pu créer une secte puritaine, les dévots de Krishna s'interdisant toute relations sexuelles en dehors du mariage. Et dans le mariage restreignant les seuls échanges en vue de la procréation. Une secte ou la manipulation mentale va bon train et qui finalement se trouve très souvent en contradiction totale avec son inspirateur et objet de son culte ?
A vrai dire le phénomène n'est guère plus étonnant que la dérive violente et intolérante de la chrétienté qui plus souvent qu'à son tour s'est retrouvée aux antipodes du fameux "aimez vous les uns les autres". De nombreux sages et Yogis étaient venus auparavant en occident mais peu d'entre eux devinrent fondateurs de sectes et aucun d'un mouvement aussi radical que celui des dévots de Krishna. Shri Aurobindo par exemple est connu pour son enseignement ainsi que Krishnamurti, quant aux maîtres yogis comme Swami Yogananda, leur apport est perèu comme une contribution importante et indéniable. Le yoga a aidé à ce jour des millions d'occidentaux à trouver équilibre, santé et harmonie intérieure. Alors comment expliquer la sectarisation d'un groupe comme les dévots de Krishna, lesquels se réclament également d'une forme de yoga préconisée par la Bhagavâd-Gitâ, le bhakti yoga. Les raisons sont multiples, à la fois culturelles et religieuses mais en premier lieu, sans doute faut-il voir dans la personnalité même de son fondateur, Swami Bhaktivedanta Prabhupada une des causes majeures de la dérive sectaire de ce groupe. Ce fait est extrêmement difficile à faire admettre aux anciens adeptes qui n'hésitent pas à critiquer le mouvement lui même mais n'osent pas, de peur de commettre un sacrilège irréparable à faire remonter une part de la responsabilité de ses errances à son fondateur. Il s'agit d'une marque profonde héritée d'un conditionnement systématique qui leur rabâche sans cesse que le pire des crimes est l'offense au Gourou. Un crime puni par la descente aux enfers, la perte de tout bénéfice spirituel etc... etc...
Ce qui est étonnant, c'est le phénomène de régression que subissent les adeptes des sectes en général. Ils acceptent de pénétrer dans un monde où tous les acquis de la civilisation occidentale (droit de l'homme, démocratie, libre exercice de la raison...) sont remis en cause, voire foulés aux pieds sytématiquement. Il règne dans la dimension sectaire un shéma masochiste effrayant et il va de soi que la vision psychanalityque peut nous aider à y voir un peu plus clair.
Les débuts historiques du mouvement hare krishna
Le mouvement Hare Krishna a connu ses débuts en û965 avec l'arrivée à New York du Swami Prabhupada, lequel répondait à une demande de son propre gourou, lui ayant enjoint de se rendre en Amérique pour répandre sa culture krishnaïte. C'est donc à l'âge de soixante dix ans qu'il quittait son Bengale natal , pour se rendre à New York sur un vieux cargo. Il a en poche quarante roupies, l'adresse d'une relation et il emmène une malle pleine des livres qu'il a écrits. On doit rendre hommage au courage de cet homme qui n'avait jamais quitté son Inde natale, partait dans des conditions plus que précaires et dont la santé fragile lui valut de subir deux attaques cardiaques durant la traversée. Le courage et la détermination sont deux qualités majeures chez Prabhupada et elles contribueront largement à exercer la fascination sur les jeunes américains qu'il va rencontrer.
On peut aisément imaginer le choc culturel pour ce noble vieillard qui n'avait jamais quitté son pays et se retrouvait soudain au coeur de la civilisation américaine. Et cela au moment précis ùun immense mouvement de rejet des valeurs matérialistes prenait son essor sous la forme de la contre-culture et du "flower power". Il va sans dire qu'il trouva là un terrain très favorable à sa prédication laquelle allait dans le sens d'une critique systématique et peu objective de la culture américaine. On le vit bient¶t aux c¶tés de Tymothy Learry, Allen Ginsberg, et des Beattles eux mêmes qui lui firent don d'un magnifique manoir en banlieue londonienne.
Les disciples arrivèrent en masse et dans le milieu des années soixante dix, le mouvement comptait plus de trois mille disciples et plus d'une centaine de centres à travers le monde. Il semble que ce succès aussi foudroyant qu'inattendu ait quelque peu dépassé le Swami et qu'il montra des signes évidents de confusion sur la manière de gérer une telle expansion. Mais pour comprendre le choc culturel de Prabhupada à son arrivée en Amérique, il faut se remémorer qu'il arrive d'une société traditionnelle aux schémas quasiment médiévaux et que sa connaissance de la culture occidentale reste très pauvre en dépit du fait qu'une partie de son éducation secondaire fut reèue au collège britannique de Calcutta.
Dans l'esprit du Swami, la culture occidentale dans sa globalité est une culture méprisable de "mangeurs de viandes". Cette distinction alimentaire est d'ailleurs très importante à ses yeux et pour lui quiconque mange de la viande est incapable du moindre sentiment spirituel, de la moindre pertinence intellectuelle, il est disqualifié d'office.
Les dévots de Krishna, dans la droite ligne de son intégrisme brahmanique cultivent un puritanisme alimentaire extrême et s'interdisent de consommer viande, poisson et oeufs. Pour eux l'alcool, le tabac, le café, que dire de la drogue sont également exclus. De telles restrictions sont sans doute souhaitables pour la santé, mais elles prennent chez eux un caractère obsessionnel, qui les empêche pratiquement de pouvoir fréquenter quiconque ne satisfait pas leurs exigences sur ce plan. La plupart d'entre eux luttent pour s'épargner le simple souvenir du temps ùils mangeaient de la viande ou sêadonnaient aux plaisirs interdits par la secte...
Quant aux restrictions sexuelles, elles sont à la base de nombreux troubles psychologiques et comportementaux. Les cas d'abus sexuels à l'encontre d'enfants de la secte sont d'ailleurs très nombreux et le bilan matrimoniale du groupe affiche un taux de divorce affligeant dépassant les 70 %. Je ferai part dans cet ouvrage de ma propre expérience à ce sujet. Ayant du souffrir d'un mariage "arrangé" aux conséquences douloureuses. Ce chapitre nous permettra d'entrer dans le sujet de l'ingérence systématique du gourou dans la vie privée de ses disciples. Ce qui à mon sens constitue également la distinction entre gourou totalitaire et véritable maître spirituel.
LES MOTIVATIONS DE L'ADEPTE
Comme dans toute tentative de classification, il est évident qu'il faut nuancer l'énoncé qui suit par le fait qu'il n'existe jamais de typologie pure, la complexité de l'être humain étant telle que le plus souvent c'est un faisceau de motivations diverses et enchevêtrées qui amènent un individu à s'engager dans une voie. Rien ne dit en effet qu'une âme religieuse comme décrite ci-dessous n'aura pas également souffert d'une enfance difficile qui aura précipitée son engagement ou qui l'aura orienté différemment de ce qu'il aurait pu être sans l'héritage d'un certain type de schémas parentaux.
L'âme profondément religieuse
Il est indéniable qu'il existe une classe d'individus dont le profil psychologique les prédispose à une vie religieuse. Ces gens sont sincères, dévoués, désintéressés, compatissants pour la souffrance d'autrui et aspirant profondément à un idéal. Au sein de cette classe de spiritualistes, on trouve les dévoués, les méditatifs, les ermites, les érudits, les prêcheurs etc... je pense sincèrement que ces individus ne sont pas la résultante d'un déterminisme socio- culturel mais qu'ils portent bien en eux la nature qui les poussent vers de telles démarches. Ce type d'individu est le plus souvent un hypersensible, hyperintuitif et malheureusement pour lui un de ses traits de caractère est souvent une confiance excessive en autrui. Etant lui-même, ou elle-même doux par nature et bienveillant, il prête difficilement à son prochain des intentions nuisibles. Il lui faudra donc parfois souffrir d'amères déconvenues pour enfin doter sa personnalité d'une structure de défense qui le mette à l'abri des malintentionnés.
"Les chamans sont au plus profond d'eux même des prêtres-prophètes, poètes et hérauts, médecins divins, voyants et devins-pélerins guidés par les rêves, en route vers des régions secrètes, vers l'au-delà de la conscience humaine. A proprement parler, ces élus sont des "anormaux", incapables de mener la vie ordinaire de la tribu. Sociologiquement, donc par rapport à la "normalité", on peut les considérer comme des fous. Ils ne font en tout cas preuve d'aucune disposition à être chasseurs, guerriers, époux, pères de famille, chefs ou leaders politiques. Psychanalitiquement parlant, ce sont des personnalités fragiles, soumises à l'inconscient, au bord de la psychose. Mais c'est justement cette vulnérabilité psychique qui leur confère le pouvoir de guérir les malades et de délivrer les possédés. Leurs rêves initiatiques de jeunesse agissent à la faèon d'un vaccin : ils les immunisent contre le dérèglement et les crises intérieures que pourrait provoquer le réveil de leur force profonde..."
Eugen Drewermann dans Fonctionnaire de Dieu
L'individu en détresse
Au cours des dix ans passés avec les dévots de Krishna, j'ai pu observer qu'un nombre important de jeunes en dérive venaient s'échouer sur les berges accueillantes de la secte. L'un d'entre eux, que je ne pourrai jamais oublier était un jeune sud-américain, péruvien, je crois. Lorsqu'il a rencontré le mouvement ce garèon était ce que l'on appelle un junkey, un héroïnomane très gravement atteint qui vivait dans la rue comme un clochard. Je l'ai vu abandonner la drogue du jour au lendemain. La force collective, l'idéal spirituel, le service de dévotion (il lavait les casseroles dans la cuisine du matin au soir) avaient accompli un véritable miracle . Son nom d'initié était Padasevana. Au regard d'un cas comme le sien, et il y en a bien d'autres, on peut malgré tout accorder quelque crédit aux sectes. Mais le problème est complexe, si notre société prodiguait plus de chaleur humaine, moins d'arrivisme et d'esprit de compétition forcené, si l'argent régnait moins en maître absolu, de telles alternatives ne seraient sans doute pas nécessaires.
* Le "zonard".
* Le Psy.
* L'émmigré clandestin.
Le philosophe en quête de vérité
A l'époque ùj'ai connu le mouvement pour la conscience de Krishna, dans le début des années soixante dix, de nombreux disciples étaient des gens cultivés, en réelle recherche spirituelle et pour beaucoup, dotés de formations universitaires. L'engagement dans un tel mouvement à l'époque pouvait d'ailleurs être vécu comme une forme ultime de démarche révolutionnaire. Tel était d'ailleurs notre discours, lorsque nous haranguions la foule des passants sur le boulevard Saint Michel : "Nous avons choisi la révolution ultime qui consiste à ne pas accepter la tyrannie que nous imposent la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort. Chantez le mantra Hare Krishna et vous vous libérerez de ces fléaux." Notre programme était ambitieux. Radhika Ramana par exemple était étudiant en philosophie avant de joindre le mouvement. A la fin des années soixante dix, quand le mercantilisme de la secte s'accentua, il décida de quitter ses frères spirituels. Il reprit ses études; il est aujourd'hui docteur en philosophie et enseigne aux Etats-Unis.
Je reproduis ici la lettre qu'une jeune fille de dix neuf ans écrit à sa famille pour lui annoncer qu'elle arrête ses études pour se joindre aux mouvement pour la Conscience de Krishna , (elle y restera pendant six ans ) elle me paraît exemplifier parfaitement le type de l'individu en recherche :
" Maman, papa, frères et soeurs,
Beaucoup de dépit et de colère cette nouvelle va faire naître, mais elle est écrite avec toute ma conscience et détermination. Cela fait trop longtemps que je me questionne sur la réalité de ce monde, sur le but et le pourquoi de la vie. Plus rien en ce monde matériel ne m'attire depuis longtemps, ùtout le monde souffre car il ne donne de sens à sa vie que par le travail, les amis, les plaisirs des sens. A savoir, être reconnu dans la société, dans son cercle familial et amical, par son travail, sa personnalité, son caractère, son intelligence. Nous recherchons toujours une place élevée ùnous pourrons recevoir des bonifications. Si nous ne l'obtenons pas, nous souffrons.
Toute cette souffrance n'est en fait que la conséquence de notre ignorance, nous avons perdu tout amour et reconnaissance envers notre créateur.
J'ai donc choisi de me tourner vers lui, car c'est èa le sens de la vie. Tant que nous n'avons pas reconnu dans notre coeur la présence de Dieu, la personne suprême qui est Krishna et sacrifié donc notre vie à sa dévotion, nous continuerons à subir le cycle des renaissances.
Car au-delà de cette vie sur Terre existe un monde spirituel ùla souffrance n'existe plus. Ce n'est pas en allant dans la conscience de Krishna que j'ai eu toutes ces idées en tête. Cela fait déjà bien longtemps que j'étudie sur le sens de la vie, sur la nature de notre âme.
Si j'ai pratiqué la méditation, c'était pour reconnaître la véritable nature de notre esprit, maîtriser nos sens et le mental et être en communion avec notre âme et l'origine de son émanation. Si j'ai adhéré à un cercle spirite christique, c'était pour étudier et voir la répercussion de nos actes lors de notre mort et de là, le sens de la vie et sa finalité. Là bas, les médiums essayant de faire prendre conscience aux esprits égarés car athées ou matérialistes (personnes qui venaient de mourir) de se tourner vers Dieu. Sylvain pourrait parler encore mieux que moi de la vie après la mort.
Si j'ai fait de l'astrologie, c'était pour me prouver que la vie était prédestinée, que nous avions à subir les actes de nos vies passés et agir pour une élévation à partir des événements qui s'offrent à nous.
Enfin, si j'ai adhéré à la conscience de Krishna, c'est que malgré le bienfait de vivre avec dévouement pour autrui (le métier d'infirmier), agir avec dévotion pour Krishna est encore plus important pour la libération et celle d'autrui. Il est dommage que vous n'ayez été que très peu intéressés par mes activités car j'aurais pu vous faire part plus amplement de ma recherche et de la profondeur de cette philosophie. Et de ce fait, vous êtes plus fermés et incompréhensifs vis à vis de ma décision et estimez devoir coûte que coûte m'empêcher de suivre cette voie. Mais je ne suis pas en péril, au contraire !
D'ailleurs, je viens de faire part de ma décision aux monitrices de l'école et elles ont été tout à fait en accord avec ma décision et n'ont fait aucune preuve d'incompréhension. Au contraire, si telle est ma faèon de concevoir ma vie, chacun est libre de faire ce qu'il ressent comme primordial.
Je plie donc mes bagages dans le silence, car j'évite ainsi les coups de ta colère maman, qui s'est d'ailleurs déjà manifesté ce matin. J'espère de tout mon coeur que vous allez essayer de me comprendre avec ouverture et lucidité."
Sandrine
Le docteur Marc Galanter a consacré de nombreuses années à l'études des mouvements charismatiques et autres sectes. Dans son excellent ouvrages "Cults" il propose les possibilités d'évolution suivantes pour les sectes : Une phase de forte expansion et d'une relative "pureté" aux débuts et pendant la présence du leader charismatique. Puis une phase de stagnation administrative et de luttes intestines après sa disparition.
L'analyse est tout à fait pertinente et semble parfaitement s'appliquer au mouvement Hare Krishna. En effet, pour avoir connu les deux phases de présence et de disparition du "leader charismatique", je peux témoigner de la dégradation du sentiment de cohésion qui a succédé à la mort du Swami Prabhupada. Le pouvoir charismatique de Prabhupada était indéniable et on peut dire que de son vivant, ses disciples pouvaient littéralement "déplacer des montagnes". La phase qui a suivi son décès s'est vu marquée par d'incessantes polémiques entre les soi-disants élus et une très nette dérive vers le mercantilisme forcené. L'institutionnalisation a pris place et la phase de "stagnation administrative" est bient¶t devenue patente. Un témoin intéressant de ce phénomène est apparu dans la modification du discours fondamental. Dans la fin des années soixante, lors de la présence vivante du Gourou, le mot d'ordre était : " Nous n'incarnons pas une religion, mais une philosophie". Après la mort de Prabhupada ce postulat devint graduellement : "Nous sommes une religion authentique, la preuve, en Inde on compte les dévots de Krishna par millions". Le charme était rompu. Et Prabhupada avait laissé trop de "germes sectaires" dans son enseignement. Les choses se dégradèrent alors très vite et c'est durant cette période û978/û990 que l'on assista aux pires excès. Aujourd'hui, après avoir connus de nombreux revers à travers le monde, la tendance générale du mouvement serait d'adopter "un profil bas". L'intégration des erreurs du passé se fait dans la douleur et bien que la trame sectaire demeure tenace, on est malgré tout obligé de constater une évolution. Moins d'arrogance, plus d'humanisme, moins d'affairisme, plus de profondeur. Le problème qui demeure est la persistance d'une classe de dirigeants habitués à l'autoritarisme absolu. Et la modélisation du système sur les schémas "catholiques romains". Il est intéressant de constater que nombre d'anciens disciples de Prabhupada se sont apparentés par la suite à un courant krishnaïte issu d'un vieux sage indien : Shridhara Maharaja dont l'enseignement paraît pratiquement dénué de connotation sectaire. L'accent y est mis sur la perception poétique, la spontanéité, la méditation, l'inspiration. On est loin de l'activisme forcené de Prabhupada et l'âme semble définitivement y trouver son compte. Par contre dans les premières années de ce ralliement, tous les coupables de désertion étaient considérés comme de véritables hérétiques et interdits de séjour dans les temples officiels d'ISKCON (international society for Krishna consciousness). Il en va toujours de même à ce jour. Une note interne en provenance du G.B.C. (governing board comission), la direction collégiale du mouvement, a circulé récemment dans les temples Iskcon de l'Inde excluant tout dévot ayant pris l'initiation dans un ashram affilié à Shridhara Maharaja.
Le militant
Il sêagit d'une catégorie d'individus pour qui lêaction est la valeur première. Ces activistes trouvent dans les sectes un terrain privilégié, lêénergie qui est mise à votre disposition dans un mouvement sectaire est étonnante. Vous disposez très rapidement de moyens sophistiqués : ordinateurs, fax, modems, photocopieurs, logiciels de PAO, véhicules, salles de conférences, points de chutes dans tous les pays. Pour peu que vous passiez la rapide période de probation et vous voilà doté de tous les moyens modernes de communication. Pour peu que vous ayez des facultés d'éloquence et vous voilà en quelques mois promu au statut gratifiant de conférencier.
Les moyens de promotion des sectes étant très développés, le public ne manque pas aux diverses manifestations organisées. Les sectes donnent lêimpression de se situer complétement en dehors du climat d'incertitude qui règne dans les milieux de lêemploi. Ici, si vous jouez le jeu, votre vie professionnelle semble assurée pour toujours.
L'ambitieux
Bien sûr, cette catégorie est assez liée à la précédente, le militant nêest cependant pas toujours animé d'ambition personnelle. Les sectes disposant d'un pouvoir financier considérable et mettant particulièrement lêaccent sur lêactivité commerciale, elles attirent aussi une catégorie d'individus marqués par lêéchec d'insertion dans la vie sociale. Ces individus qui sont souvent affligés d'un problème identitaire et ont du mal à vivre la compétition du monde ambiant trouve dans la secte une structure rassurante qui les flatte et leur promet une accession rapide à un statut valorisant. Il leur suffit de jouer à fond le jeu de la soumission et d'adhérer à lêesprit fusionnel du groupe.
LE CONCEPT DE RENAISSANCE
Parmi les motivations du nouvel adepte, le sentiment d'adhérer à une famille n'est certes pas des moindres, même s'il est plus ou moins conscient. Cette adhésion à une famille de substitution est d'autant plus flagrant que certains groupes cultivent une véritable dialectique de la renaissance. Pour les dévots de Krishna, il y a l'existence avant et après l'initiation. L'initiation est assimilée à une renaissance à part entière ; la vie précédant l'adhésion étant considérée comme une autre vie, en se référant au concept de la réincarnation.
Le nouvel initié se voit donc doté d'un nouveau père et d'une nouvelle mère; le père étant bien entendu le gourou et la mère, la secte. Mais il s'agit là de parents absolus, indiscutables, idéalisés à l'extrême, dont la première exigence est de ne supporter aucune critique, aucune remise en question. Le nouvel adepte doit sa vie à ses nouveaux parents, il lui faut donc cultiver un sentiment de reconnaissance indéfectible et ce lien de filiation lui est rappelé en permanence. Bien entendu, la dualité est constamment entretenue entre "vie nouvelle" et "vie passée"; entre "vie matérielle" et "vie spirituelle" entre les gens fréquentables et ceux qu'il faut éviter absolument. Dans cette première catégorie rentrent les co-adeptes qui jouissent du statut de frères et soeurs et ceux que l'on peut envisager de convertir, ceux qui pourraient rejoindre la grande famille.
La renaissance est effective quand l'adepte reèoit son nom spirituel. La cérémonie de remise du nom spirituel a lieu lors de la première initiation. Pour devenir ainsi officiellement disciple, le jeune dévot fait le voeu de suivre strictement et pour la vie
les quatre "principes régulateurs" :
û- Ne manger ni viande ni poisson ni oeuf.
2- Ne consommer aucune substance intoxicante: drogue, café, alcool, tabac, thé
3- N'avoir aucun rapport sexuel "illicite": en dehors du mariage et dans le mariage, hors des périodes de fécondation.)
4 - Ne pas s'adonner aux jeux de hasard, ni à la spéculation, ni aux "sports futiles".
- De plus, le disciple s'engage à réciter chaque jour seize tours de son chapelet, soit û6 x û08 = û728 fois le mantra Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare ( Oh ! Seigneur, oh! Puissance de Félicité , qu'avec amour je vous serve.) La récitation de cette prière sanskrite prend en moyenne deux bonnes heures . A une époque certains gourous avaient rajouté l'obligation de lire les livres du fondateur au minimum une heure par jour. Ces voeux, bien entendu vont de pair avec un voeu d'obéissance au maître spirituel. Lors de l'examen de passage à l'initiation, Indra Dyumna Swami posait au postulant la question suivante : "Si le maître spirituel vous demande de sauter par la fenêtre, que faîtes vous ? " Je pense qu'un disciple ayant de l'humour et qui aurait demandé de quel étage aurait été sûrement recalé, mais c'est une pure supposition. Indra Dyumna Swami qui est devenu gourou depuis n'a jamais été doté ni d'un sens de l'humour marqué, ni d'un pouvoir d'analyse quelconque, encore moins d'un sens relationnel développé, j'aurais l'occasion de revenir sur cet individu qui malheureusement continu encore de sévir aujourd'hui et qui fut le lieutenant fidèle du redoutable Bhagavan. On peut malgré tout lui reconnaître une qualité, il fût dévoué jusqu'à l'imbécilité.
Au moment de l'initiation, le gourou brûle le karma dans le feu du sacrifice, il rachète les fautes du disciple. Quoiqu'il puisse lui arriver par la suite, c'est dix fois moins que ce qu'il aurait dû endurer normalement s'il était resté un pêcheur.
½áLe disciple ne peut jamais repayer la dette contractée envers son maître spirituel, même par des vies de service.á+
J'ai un problème avec les adeptes du mouvement, depuis quelques années, ils changent très souvent de nom. Quand on me parle d'untel, on me dit : ½átu sais avant il s'appellait comme èa..á+ Cela a commencé avec le départ de Bhagavan. Leur gourou étant parti et s'étant par là disqualifié, ses disciples se sont alors sentis comme orphelins. Ils approchèrent donc d'autres gourous pour recevoir une nouvelle initiation, donc un nouveau nom. Malheureusement, pour certains d'entre eux, le gourou a de nouveau défailli, d'ùla recherche d'un autre initiateur....etc.... A ce stade d'abandon d'identité et d'autonomie, on ne peut que soupèonner la présence de névroses graves chez ces individus. Pour les avoir pratiqués longtemps, je peux témoigner que les plus équilibrés sont ceux qui ont toujours refusé l'initiation. On a dans ce cas affaire à des gens qui gardent un recul intérieur, des gens qui ont un minimum d'amour propre. A un moment donné, ce commerce de noms m'est apparu comme l'oeuvre du fermier qui marque son bétail. Mon dernier fils, alors qu'il vivait toujours chez sa mère vint à rencontrer un gourou de passage, "comment s'appelle-t-il ? Toukaram! Oh! ce n'est pas un nom de dévot, désormais il s'appellera Tulsi das." Ce gourou décide de changer le nom de mon fils qui a quatre ans, sans même me demander mon avis? et de plus sur la base d'arguments sectaires car le nom spirituel que nous lui avions donné (son nom civil est Morgan) est celui d'un grand saint de l'Inde, reconnu comme tel par les vishnouïtes, seulement ce nom n'a pas cours dans la secte.
Cet exemple montre également clairement comment le gourou s'immisce dans la relation des couples, ici , le père n'est pas consulté. Nous étions divorcés mais tout le monde sait que la responsabilité éducative est partagée.
Mais c'est à la deuxième initiation que le disciple devient véritablement un dvija, "un deux fois né". On lui remet alors le cordon du brahmana qu'il doit porter autour du cou et en travers de la poitrine, un peu comme une sorte de cordon ombilical. Ce simple cordon de coton à deux roupies devient le support de tout l'orgueil de caste de notre nouveau "brahmane". Il reèoit également à ce moment le gayatri mantra, la prière sanskrite secrète qu'il doit réciter trois fois par jour, au lever, au zénith et au coucher du soleil.
Pour ceux qui endurent les pires austérités en vue d'accéder à ce secret des dieux, je livre ce fameux mantra, cela leur épargnera sans doute quelques peines :
Om bhur bhuva svaha tat savitur varenyam bhargo devasya dimahi diyo yo nah prachodayat
Aim gurave namaha
Aim gurudevaya dimahi pushpabanaya vidmahe tan no guro prachodayat
Klim gauraya namaha
Klim gauraya dimahi pushpabanaya dimahe tan no gaura prachodayat
Klim krishnaya namaha
Klim krihnaya vidmahe pushbabanaya dimahi tan no nanga prachodayat
Chaque ligne du mantra doit être répétée dix fois de suite mentalement. La caste des brahmanes va mêen vouloir pour ce sacrilège, mais pas ceux qui parmi eux possèdent les qualités décrites dans les écrits sacrés de lêInde. Le brahmana, d'après la Bhagavad-Gîta est censé vivre selon les principes suivants :
" La sérénité, la maîtrise de soi; l'austérité, la pureté, le pardon et aussi la droiture, la sagesse, la connaissance, la foi en Dieu, tels sont les devoirs du brahmane, nés de sa propre nature."
Bhagavad Gîta XVIII, 42
Chaque secte cultive l'esprit de clan à l'extrême. D'ùl'importance du rituel et l'adoption de signes distinctifs indispensables. A ce stade de l'observation, on est tout à fait en droit d'assimiler l'intégrisme d'une religion établie à la démarche sectaire dans son ensemble. Le besoin d'arborer croix, chipa, tchador, chapelets, tonsures et autres vient nourrir le besoin d'identité par le biais de l'affirmation des signes du clan. Chez les dévots de Krishna, les signes extérieurs sont très importants. Il leur est impensable par exemple de se séparer du collier de tulsi (un arbre sacré de l'Inde) qu'ils portent autour du cou. Si vous lui demandez sa signification, ils vous répondront comme leur a bien appris leur gourou "qu'ils portent un collier car ils sont les chiens de Krishna." Certains sont affectueux, d'autres mordent. Si vous les interrogez sur la marque d'argile sur leur front, le tilak, ils vous répondront qu'ils décorent ainsi le corps car celui-ci est un temple de Vishnu (un autre nom pour Dieu en Inde, qui signifie Celui qui soutient l'univers). La réponse cette fois paraît plus profonde. Mais le soin et l'amour qu'ils apportent au temple de Dieu laisse parfois rêveur.
UN DUALISME DE CIRCONSTANCE
Alors que nombre de sectes pr¶nent une idéologie de faèade universaliste, force est de constater qu'un des moteurs premiers de leur dynamique repose sur un dualisme forcené. Ce dualisme se retrouve à tous les niveaux de leur dialectique, jusque dans leur hiérarchisation systématique, laquelle distingue fortement le disciple "avancé" du simple néophyte. Cette différenciation est d'autant plus marquée qu'un autre élément moteur fondamental est la notion de pouvoir. Pour accéder au statut de pouvoir du maître, je dois d'abord me soumettre à lui. Le glissement entre universalisme et dualisme, entre aspiration au détachement et quête du pouvoir est remarquable. Il semble qu'à un stade de son engagement, l'adepte accepte cette morale à deux vitesses comme condition incontournable à son initiation. La "Mère" suggère insidieusement que les valeurs de départ étaient héritées de l'ancien mode de pensée, de l'ancienne vie. Elle distille peu à peu l'idée que ses valeurs intrinsèques sont dotées d'une dimension transcendante. Désormais, la discrimination devient acceptable car emprunte de la "vision spirituelle". Désormais la vénalité devient acceptable car elle serait dédiée à un principe supérieur. On tombe ainsi dans des paradoxes aussi absurdes que d'en venir à cultiver le mépris de la différence dans l'idée d'une accession future à une "conscience supérieure" permettant d'embrasser l'humanité. Il est vrai qu'on retrouve ici le paradoxe des religions qui persécutent, "inquisitionnent" ou colonisent avec le sabre et le goupillon, au nom de l'amour de Dieu. Qui n'a pas en tête l'image de Christophe Colomb essayant de faire chanter le "Salve Regina" aux indiens en les menaèant de les enchaîner s'ils ne s'exécutent pas.
Cette vision duelle est nécessaire au gourou sectaire, elle est l'élément majeur de contr¶le sur l'individu. Si Dieu est "au-delà", inaccessible, c'est seulement par la grâce du gourou qu'il peut se révéler. Si le "monde" est impur, seul le gourou peut nous en protéger.
Plus le système de références est manichéen, plus le travail est facilité pour le gourou malhonnête. En réalité, l'inspirateur initial du mouvement Hare Krishna, Chaitanya, qui vécut au XVIème siècle avait précisément amené une synthèse révolutionnaire entre les conceptions dualistes et monistes. (achintya bedabeda tattva) Sur le plan purement philosophique, les dévots sont en totale contradiction avec leur fondateur.
Pourquoi si peu d'adeptes se retournent contre les sectes?
Il est étonnant de constater que très peu d'anciens adeptes s'en prennent aux sectes, même si pour nombre d'entre eux la liste des griefs pourrait atteindre des volumes impressionnants. Il y a à cela plusieurs raisons dont la première est certainement qu'après avoir passé un séjour prolongé s'étalant bien souvent sur plusieurs années, en appliquant le principe fondamental de tous ces groupes qui veut que l'on ne fréquente que leurs membres , l'ex-adepte se retrouve dans une situation ùses seuls amis proviennent tous de la même origine.
Dans la plupart des cas l'adepte ne peut remettre en cause l'idéologie fondamentale, il opte bien souvent pour un statut de déviant ou de vague réformateur du courant central, mais le sentiment de filiation est si fort qu'il peut perdurer des années, et il est très rare de voir un ancien membre opérer une remise en cause profonde et systématique des dogmes qui lui ont été inculqués. Le schéma le plus courant est sans doute celui d'un homme ou d'une femme se culpabilisant de n'avoir pu vivre selon les préceptes qui lui ont été transmis. Devoir rejoindre les rangs de "l'ennemi" est alors vécu comme un échec cuisant et cette phase peut se prolonger aussi longtemps que le sentiment aigu de crainte de l'autorité ou du châtiment divin se perpétue dans la conscience. Je pense que chez certains, cela peut durer toute une vie.
Une autre raison et pas des moindres est que l'adepte qui sort d'une secte après avoir donné cinq ou dix ans de son énergie bénévolement et après avoir ingurgité un conditionnement en profondeur se retrouve totalement déstructuré sur le plan social, psychologique, intellectuel et bien souvent affectif, voire sur le plan purement physiologique. Il lui faut tellement prendre sur lui pour atterrir au sein des "gens normaux" qu'il ne lui reste que bien peu d'énergie pour s'en prendre à la matrice tentaculaire dont il a osé s'extraire. Dans certains cas (nombreux) la restructuration est très longue. Une ancienne adepte de la Scientologie affirmait lors d'une émission télévisée avoir mis autant de temps qu'elle en avait passé dans la secte en l'occurrence dix années. Et cela grâce à l'aide d'un mari et d'une famille aimante. Tous n'ont pas cette chance.
Les conditionnements sont ancrés tellement profondément quêil faut des années pour sêen défaire. Par exemple, je nêai pu cesser d'être végétarien que cinq ans après avoir quitté la secte. Pendant toutes ces années, il mêarrivait de faire des cauchemars dans lesquels je me voyais en train de manger de la viande ou de fumer une cigarette. Il a fallu quêun osthéopathe me conseille un jour de reprendre une alimentation plus variée car jêavais des problèmes de foie dûs à un abus de produits laitiers. Je signale au passage pour tous les fanatiques du végétarisme que je me sens dix fois mieux physiquement depuis que je mange à nouveau viande et poisson (modérément). Il nêy a rien de plus insensé que de vouloir imposer un mode d'alimentation comme le font les dévots de Krishna. Lêalimentation est un acte extrêmement important qui doit procéder de lêattrait spontanné que ressent lêindividu en fonction de sa structure psychologique et physiologique.
Le conditionnement alimentaire est le plus profond qui soit chez les dévots de Krishna. Il les enferme dans un véritable ghétto et pose des problèmes considérables quant à lêéducation de leurs enfants. Jêassistais encore récemment au désaccord qui séparait un couple divorcé sur ce point. ½áJe trouve inadmissible que tu autorises mon fils à manger de la viande à la cantine, nous savons les graves conséquences que cela engendre sur le plan du karma, nous nêavons pas le droit de leur faire subir cela.- cêest lui qui le désire répondit sa mèreá+ Jêessayais d' expliquer au père de lêenfant que les conséquences psychologiques d'un refus seraient certainement plus graves, mais je ne parvins pas à le convaincre. Pour lui, seule la êêprotection spirituelleêê de son enfant lui parut compter. Plus tard dans la conversation, jêévoquais la disparition d'un dévot qui selon certaines rumeurs pourrait avoir été liquidé par un gourou. Il se mit à rire. Jêétais outré de sa réaction.
½áTu parles avec le plus grand sérieux de ta prière, de ta vie spirituelle lui dis-je et lorsque je têentretiens du sort malheureux d'un de tes frères tu te mets à rire; par pitié il faut revoir ton système de valeur. Bhima, lêautre jour lorsque je lui ai évoqué la disparition de Franck mêa répondu : - Oui mais tu sais il était bizarre. Je me demande si vous nêêtes pas des nazis.áLes gourous peuvent assassiner les gens, ce nêest pas grave. Par contre, que l'on mange un peu de viande et vous montez sur vos grands chevaux au nom de lêamour de Dieu. Au secours!!! +
Mais ce garèon est sorti depuis peu de la secte, il va lui falloir passer par un lent et douloureux apprentissage pour revenir à une vie normale. Il mêavouait que parfois il se sentait comme un extraterrestre qui viendrait de débarquer d'une autre planète, quêil souffrait intensément mais que cette souffrance lui semblait malgré tout enrichissante. Jêessayais de lui parler de lêidée de révolte, mais il ne partageait pas mon combat. Critiquer la secte lui parait être une attitude de trahison. Lorsque je sors de discussions avec certains adeptes, je me sens vidé, épuisé, il me faut parfois plusieurs jours pour mêen remettre, je ne décolère pas. Pendant des années, jêessayais de les éviter car je ne supportais pas leur état d'esprit. Et puis il y a eu le problème de Saumya (mon ex-femme) qui est partie en Inde en abandonnant nos enfants et là je me suis dis que je devais agir.
Un prosélytisme acharné
"C'est l'assoiffé qui vient à l'oasis et non l'oasis qui vient à l'assoiffé". Peu de sectes font leur cette maxime d'un sage indien et l'un des aspects les plus critiquables des sectes est certes leur volonté effrénée d'expansion. L'adepte qui comme on l'a vu souffre bien souvent d'un problème d'identité quasi pathologique semble animé d'un besoin frénétique d'accroître le cercle de la famille pour conforter son appartenance au groupe. Bien peu de Gourous réfrènent leurs disciples dans ce travers, la tendance consistant plut¶t à l'alimenter systématiquement. On en vient vite à des états de faits ùl'épanouissement de l'individu compte beaucoup moins que sa productivité en termes financiers et de recrutement. La plupart de ces groupes, qui partent sur des bases relativement saines en arrivent très vite à développer un matérialisme outrancier bien pire que celui de la société ambiante. On retrouve dans cette attitude tous les éléments de combativité et d'instinct de survie exacerbé qui caractérise nombre de minorités mais avec ici un caractère obsessionnel extrême.
Chez les dévots de Krishna la "prédication" est un véritable leitmotiv, la valeur ultime chez eux consistant à faire de nouveaux adeptes. Pour ce faire, un des moyens principaux préconisé par le fondateur est la distribution de ses livres. Pour les dévots de Krishna cette activité est considérée comme "la plus élevée", peu leur importe de savoir si les livres sont lus ou non. Il faut à tout prix les distribuer et pour cela, tous les moyens sont bons.
Qui n'a pas vu un de ces "missionnaires" dans le hall d'un aéroport ou sur le parking d'un supermarché son crâne rasé soigneusement dissimulé sous une perruque, déployant des trésors d'imagination pour convaincre le voyageur d' acheter un de ces ouvrages salvateurs. (L'image est tellement connue qu'elle fait l'objet d'un gag dans le film "y a-t-il un pilote dans l'avion". Les arguments employés sont révélateurs d'un phénomène décrit plus haut, le glissement du système de valeurs. Nos braves missionnaires n'hésitent pas pour vendre leur littérature indigeste à avoir recours à toutes sortes de mensonges du style : "Notre collecte à pour but de financer la distribution de nourriture en Inde, nous luttons contre la drogue " etc.... Même si quelques distributions de nourriture en Inde ont lieu, il est rare que les fonds collectés le soient dans ce but. Beaucoup plus que distribuer de la nourriture, les dirigeants sont concernés par la construction de nouveaux temples ou l'investissement dans de nouveaux moyens de prédication et lêaccroissement de leur pouvoir personnel.
Le mensonge est moral s'il est proféré pour le service de Krishna. Il semble également que l'exploitation des adeptes soit morale aux yeux des dirigeants, la somme de travail exigée est considérable allant souvent jusqu'à dix heures par jour et plus, avec l'obligation de se lever à quatre heure du matin. Et cela bien sûr sans salaire aucun, la plupart du temps sans aucune couverture sociale, quant aux vacances le simple mot les fait sourire. On n'est jamais en vacances quand on a la chance d'être au service de Dieu. Ce qui n'est bien sûr pas toujours vrai pour les dirigeants, lesquels ne se privent guère de nombreux voyages intercontinentaux. Pour cl¶re le chapitre, les dévots de Krishna ont, comme d'autres sectes, une sainte horreur des imp¶ts et les sommes considérables collectées par les adeptes à travers maintes opérations commerciales de toutes sortes, vente de disques, de tableaux faits à Hong Kong etc... sont passées sous couvert d'adhésions ou de donations à leurs associations à but non lucratif. L'état ne reèoit pas un sou, ni la sécurité sociale ...Mais cela est normal, il ne faut pas contribuer au développement de cette société démoniaque de mangeurs de viande.
"Il y a des doutes intérieurs qui rodent et qu'il faut sans cesse refouler pour éviter de perdre tout le confort qui résulte de s'en être remis de soi au Gourou (à la secte).
Le meilleur moyen positif de lutte contre ces doutes consiste à amener le maximum de personnes à s'enr¶ler sous la même bannière."
Max Bouderlique
Le fanatisme à tous les niveaux et jusqu'au meurtre !!
Tous les adeptes bien sûr n'adoptent pas un comportement fanatique, certains sont plus tempérés; il y a cependant un nombre importants de "rigides psycho-affectifs" chez les dévots. L'extrême dureté des conditions de vie, l'insécurité (on dépend de la décision d'un supérieur qui peut nous muter à tout moment, on ne possède rien en propre) , la frustration sexuelle peuvent expliquer l'adoption d'attitudes de défense.
- A l'égard des non-dévots, karmis, abhaktas et autres démons;
Pour illustrer ces attitudes fanatiques, je pense à une anecdote assez horrible: Une dévote avait dans les années quatre vingt provoqué un grave accident en prenant un autoroute à lêenvers. Le camion quêelle conduisait était venu percuter de plein fouet une voiture. Les dévotes sortirent indemnes, par contre le conducteur de la voiture avait les jambes broyées et hurlait de douleur. Notre missionnaire ne trouva rien de mieux à lui dire quêil nêétait pas ce corps et ne devait pas se lamenter de cette faèon. Le degré d'inhumanité que peuvent atteindre ces gens est inimaginable.
- à l'égard des dévots déviants, faibles, insoumis;
Si un dévot devient blasphémateur, ce qui veut dire en fait qu'il émet des doutes justifiés ou qu'il expose des faits scandaleux que la plupart veulent ignorer, il met sa vie en grave péril. En û986, alors que Kirtananda (un gourou nord-américain) était toujours officiellement en poste dans Iskcon, tout le monde (les dirigeants) savait qu'un meurtre avait été commis sur sa communauté de New Vrindavan en West Virginia. Le dévot (St Denis) refusait de donner son héritage au gourou. Il fut assassiné par le second dirigeant de la communauté Thomas Dresher, un ancien du Vietnam. Il reèut douze balles de 22 dans le corps, n'étant toujours pas mort, Dresher lui donna des coups de tournevis, en lui criant de chanter Hare Krishna (pour obtenir une meilleure naissance), n'étant toujours pas mort, il l'acheva d'un coup de marteau sur la tête (on connait ces détails grâce à la reconstitution). St Denis n'était qu'insoumis, voilà comment fut traité le blasphémateur :
histoire de soulochana...une balle dans la tête.
- à l'égard de soi-même, de sa femme de ses enfants, de son mari.
- de soi-même : voir la santé, les dévots qui refusent de se soigner.
- à l'égard de son conjoint : refus d'affection et de rapports sexuels.
- de ses enfants : "si tu vas à l'université, tu n'es plus mon fils."
- à l'encontre de ses parents. ex : " Saumya a sa mère qui lui demande de revenir de l'Inde pour s'occupper de ses enfants : Si tu me demandes èa, je ne veux plus jamais te parler, tu n'es plus ma mère." - Un gourou lui a mis dans la tête qu'elle était sannyasi (moniale ayant renoncé au monde), elle s'est donc rasé la tête et elle imite le comportement du renonèant qui est censé rompre avec sa famille.
La prétention à l'amour se métamorphose en un sentiment qui ressemble de plus en plus à de la haine.
LE GOUROU, DOUX TYRAN OU GUIDE AUTORITAIRE ?
Il y a des maîtres de yoga au-dessus de tout soupèon, des sages, des philosophes animés des meilleurs intentions. Ceux-là ne jouent pas avec l'énergie sectaire. Prenez l'armée, dotez la d'un gourou peu scrupuleux et d'une idéologie fumante et vous avez une secte.(voir le nazisme et Hitler. Staline et l'Armée Rouge) Prenez un parti politique, ajoutez un peu de mystique, un zeste de divinité, n'oubliez pas le gourou, mélangez, vous obtenez .... encore une secte (voir le pangermanisme et le parti national-socialiste).
La recette est simple, mais la sauce bien sûr, ne prend que si une masse de gens suffisante est prête à se rallier à la cause. Et là malheureusement, l'ingrédient ne fait pas défaut. Un pays entier pourrait-il devenir une secte ? je me suis posé la question l'autre jour en regardant un excellent reportage sur la Corée du Nord, c'était ahurissant.
Le respect dû à son maître, quoi de plus naturel, mais quand celui-ci exige obéissance absolue et interdit toute contradiction, sachez qu'un gourou véreux pointe à l'horizon. N'importe quel philosophe se doit d'entretenir une vision critique de la société dans laquelle il évolue; mais si son discours n'est qu'une diatribe systématique ne sachant pas reconnaître le moindre élément positif et ponctué de constantes annonces d'un cataclysme prochain, gare au gourou garou. Les témoins de Jéhovah n'ont-ils pas prédit au moins dix fois la fin du monde ?
Le gourou des dévots de Krishna a prétendu que la Lune était plus loin que le Soleil. Si vous posez la question à n'importe quel disciple, il vous répondra qu'il n'est pas qualifié pour répondre et que de toute faèon, cela n'a guère d'importance. Imaginez la puissance du lavage de cerveau qui peut faire régresser un homme du vingtième siècle au fin fond du moyen-âge.
Un dogme simple est à la source de pareils absurdités, le gourou est infaillible (ce dogme s'applique d'ailleurs au Pape-voir Drewermann: Dieu en toute Liberté, p.û5). Vous entendez également les mêmes dévots de Krishna vous annoncer sans sourciller que la bataille de Kurukshetra qui se déroulait il y a 5000 ans a fait quarante trois millions de morts en quinze jours. A ce stade d'abandon de l'esprit critique, tout devient possible. Et quand Kirtananda, le gourou de la Nouvelle Vrindavan (communauté de l'est des USA) exige d'un de ses sbires d'éliminer un hérétique gênant, celui-ci exécute l'ordre sans hésiter. Les dévots trouvent malgré tout le moyen de justifier de pareils affirmations grâce à leur "scientifique de service" qui vous explique sans rire qu'il y a cinq mille ans, la Terre disposait d'une faculté d'expansion dans la quatrième dimension (ou la cinquième je ne sais plus) ce qui permettait d'accueillir une population plus grande sur certains continents. Depuis, à cause de l'âge de Kali (encore lui), la Terre a perdu cette faculté. Ce qui fait que personne n'y comprend rien quand on nous dit que les Védas avanceraient de tels chiffres et que ce sont les malintentionnés qui les relèguent au rang de mythologie. Pour n'avoir pas lu Mircea Eliade ni Yung, nos dévots persistent à penser que la mythologie serait d'une valeur moindre que les données historiques objectives. La culture du mouvement Hare Krishna est à ce jour insuffisante pour comprendre que la mythologie est une des manifestations les plus géniales de l'humanité.
Mais, pour les adeptes, le pur dévot est "transcendantal" et l'on commet la pire "offense" en le considérant d'un point de vue socio-culturel, voire même d'un simple point de vue humain. je m'attache à démontrer que maints aspects dans sa personnalité et son enseignement sont la résultante de données héritées d'une époque et d'une culture précises et qu'à ce titre, ils ne relèvent pas d'un caractère "absolu", mais bien de la dimension purement relative. L'absolu doit être extrait du relatif, c'est la quête de l'essence. Si les disciples veulent rendre service à leur gourou, ils se doivent d'opérer ce travail...
Notre culture occidentale nous autorise-t-elle à nous prosterner devant un homme ? De lui rendre un culte au quotidien ? De lui vouer une obéissance absolue ? Bien sûr, les gourous des dévots de Krishna ne sont pas tous des assassins mais le principe d'une autorité absolue est suffisamment dangereux pour être remis en question.
J'ai pour ma part été l'objet d'agressions violentes de la part de disciples fanatiques à l'époque ùencore dans la secte j'avais osé critiquer Bhagavan, le gourou d'alors, lequel croupi aujourd'hui dans une prison de Berkeley. Je consacrerai un chapitre à ce personnage haut en couleur dont la chute fut aussi spectaculaire que son ascension fut vertigineuse, un yogi qui mangeait dans de la vaisselle en or, possédait plusieurs BMW série 7 et des châteaux dans l'Europe entière. Ce cas illustre la mégalomanie qui frappe nombre de gourous, mégalomanie que l'on retrouve souvent à l'échelle de toute l'institution et dont les pauvres adeptes font les frais; pendant que le Gourou vivait dans des appartements dignes de Napoléon, avec marbre italien et robinetterie en or, le simple adepte de la communauté d'Oublaisse dans l'Indre devait se contenter d'un Algeco (une cabane de chantier) pour vivre avec femme et enfants. On retrouve un peu le modèle indien ùle maharaja se soucie peu de la populace vivant dans des bidonvilles. Chacun son karma.
LE SECTARISME DU FONDATEUR
Dans le premier livre que j'ai lu de Shrila Prabhupada, la Shri Ishopanishad, j'ai été attiré par cette citation de la Bhagavad-Gita:
"L'humble sage, éclairé du pur savoir, voit d'un oeil égal, le chien, la vache ou le noble brahmana."
C'est cette vision d'universalité que je recherchais, cette unité que je chérissais alors. Je lisais encore deux ou trois livres de Prabhupada et je devins disciple. Bizarrement, c'est après que je découvrais le caractère sectaire de certains passages. Je fermais les yeux, je mettais cela sur le compte d'un sentiment d'exclusivité dû à l'amour de Krishna. Aurais-je du écouter mon "mental" qui pendant des mois alors que je m'efforèais de réciter mes tours de chapelets en fixant le portrait de Prabhupada me criait, me hurlait :
"Vieux con ! vieux con! vieux con ! "
J'ai lutté et la voix a fini par se taire. A l'époque, j'étais allé voir Adhishekara, mon "chef d'équipe". Bien sûr, je ne lui révélais pas l'ampleur du blasphème, je me plaignais seulement que mon mental me jouait des tours et m'empêchait de me concentrer pendant la méditation. Il me répondit avec beaucoup de compassion :
" C'est normal, c'est la purification, les impuretés remontent, comme lorsque l'on fait chauffer le lait pour faire du ghee (le beurre clarifié). Les impuretés remontent et on les enlève avec une passoire." J'étais rassuré.
Voici quelques citations, tirées des ouvrages de Prabhupada :
"Ce qui différencie notre Mouvement de tous les autres, c'est que nous seuls pouvons réellement enseigner l'art de connaître et d'aimer Dieu." Solutions pour un âge de fer p. 42
"-journaliste- ...Je crois que le mouvement pour la conscience de Krishna se préoccupe des endroits dans le monde ùrègne la souffrance.
-Shrila Prabhupada : Oui, nous sommes les seuls que cela préoccupe vraiment." Solutions.. p. 88.
le journaliste : Pensez-vous que votre mouvement soit la seule voie qui mène à Dieu ?
Shrila Prabhupada : Oui. Solutions .... p. û22
Le fondateur du mouvement Hare Krishna, Shrila Prabhupada est-il intolérant?
Prabhupada a écrit plus de soixante ouvrages et ses disciples continuent de publier ses discours, sa correspondance et ses conversations. Ce qui est remarquable, à la lecture de tout ce matériau, c'est l'extraordinaire fermeture de son système de référence. Il n'y a pas la moindre considération, pas la moindre allusion à quelqu'auteur occidental que ce soit. Ses sources sont exclusivement les sources vaishnavas (la secte vishnouite) et encore, sont-elles réduites aux auteurs considérés comme orthodoxes. Sinon voilà comment il procède :
disciple : Shrila Prabhupada, que pensez-vous de Platon ?
Prabhupada : Dites-moi ce qu'il dit.
disciple : il fait un bref résumé en 3 minutes du mythe de la caverne.
Prabhupada : en fait Platon était un Brahmane.
Sa technique relève de la récupération systématique. Lorsqu'il cite un auteur traditionnel indien, comme Patanjali ou Shankaracharya ce n'est que pour corroborer ses dires. Prabhupada ne connaît pas le mode interrogatif, il ne procède que par affirmations péremptoires. Même ses traductions sanskrites relève d'un parti-pris évident. Tout depuis la traduction jusqu'à l'argumentation est au service exclusif de son point de vue : "Krishna est Dieu, la Personne Suprême". Il était apparu évident aux disciples intellectuels des premiers temps qu'un travail d'édition et de remaniement de ses textes était nécessaire. Prabhupada s'y opposera toujours.
" Brahmananda et les autres ne doivent pas changer le style. Qu'ils vérifient les erreurs de grammaire."
Lettre à Satsvarupa du 22 janvier û968
En Inde, le gourou parle traditionnellement depuis un tr¶ne, le Vyasasan. Les dévots occidentaux on importé cette mode. Chaque temple rivalise dans la splendeur et le rococo. C'est Bhagavan qui l'emporta largement avec les tr¶nes en marbre incrustés d'or. Le vyasasan symbolise bien toute la dimension patriarcale de l'enseignement.
"C'est juste, parce que mon gourou me l'a dit, que son gourou lui a dit, qui le tenait de son propre gourou,"... et on remonte ainsi jusqu'à l'origine de la chaîne : Krishna. C'est l'autorité de la Parampara. Le savoir qui descend, il n'y a pas d'autre moyen d'y accéder. Toute tentative par l'induction, toute réflexion spéculative est écartée d'emblée. Pourtant Prabhupada se réclame sans cesse d'une soi disant rigueur scientifique. Il l'affirme avec tant de force et de hauteur, que nos jeunes occidentaux en mal d'autorité acceptent de déposer leur intelligence au vestiaire. La promesse de l'échange standard avec la "Conscience de Krishna" les satisfait; ils ont comme acompte tout le charisme du Swami.
Mais comment ne pouvaient-ils pas être fascinés par le culot énorme de ce petit indien, qui debout sous un arbre avec ses babouches, ses robes safrans et ses cymbales lance un défi à la civilisation entière. Lorsqu'ils le rencontrent à Central-park, sous son arbre, le yogi les subjugue. Son pouvoir ne procède pas de la dialectique ou de la spéculation philosophique. Son pouvoir, il le tient de son immense détermination. De sa fixation absolue sur Krishna, Prabhupada est un roc, rien ne l'atteint, rien ne le distrait de son but. C'est un Swami, il a maîtrisé ses sens et son mental. A l'époque à New-York, dans le Lower East Side, èa ne court pas les rues. Ce qu'il parvient à accomplir à soixante dix ans sans un sou en poche, sans renier un iota de sa tradition tient du miracle. Pas étonnant que trente ans après, les disciples aient gardé la nostalgie de ces "premiers temps glorieux."
Prabhupada a le sens des "circonstances" il teinte son discours d'une certaine universalité. "Vous pouvez chanter n'importe quel nom de Dieu. Nous, nous chantons celui de Krishna parce qu'il est la Personne Suprême. Dieu c'est une fonction, Krishna c'est son nom intime. Ou le fils de Yashoda ou l'amant des G¶pis."
Elitisme absolu hérité du brahmanisme..... Paternalisme extrême hérité du mode patriarcal de la société indienne....
Intolérance à l'égard des scientifiques...
( dialogue avec le cardinal Daniélou)
Cats and dogs society. Prabhupada et les chiens et les chats.
la tradition indienne du sadhu qui engueule son auditoire.... expérience à Bhaktivedanta manor près de Londres.
Prabhupada veut conquérir : defeat these rascals. They are all fools and rascals.
Yogananda is a bogus etc.....
L'intolérance de Prabhupada à l'égard des non-végétariens est quasiment obsessionnelle. La plupart du temps, il refuse carrément le dialogue avec ses interlocuteurs religieux si ceux-ci ne lui donnent pas raison sur ce point. Il oublie que même en Inde, dans les zones froides des himmalayas, les hindous ne sont pas strictement végétariens. Il ne lui vient jamais à l'idée que les situations géographiques, climatiques et socio-historiques de l'occident permettaient difficilement aux populations de telles restrictions alimentaires. On n'imagine mal que les pionniers américains aient pu être végétariens, ainsi que le paysan européen du moyen-âge dont les réserves en blé étaient rarement suffisantes pour lui permettre de passer l'hiver.
Prabhupada semble également oublier qu'Arjuna, le propre ami et disciple de Krishna n'est pas végétarien, pas plus que ne le sont ses frères, les Pandavas. Cela ne les empêche pas d'être de "purs dévots". Mais Prabhupada a besoin d'éléments séparateurs. Il asseoit son autorité sur un moralisme extrême. Rien d'étonnant à ce que chez ses disciples le critère de "fréquentabilité" soit l'adhésion rigide aux principes et aux dogmes. La sensation d'appartenir à une famille affectueuse cesse dès que l'on s'écarte du droit chemin. La défaillance morale étant d'ailleurs plus aisément pardonnable que la déviance doctrinale. Il règne en fait énormément de duplicité dans les rapports.
(Pourtant Bhaktivinod dans le Chaitanya Shikshamritam pose en principe absolu de ne pas juger ce sur quoi on n'a pas suffisamment de connaissance.)
Pratiquement tous les gourous indiens fondent leur pédagogie sur le rabâchage permanent. L'intelligence occidentale est irritée par ce discours qui se répète sans cesse. On est frappé par la faèon dont dans ses livres Prabhupada ne cesse d'asséner constamment les mêmes dogmes péremptoires plut¶t qu'étayer et développer ses arguments. Il semble prisonnier d'une scolastique simpliste qui lorsqu'elle ne nous agace plus, finit par nous faire sourire.
L'intellect indien ne fonctionne pas comme le notre, il a misé sur la force de l'inertie. Il est imprégné du modèle méditatif lithanique. Le libre exercice de la raison est un concept absent de la mentalité indienne traditionnelle. Il y a dans cette intelligence une forme de passivité à tous les niveaux qui nous révolte. J'ai vu en Inde ces enfants que les parents estropient pour en faire des mendiants professionnels. Personne ne trouve rien à y redire. La pensée politique et sociale en Inde a vraiment commencée avec Mahatma Gandhi. L'inertie de l'ordre établi fût si fort qu'il en est mort, tué par un hindou intégriste. L'idée de révolte est très absente de l'esprit indien. (Pourtant.... Chaitanya et la désobéissance civile.....)
Phoolan Devi semble faire exception.
Lorsque j'étais jeune disciple, nous n'avions pas le droit de lire d'autres livres que ceux de Prabhupâda, étaient même exclus ceux de son propre maître spirituel, Shrila Bhaktisidhanta. Il allait jusqu'à interdire à ses disciples toute pratique sportive. Si l'on veut se conformer à ses injonctions, on doit également s'abstenir de tout loisir même à caractère culturel: cinéma, théâtre, restaurant. Il faut se raser la tête, porter le dothi, l'habit de coton traditionnel, lequel est complètement inadapté à nos climats. Même en Inde, les habitants des montagnes ne le portent pas. Il faut porter autour du coup les perles de Tulsi si on ne veut pas être attaqué par les Yamadhutas (les sbires de l'Ange de la mort). Il faut être un formaliste, il faut vivre la lettre et tuer l'esprit.
Deux équations à retenir
Désir de capter l'énergie individuelle + endoctrinement + manipulation mentale = Gourou totalitaire.
Transmission d'un savoir + souci de l'épanouissement de la personne + respect de la liberté de conscience = maître spirituel authentique.
Mais sans doute faut-il rechercher le guide plut¶t que le maître et se souvenir que le maître est Un; mais qu'il est multiple. Qu'il peut nous parler par la bouche du clochard dans la rue, ou de la prostituée. .
L'être ne peut s'épanouir dans la passivité. La vie implique le mouvement, le dynamisme, la créativité. Tout ce qui est figé s'apparente à la mort. L'acceptation d'un dogme, c'est la passivité. La soumission à une autorité extérieure c'est la passivité. Et l'inertie qui en découle encombre l'esprit de la poussière, de la jalousie et du matérialisme. De même qu'un corps qui ne connaît pas l'exercice physique devient bient¶t encombré de graisse et appelle la maladie. S'en remettre corps et âme à un gourou ou à quelque "autorité spirituelle" c'est tuer l'étincelle divine qui sommeille en soi. Le principe même de hiérarchisation va à l'encontre de l'éveil spirituel. Car l'éveil, c'est la simple découverte de l'unité. C'est l'affranchissement de la dualité.
Il est frappant de voir à quel point les adeptes d'une secte perdent tout sens critique, toute créativité personnelle, toute inspiration. Mais le même phénomène se retrouve de faèon moins spectaculaire peut-être chez l'adhérent de la religion instituée. En réalité le principe est le même, on sacrifie son individualité à un système extérieur qui n'est là que pour nous sécuriser par les murs qu'il a dressé; et par extension qui se donne le droit de récupérer notre énergie vitale et de nous anesthésier par l'illusion que nous faisons désormais parti des "élus", des "purs", des "conformes" par opposition aux "déchus", aux "païens", aux "hors normes".
Le phénomène sectaire est sans doute la concentration de ce qui est plus dilué, plus anodin dans le phénomène "religion établie". Lisez à ce propos l'excellent livre de Placide Gaboury : "Une religion sans murs". Mais ni le sectarisme ni la religiosité, ni bien sûr l'adhésion à une idéologie politique ne peut libérer l'être de la dualité et de la stagnation. Le "grand mystère", la "pierre philosophale", le "Saint Grâal" etc... c'est découvrir notre nature illimitée, c'est nous brancher à la source d'inspiration infinie. Et chaque âme a pour cela la possibilité de se connecter, il suffit précisément d'abandonner toutes les catégories limitantes, toutes les identifications ridicules que nous imposent les clans de toutes sortes. La source de joie est intarissable qui jaillit au profond de notre être. Il suffit d'un peu de silence pour l'entendre chanter. Il suffit d'un peu de douceur, d'un peu de lâcher prise, d'abandon à la vie pour percevoir, pour voir que Dieu est dans chaque coeur.
L'ère des grands systèmes de pensée, des grandes institutions religieuses monolithiques et centralisatrices est en train de disparaître. Lentement mais sûrement. Il y a bien sûr quelques sursauts significatifs de la bête dans diverses parties du monde et de notre société. Mais les poussées d'intégrisme auxquelles on assiste aujourd'hui signeront bient¶t la fin du sectarisme religieux. Les excès de violence et d'intolérance qu'elles entraînent sont comme une poussée de fièvre. Les enfants des générations suivantes se souviendront, surtout dans les pays islamiques comme l'Algérie ùl'on assassine les intellectuels, que ces violences n'ont pas amélioré le sort de leurs parents. C'est par ses excès que la religion se discrédite. Voltaire a été hanté toute sa vie par la nuit sanglante de la Saint Barthélémy ou par la torture du chevalier de la Barre à qui l'on avait arraché la langue, coupé les mains pour ensuite le brûler parce qu'il avait omis d'enlever son chapeau au passage d'une procession de pénitents.
On connaît assez les atrocités commises par l'Eglise, comme le massacre des cathares qui s'apparente à un génocide systématique. La ville entière de Béziers fut passée au fil de l'épée. Un soldat se tournant vers Arnaud d'Amaury, moine bénédictin inspirateur de la croisade, lui demanda si l'on n'était pas en train de tuer des catholiques; on eut alors droit à la fameuse réponse " Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens".
Qu'est-ce qui faisaient des cathares ces horribles hérétiques que dépeint l'église et qui justifia de telles violences ? Ils préconisaient une vie simple basée sur la prière, ils étaient végétariens, pensaient que le meilleur des temples pour adorer Dieu était la nature ou la forêt, mais surtout, ils osaient remettre en cause les moeurs corrompus des clercs de l'époque.
Il est facile de discerner dans un mouvement spirituel ou charismatique si le germe de la violence fanatique est présent à l'état latent. Le fondateur du mouvement Hare Krishna enseignait à ce sujet que la pire des offenses étant de critiquer ou de blasphémer le gourou, si un disciple est mis dans une situation ùil doit entendre de tels propos, trois solutions lui sont proposées :
-û- Quitter les lieux.
-2- Si û n'est pas possible, tuer l'offenseur.
-3- Si û et 2 sont impossibles, on doit se suicider plut¶t que d'entendre les paroles offensantes.
Joyeux programme que certains ont pu expérimenter, malheureusement, ils ne sont plus là pour en parler. Les dévots de Krishna avaient tout un plan pour conquérir le monde. Heureusement ils n'y sont pas parvenus (c'est sans doute la preuve que Krishna est un Dieu bon), sinon on aurait pu craindre pour le devenir de l'humanité.
Langage d'enfermement
L'intolérance est également facilement perceptible lorsque dans la terminologie sectaire on distingue les membres des autres. Pour les dévots de Krishna, il y a les dévots et les karmis (ceux qui sont soumis au karma, la loi de cause à effet); les chrétiens ont leurs païens, les juifs leurs goyes, les musulmans leurs infidèles, etc... etc....Ainsi chaque chapelle renforce le sentiment d'identité et d'appartenance en entretenant systématiquement les différences. Lorsque l'intégrisme devient plus marqué, il devient de bon ton d'afficher la différence par toutes sortes d'attributs extérieurs qui sont d'ailleurs plus là pour rassurer l'adepte que pour autre chose. La religion comme les sectes ont intérêt à maintenir leurs ouailles dans l'infantilisme, dans le séparatisme, dans la dépendance à des dogmes limitatifs. Elles ont intérêt à les maintenir dans l'ignorance de leur nature divine intrinsèque. Elles ont intérêt à ce que Dieu soit inaccessible. C'est d'ailleurs pour cela que l'église catholique interdisait au chrétien de posséder une bible chez lui. L'écriture devait être le monopole du clerc.
Les prêtres et les gourous veulent garder le monopole de Dieu. Leurs institutions sont des rentes sécurisantes leur apportant pouvoir et confort, quel intérêt auraient-ils à annoncer que Dieu est accessible à tous? Que ce ne sont pas les écritures, pas plus que la morale qui vont sauver l'homme? Pas plus sans doute que les médecins allopathiques n'ont intérêt à ce que l'homme et la femme prennent leur santé en main au quotidien. En chine dit-on, on considère que le médecin a fait son travail lorsqu'on n'est pas malade.
LE GURUKULA : LES ENFANTS A L'ECOLE DU GOUROU
Nous abordons là un des problèmes les plus sensibles du phénomène sectaire, l'éducation et l'embrigadement des enfants. Comme nous allons le voir dans ce qui suit, les dévots de Krishna bouleversent sans aucun scrupules la vie de leurs enfants. Loin d'eux l'idée que les enfants ne nous appartiennent pas, qu'ils nous sont confiés pour réaliser le grand dessein de la vie. Et que sans respecter leur liberté de conscience et de choix, on ne leur accorde pas un vrai statut d'être humain. Pour les dévots, les enfants sont l'avenir du mouvement, le phénomène de transfert des désirs de pureté des parents sur leurs rejetons prend des proportions difficilement imaginables. Les dégâts, on s'en doute, sont considérables, cela sur tous les plans du développement de l'enfant. Bien entendu c'est à l'adolescence que les problèmes surgissent, mais encore plus à l'âge adulte. Aujourd'hui, vu la relative jeunesse du mouvement en France, il est difficile de dresser un bilan. Alors que j'écris ces lignes, je commence à collecter les informations de faèon systématique afin de pouvoir exposer les faits de faèon objective.
Il faut savoir que le fondateur au début du mouvement, dans les années 70 avait instauré le principe suivant : Jusquêà cinq ans, les enfants vivent avec leurs parents, à partir de cinq ans, ils sont envoyés au gouroukoula, lêashram du gourou ùils sont éduqués selon les principes d'austérité de la conscience de Krishna. Aujourd'hui, le principe nêest plus appliqué à la lettre mais certains parents nêhésitent pas à envoyer leurs enfants en Inde. Cela a été le cas pour plusieurs enfants franèais dont le fils de Guy B. d. lequel fut envoyé en Inde à lêâge de huit ans.
En Inde, les enfants vivent dans des conditions extrêmement sévères pour de petits occidentaux. Le mode de vie est trè rude et le niveau de discipline imposée est à lêavenant. Il y a quelques années, un problème est apparu avec intensité, tous les adolescents se livraient à des pratiques homosexuelles à la puberté. Ceci est assez courant en Inde ùla ségrégation entre les sexes est très forte. Les jeunes garèons, ne pouvant approcher librement les filles en viennent à pratiquer la fellation et la masturbation entre eux. En û985, ayant hébergé une famille qui revenait de lêInde, jêentendis le soir le garèon de douze ans proposer à mon fils de lui faire une fellation. On voit quêon est assez loin de lêidéal puritain des parents. Mais il règne un tel tabou sexuel que nombreux dévots "de base" ne sont pas informés de ces pratiques. Il faut à tout prix préserver l'image de "pureté" du mouvement.
En France, les dévots après la faillite de leur association, prononcée en û987 ont dû renoncer à leur école védique de la Nouvelle Mayapoura, à Luèay le Mâle (36) qui au début des années 80 accueillait jusquêà une centaine d'enfants. Tous, bien sûr, étaient habillés à la mode indienne, sari pour les filles, dhoti pour les garèons. On rasait la tête des garèons dès le plus jeune âge et chaque jour, tout le pensionnat se levait à 3 h et demi pour assister aux cérémonies matinales. Les filles étaient éduquées essentiellement dans lêart d'être des bonnes épouses êêvédiquesêê, à savoir être soumises et promptes à enfanter.
A cette époque Bhagavan maria toutes les jeunes filles dont certaines avaient tout juste quinze ans. Dans certains cas, il leur donna des époux agés de vingt ans de plus quêelles (les heureux maris étaient de fidèles lieutenants, fiers de pouvoir sêarroger ces vierges pures dévotes.)
Certains enfants étaient envoyés par leurs parents des Etats-Unis, je me souviens notamment d'un garèon dont le père américain occupait alors le poste de ministre de lêéducation au niveau international. Jêeus lêoccasion de faire sa connaissance dans des circonstances difficiles : Son fils de six ans, alors quêil jouait dans la cuisine de la communauté, au mépris de toute règle de sécurité, bascula en arrière dans une énorme bassine pleine de lait bouillant. Il était brûlé au troisième degré sur les deux tiers du corps. Il fût admis au service des grands brûlés de lêh¶pital de Tours. Son père qui vînt lui rendre visite avait besoin d'un traducteur et cêest moi que lêon désigna pour cette tâche.
Lêinconscience des dirigeants des communautés en matière de sécurité a toujours été flagrante. La propre fille de Bhagavan quelques années plus t¶t sêétait également brûlée dans des conditions similaires mais cette fois avec de lêhuile bouillante. Elle portait d'énormes cicatrices sur les jambes, mais cet accident ne suffit pas pour que des règles soient instaurées comme dans toutes les cuisines professionnelles. Imaginez des enfants en bas âge courant entre les jambes des cuisiniers qui portent leurs récipients sortant des fours.
Les dangers que courent les enfants chez les dévots de Krishna sont d'ordre physique mais aussi bien sûr d'ordre spirituel et intellectuel. Lêenseignement académique lorsquêil est prodigué par les parents ou par les écoles du mouvement est imprégné de références permanentes à Krishna. Les enfants comptent les vaches de Krishna, apprennent à lire des histoire de Krishna, ils sont gavés de Krishna jusquêà saturation et lorsque vient lêadolescence ils rejettent en général violemment ce conditionnement comme on peut le voir dans lêexemple qui suit :
Fred est né chez Krishna à la communauté de la Nouvelle Mayapoura dans l'Indre, il y a vécu jusqu'à l'âge de huit ans. Il a aujourd'hui dix huit ans.
Fred, quels sont tes souvenirs ?
Ils sont plut¶t mauvais, il fallait se lever à quatre heure le matin. Nous devions ensuite prendre une douche, froide la plupart du temps. L'hiver il fallait traverser la cour avec un dhoti en coton autour du corps, pour aller aux douches. Il faisait sombre, il y avait une ampoule pour toute la pièce. Ensuite, nous marchions dans la nuit pour aller au temple (dans le château).
Parfois j'étais tout seul, dans le noir, parce qu'on m'avait oublié. J'avais peur des loups garous, j'avais quatre ou cinq ans. Ensuite il y avait la cérémonie, je tapais sur un tambour, et je m'éraillais la voix.
A quatre ans je faisais pipi au lit, on me forèait à sauter sur mon matelas pendant des demi-journées entières, pour le faire sécher. Je ne savais pas qui était ma mère. J'étais chez un couple la semaine (entre deux et trois ans), je croyais qu'on avait une mère pour manger et une pour les cadeaux. Elle rentrait une fois par mois les bras chargés de livres (de Krishna). Le reste du temps elle collectait de l'argent.
Une fois, j'avais environ six ans, j'ai voulu jouer au docteur derrière une maison avec une petite fille. Je lui ai proposé deux francs pour qu'elle se taise, mais elle alla tout raconter à ses parents. Pour me punir, le maître d'école m'accrocha une pancarte autour du cou qui décrivait mon méfait et on me laissa dehors sur le bord du chemin ùtout le monde passait. J'y restais toute la journée sans manger ni boire. De toute faèon j'étais tellement dégoutté que je n'avais ni faim ni soif.
La bouffe c'était crâde, trop épicé et ils nous forèaient à tout manger. On me disait que si je mangeais de la viande j'irais en enfer. L'extérieur, c'était les karmis, les démons, nous les critiquions sans cesse, mais au fond de moi, je savais que je serai un jour comme eux.
Pourquoi ?
Je ne me plaisais pas chez eux. Je sentais bien qu'on me racontait des histoires à dormir debout, des contes de fées. La seule chose qui me plaisait c'était la coupe de cheveux, on était rasés avec une mèche derrière.
Tu te souviens des classes ?
Vaguement, on parlait en anglais. J'ai pas trop de mauvais souvenirs. Les salles étaient sombres. On construisait des cabanes dans la forêt. Nous étions très autonomes. Nous courrions partout dans les champs. Un jour je me suis arraché deux ongles, mais personne ne m'a soigné. Avant les repas, il fallait chanter. Avant les réunions aussi et èa durait des heures, c'était gonflant.
Tu te souviens des gourous ?
Oui, ils avaient des grosses voitures, des Volvos je crois.
Tout le monde se prosternait devant eux. Ils aimaient faire des longs discours qui duraient des heures. Quand ils arrivaient on leur jetait des fleurs.
Comment es-tu sorti du mouvement ?
Mes parents m'ont inscrit à l'école dans l'Oise près d'Ermenonville. En CE2, tous les jours, les autres venaient me taper dessus à cause de ma coupe de cheveux. En fait c'est grâce au foot que je me suis fait accepter. Je m'affirmais comme un bon joueur pour qu'on arrête de me faire chier; èa a marché. Après j'ai joué jusqu'à la troisième, èa m'a beaucoup aidé.
Après, tu es devenu pensionnaire dans l'Aude, es-tu resté végétarien ?
Oui, jusqu'en cinquième.
Pourquoi ?
Pour faire plaisir à ma mère, mes parents avaient divorcé mais elle était resté très dévote.. On m'a chambré les premiers temps mais j'avais des arguments pour me justifier. Et puis j'ai eu envie de manger du poulet. J'aimais bien l'odeur.
Et ensuite ?
Je m'engueulais toujours avec ma mère à cause des dévots qu'elle fréquentait toujours. Je ne pouvais pas supporter qu'elle continue à endoctriner mes frères. Elle les forèait à prier, elle les forèait à être végétariens, (pendant ce temps elle fumait joint sur joint). Je lui disais qu'elle n'avait pas le droit de faire èa. Nous nous sommes même battu, alors un jour, à û4 ans, je suis allé vivre chez mon père. Quand j'ai voulu faire un lycée h¶telier elle s'est opposé parce que je servirai de la viande. Pour elle c'était une catastrophe.
Aujourd'hui qu'est-ce que tu penses des dévots ?
Ils me font de la peine. Je pense que ce sont des gens qui ont souffert dans leur enfance, qui n'ont pas eu de vie de famille. Ils ne voulaient pas s'intégrer alors ils ont trouvé une fuite. Le problème c'est que c'est dur pour eux d'en sortir.
Ta mère y est toujours qu'en penses-tu ?
Peut-être n'a-t-elle pas cherché une autre solution. Pour elle, c'est la facilité. Je pense qu'elle n'avait plus rien à espérer de ses enfants, elle voulait que nous soyons des dévots.
Est-ce que c'est de l'amour ?
Spirituellement peut-être.
C'est quoi l'amour spirituel ?
C'est de nous laisser croire qu'elle pense à nous dans ses méditations.
Tu as des nouvelles d'elle ?
Non, plus depuis deux ans.
Tu es inquiet ?
Pas de nouvelle, bonne nouvelle.
Et maintenant comment envisages-tu l'existence, tu as des projets ?
La vie est belle. J'ai pas trop de soucis, je continue mes études, je vais passer mon permis.
Fred ne s'en sort pas trop mal, d'autres ont moins de chance et ont sombré dans la drogue ou la délinquance. Le fanatisme des dévots de Krishna se fait sentir très durement en matière d'éducation et peut laisser de graves séquelles psychologiques. Un de mes fils, Jonathan, a été chargé d'une telle culpabilité par sa mère qu'il a refusé obstinément de manger viande, oeuf, ou poissons pendant deux ans. Il a aujourd'hui ûû ans et il continue à voir régulièrement un psychothérapeute pour s'affranchir de ces interdits, mais aussi pour comprendre pourquoi sa mère est parti en Inde depuis trois ans et ne lui donne plus de nouvelles. Elle leur a écrit une fois ou deux au début, en les enjoignant de ne pas trop manger de viande et de chanter Hare Krishna.
Les enfants élevés dans la conscience de Krishna vivent un véritable enfermement. Il leur est très difficile de fréquenter les petits "karmis". Au milieu des années 80, un jeune garèon très talentueux et particulièrement intelligent manifesta le désir de poursuivre des études universitaires. Son père qui était alors le président de la communauté d'Oublaisse lui dit:
" Si tu vas à l'Université, tu n'es plus mon fils."
Quelques temps après, son père s'est pendu lors d'un voyage en Guyane. Il était parti pour collecter des fonds et avait tout perdu en rachetant la concession d'un chercheur d'or qui fût emmenée par la crue du fleuve. Ce jeune homme vit aujourd'hui les plus grandes difficultés sur le plan social et personnel. Il revient malgé tout souvent dans les centres de la secte ùil peut jouir d'une certaine forme d'identité.
Hélène est une jeune fille de û8 ans, elle a été élévé au Gouroukoula jusqu'à l'age de û3 ou û4 ans. Puis, après le départ de Bhagavan, ses parents ont quitté le mouvement. Son beau père a dû par la suite s'expatrier de France, pour avoir abusé de la soeur d'Hélène, il est allé rejoindre la secte en Inde. En û993, Hélène est venue chez moi un été comme fille au pair pour s'occuper des garèons. J'ai eu de longues conversations avec elle. Je vis une jeune fille traumatisée, dépressive, prise entre le dilemne de son attirance pour le monde et de tous les interdits parentaux. Elle ne voyait aucune perspective possible dans le "monde matériel". Elle buvait beaucoup d'alcool et fumait du ashish pour soulager sa souffrance. Je ne pû pas la garder, son état psychologique ne lui permettait pas d'assumer la responsabilité des enfants. Aujourd'hui, elle est retourné en Inde ùvivent sa mère et son beau père qui se sont à nouveau réunis.
On peut constater le terrible "double bind" (double lien) auquel sont soumis ces enfants. D'une part leurs parents lorsqu'ils sont dans la secte font peser les plus terribles interdits. D'autre part, ils se livrent aux pires excès dès qu'ils quittent la structure normative. Ce cas bien sûr est très fréquent et de nombreux dévots sont morts du sida après avoir quitté la secte. Après des années de chasteté imposée, ils sombrent généralement dans l'excés inverse ainsi que dans la drogue bien souvent.
La religion serait-elle le plus sûr moyen pour eloigner l'homme de dieu ?
"Oui, finalement l'Eglise nous a volé Dieu, à son profit exclusif. Et qui donc, désormais, nous le rendra accessible? ùle trouverons-nous, dans sa fraîcheur et sa nouveauté."
Michel Benoît in Prisonnier de Dieu
Jésus parlait de redevenir enfant, la religion propose de nous l'apprendre. On n'apprend pas une telle chose précisément, on la découvre en soi. Plus on tente de planifier l'existence par l'ajout de règles, de codes, plus on tue l'enfant en soi. Mais l'enfant doit grandir, c'est fatal. Pour l'aider à grandir, l'adulte à deux choix, lui insuffler l'ouverture, la confiance en la vie; ou bien la peur qui engendre le repli sur soi, sur ce qui est connu.
La religion exploite le principe de la peur, c'est la peur qui fait bâtir des murs, poser des verrous, entreposer des armes. C'est toujours la peur qui provoque les guerres, la peur de manquer, la peur de l'autre, de sa différence. La peur est le sentiment le plus nuisible à l'humanité. Saint Franèois d'Assise n'avait pas peur des loups et les loups l'écoutaient. Le phénomène est connu, on a vu des gens aller caresser des tigres sauvages. La peur engendre plus de peur. L'originalité de Saint Franèois faisait si peur à l'Eglise qu'il s'en est fallu d'un cheveu qu'il ne soit relégué au rang des hérétiques et son ordre interdit. Plus l'homme accumule de biens, plus il a peur de les perdre.
Les organismes les plus prospères sont les compagnies d'assurance. Vous savez les immenses buildings que l'on voit s'élever dans nos métropoles, une sur trois est une compagnie d'assurance. La peur s'érige en des cathédrales de bétons qui défient le ciel.
Les assurances ont peut-être capté une importante partie du marché des religions. Mais la peur reste sans doute un des moteurs principaux de la démarche religieuse primaire. Ainsi conjure-t-on la peur de ne pas exister suffisamment par l'adoption de signes extérieurs distinctifs (croix et autres), ensuite on renforce ce sentiment d'identité par le débat polémique avec les autres religions ou ceux que l'on considère "païens". Puis de la polémique on passe à l'affrontement armé pour bien concrétiser sa différence. Il est cependant des religions tel le bouddhisme qui font de la tolérance et de la compassion leurs valeurs de départ, elles ont historiquement évité bien des dérives violentes, mais pour n'avoir pas eu recours aux mêmes méthodes, certaines y ont dû leur survie.
Ainsi en fût-il du manichéïsme, du catharisme etc...Le christianisme lui-même aurait-il eu l'histoire qu'on lui connaît si au quatrième siècle l'empereur Constantin ne s'était converti, léguant à l'église l'institution romaine et l'élevant soudain du statut de persécutée à celui de persécutrice. En effet le premier concile appelé par Constantin eu pour but premier de déclarer l'hérésie des disciples d'Arius, lesquels pensaient que Jésus était un homme comme les autres ayant atteint un état de divinité accessible à tous. Pour l'empereur de Rome, Jésus ne pouvait être moins que lui, à savoir: un dieu vivant. L'autre hypothèse impliquait de l'empereur qu'il descende de son piédestal. Le dogme fut dicté par des impératifs parfois bien temporels.
DERIVES MILLENARISTES
A l'heure ùtout va exploser, les nervures de l'air,
les gravures légères de la tromperie vénale.
L'éclatement viendra qui brisera la Terre
Ecrasera les marbres des pierres tombales.
Ce moment, tu l'attends, pour ta délivrance,
Il anéantira ta prison, descellera tes chaînes.
Toi, tu hurleras ton bonheur et ta chance,
Tu loueras les cieux d'alléger ainsi ta peine.
Car le poids d'un corps t'est insupportable,
Cette dimension te pèse et ce monde t'accable.
Quand viendra-t-il l'apocalypse salvateur ?
Quand donc s'écrouleront les murs de l'antique demeure ?
Tu nourris sans cesse cet espoir insensé,
De voir l'humanité d'un seul coup succomber.
Ta haine te fait vivre et endurer les heures.
Comment pourrais-tu supporter la simple idée du bonheur ?
Dérives ou délires millénaristes. Si comme on vient de le voir la peur constitue le fond de commerce de bien des sectes, le millénarisme en est l'exemple le plus flagrant. Il consiste dans le fait d'attendre une fin du monde, accompagnée de multiples cataclysmes, fin tragique qui préfigurerait la venue d'un sauveur ou messie et la survivance du peuple des élus qui ne sont autres, on pouvait s'en douter, que les membres de la secte. Chaque secte cultive donc tout un arsenal de fantasmagories sur la fin du monde nucléaire, déluge de feu, déchaînement des éléments etc... Et chaque gourou de mauvaise augure s'applique à présenter le tableau de cette perspective apocalyptique comme une échéance à court ou moyen terme. Un bref répit étant accordé aux élus pour se préparer. Il est évident que vivant dans une telle attente, notre petit peuple devient soudain empli de la gravité qui sied à ceux qui savent que la mort est proche. Il devient facile au maître es-apocalypse de soutirer à ses disciples la presque totalité de leur patrimoine qui sera bien sûr utilisée pour la préparation de l'ère nouvelle qui succédera à la destruction partielle de l'humanité.
Ainsi le patrimoine immobilier et financier des sectes peut connaître une expansion extraordinaire grâce aux donations de ces adeptes n'hésitant pas à tout sacrifier pour la noble cause. Ron Hubbard, le fondateur de la Scientologie ne manquait pas de cynisme lorsqu'il déclarait que le meilleur moyen de gagner un million de dollars était encore de fonder une religion.
" ...Si tous reconnaissent la suprématie de Dieu, envie et convoitise disparaîtraient, mais ces esprits infirmes sont pleins d'un illusoire sentiment de possession, dont ils ignorent l'extrême danger qu'il représente.
Yogeshvara : Est-ce qu'il faut s'attendre à une guerre atomique ?
Shrila Prabhupada : Tous ces athées allègeront le fardeau de la terre en se détruisant eux-mêmes, dans une guerre atomique. Telle sera la nature du prochain conflit international, né de la mentalité pervertie des communistes et des capitalistes." (propos tenus à Rome en û973)
Solutions pour un âge de fer
Dans le mouvement Hare Krishna, le gourou, Swami Prabhupada avait annoncé en û976 la proximité de la troisième guerre mondiale avec force détail. Je me souviendrai toujours du traumatisme mêlé d'une espèce de joie dissimulée qui s'était emparé des disciples au moment de cette annonce apocalyptique.
Dans toutes les sectes, on nourrit plus ou moins l'espoir qu'un cataclysme vienne détruire l'ordre établi. Le monde serait alors vierge pour recevoir l'enseignement salvateur. Le millénarisme est un des aspects les plus symptomatiques du phénomène de névrose collective qui règne dans les sectes. De paire avec cette attente angoissée, est cultivée la fixation nostalgique sur un passé mythique (les temps védiques, bibliques prépharaoniques ou autre). Ceci illustre parfaitement la dimension psychopathologique qui règne dans ces groupes.
Mais cette dimension extrêmement lucrative de l'exploitation des âmes était certes connue depuis déjà fort longtemps; il suffit de se rappeler que Saint Pierre de Rome a été construite grâce au commerce des indulgences. Le seul frein efficace à cette honteuse entreprise, on l'aura compris, réside dans l'adoption de la libre pensée.
Le libre penseur est libre de puiser dans le patrimoine spirituel et philosophique de l'humanité sans pour autant faire oeuvre d'allégeance à aucune doctrine ou aucun dogme. Le libre penseur est sans doute la plus pure illustration de l'idée selon laquelle l'homme détiendrait en lui une parcelle de divinité; car comment concevoir la divinité autrement que dotée d'une totale autonomie. Plus l'être humain s'en remet à un système de pensée, une institution, un dogme figé, plus il s'éloigne de ce principe de divinité.
Les grands fondateurs de religions étaient tous des êtres profondément autonomes bien souvent en rupture avec l'establishment du moment. Il semble évident que les grandes religions monolithiques soient des structures du passé et qu'elles ne conviennent plus à notre ère moderne de communication et de démocratisation de la connaissance. Le déclin flagrant de la religiosité dans les pays occidentaux apparaît comme incontournable, mais il n'est pas nécessairement le signe d'une "déspiritualisation" comme on veut le croire dans les sectes. Si le gourou manipulateur apparaît comme une caricature grotesque de la spiritualité, un pape dans son Vatican n'est-il pas le symbole même de l'archaïsme? Mais ne soyons pas anticlérical, èa fait mauvais genre.
Développer traffic d'armes : Hamsadutta
Survivalisme...
LA JOURNEE D'UN DEVOT DE KRISHNA.
Elle commence t¶t, même très t¶t, le lever est à 3 heures 30 du matin et on se livre aux ablutions matinales, le plus souvent à l'eau froide (c'est bon pour le mental) et notre dévot se prépare pour la cérémonie du matin, le mangala aratika, laquelle a lieu à quatre heure trente et dure en moyenne une heure. Il chante des hymnes sanskrits et danse devant les mourtis (divinités représentant Krishna et sa compagne Radha). Puis vient une période de méditation, mais les dévots n'aiment pas la méditation silencieuse, pour eux, la seule valable c'est la psalmodie du mantra Hare Krishna qu'ils récitent pendant une heure ou une heure et demi; puis cette période de prière est suivie par la "classe", beaucoup plus souvent du rabâchage des dogmes fondamentaux : soumission au guru, abandon à la secte etc... qu'une véritable réflexion spirituelle.
" Lorsque j'étais jeune bhakta, un jour, Adhishekara, mon "chef d'équipe" me confia:
"Tu sais parfois lorsque je dois donner la classe du matin, je n'ai pas toujours l'inspiration. Alors c'est très simple, je glorifie les dévots et je critique les karmis, et èa marche." Voilà comment l'encadrement se prend à la dynamique sectaire et la nourrit.
Puis la matinée se termine sur une dernière cérémonie de vingt minutes environ, au cours de laquelle un culte est rendu au Gourou, le gouroupuja. Les disciples offrent des fleurs et viennent se prosterner devant l'effigie du maître.
Pendant toute cette période, il est assez mal vu d'aller se reposer et les absents sont vites soupèonnés de faiblesse spirituelle. Si ceux-ci sont mariés, la nature des soupèons devient très implicite et le regard qui se porte sur le "faible" a t¶t fait de devenir lourd de réprobation. Dans un tel climat, la participation aux cérémonies du matin prend vite un caractère d'obligation sociale et elle représente pour les dirigeants un critère d'évaluation.
Mais la journée de notre dévot est loin d'être terminée. Vient ensuite le repas du matin et il va falloir vaquer aux occupations. Elles peuvent être diverses selon qu'il s'agit d'une communauté rurale ou urbaine. Mais bien souvent elles sont liées à l'activité majeure : "le Sankirtan", la prédication, laquelle connaît sa "plus haute expression" sous la forme de la distribution des livres du fondateur. Il est vrai qu'il arrive souvent que les livres soient remplacés par divers objets comme des disques ou bien des peintures indiennes voire même des tapis. Dans ce cas, cela s'appelle toujours "Sankirtan", noble activité, puisque l'argent ainsi collecté revient à Krishna. Le commerce constitue l'activité essentielle de la secte et les chiffres d'affaire réalisés sont parfois impressionnants.
A longueur d'année, les dirigeants organisent des "marathons" pendant lesquels tous sont réquisitionnés pour aller collecter des fonds pour tel ou tel projet. Chacun se voit assigner un quota et les journées de travail de dix heures sont monnaies courantes. Le démarchage se fait le plus souvent en porte à porte. Le dévot de base ne pense pas qu'il est en train de faire du commerce. Pour lui, puisqu'il vend les livres sacrés, il participe à l'effort de prédication. Lorsqu'on lui fait vendre des tapis ou des peintures, on lui dit que s'est pour imprimer des livres et bâtir des temples.
Enfin vient le soir ùl'on se réunit pour un repas léger, souvent du lait chaud et une banane (il ne faut pas trop manger le soir pour pouvoir se lever t¶t et pour ne pas agiter les sens). Et le plus souvent notre dévot à droit à la classe du soir; pour bien se remémorer ce qu'il faut penser avant de s'endormir. Vient alors le coucher entre 22 et 23 heures. Ce dont j'ai le plus souffert pendant mon séjour chez les dévots de Krishna, plus encore que les privations sexuelles, c'est du manque de sommeil. Je me souviens avoir atteint des états de fatigue tels que je n'étais plus capable de maintenir mon attention dans la journée pour lire un paragraphe dans un journal.
Et lorsqu'on est fatigué, se reposer est extrêmement difficile, car non seulement le sommeil est très mal vu, mais on a toujours besoin de vous pour effectuer telle ou telle tâche dans la communauté. Plus particulièrement le dimanche d'ailleurs, jour ùl'on reèoit les invités. Les vacances ? le mot n'existe pas dans le vocabulaire du dévot, à moins qu'il devienne Gourou.
Le jeune célibataire qui rejoint une communauté est vite soumis à un rythme qui s'apparente plus à l'esclavage qu'à la vie religieuse. Il vit sans cesse dans la promiscuité, est sans cesse observé par ses pairs. Il n'a plus alors que deux solutions : tenir avec pour objectif de franchir les différentes étapes de l'acceptation dans le groupe : première initiation, au bout d'un an environ on lui donne un nouveau nom et il fait le voeu de suivre les "quatre principes régulateurs" : ne manger ni oeuf ni poisson ni viande, n'absorber aucun intoxicant, drogue, alcool, café ou thé; ne pas avoir de relation sexuelle "illicite"; ne pas se livrer aux jeux de hasard ou à la spéculation.
Puis vient la deuxième initiation un an plus tard ou il devient brahmane et accède au statut de prêtre dans la secte. Lorsqu'après avoir reèu ces différents baptêmes notre dévot persévère dans le surmenage qu'on lui impose, il en vient fatalement un jour, au bout de trois ou quatre ans de ce régime, selon sa résistance, à commencer à montrer des signes de fatigue. C'est à ce moment que la secte sort la botte secrète qui va lui permettre de garder notre oiseau en cage pour de nombreuses années à venir :
"Le Mariage".
La sagesse, c'est de ne pas trop attendre entre le moment ùl'on a faim et le moment ùl'on mange. Sinon on risque de manger n'importe comment.
Bien sûr, il faut passer par une période de probation, le gourou ne donne pas comme cela une de ses disciples, surtout si elle est une bonne collectrice. C'est donc généralement au dernier moment, que le maître consent à "faire les arrangements". Ceci vous vous en doutez n'arrange rien au sort de notre pauvre dévot qui n'en peut plus d'attendre et est prêt à accepter qui on lui donnera tant la chasteté imposée devient insupportable. Le mariage constitue également la promesse d'un peu plus de tranquillité avec l'accession à un semblant d'autonomie personnelle. Mais c'est une tranquillité toute relative, comme on le verra par la suite. Et en fait de liberté consentie, notre dévot vient de s'aliéner à un futur qui sera profondément marqué par la secte. Même si celui-ci décide d'en sortir.
En effet, ne l'oublions pas, les dévots de Krishna font voeu le jour de leur baptême de ne pas s'adonner au "sexe illicite" ce qui signifie en clair, n'avoir de relations sexuelles que dans le cadre du mariage et qu'à fin de procréation. Lorsqu'ils sont mariés, les dévots sont donc censés n'avoir qu'un rapport sexuel par mois, au moment de la fécondation et si ils sont vraiment très orthodoxes, ils doivent avant de s'adonner aux "plaisirs" se livrer à une récitation de chapelet de quatre heures. Le tabou sexuel atteint chez les dévots un degré rarement égalé même chez les puritains chrétiens. Les souffrances psychologiques qui en découlent sont à sa mesure. La culpabilité par rapport au désir sexuel est d'ailleurs savamment entretenue par les dirigeants et il va sans dire que cela constitue la pierre d'achoppement du mécanisme de manipulation mentale.
Loin de constituer un apaisement, le mariage va vite devenir pour notre dévot un fardeau supplémentaire. Dans les conditions décrites plus haut, il est évident que les enfants ne tardent pas à venir. On voit donc des jeunes qui ne se connaissaient pratiquement pas (la ségrégation entre sexes est forte) se marier dans des délais très courts et se retrouver rapidement avec trois ou quatre enfants. Vivant dans l'illusion que la secte pourvoira à leurs besoins, ces jeunes couples ne réalisent pas l'implication sociale et humaine de leur engagement et au bout de quatre ou cinq ans, la plupart de ces mariages fabriqués aboutissent fatalement au divorce.
Ces années de mariage ont bien souvent permis à notre dévot de prendre malgré tout un peu de recul et de regagner une certaine autonomie, l'âge aidant; il commence progressivement à prendre conscience des mécanismes de la secte. S'ensuit alors généralement le passage par les phases suivantes :
Il se dit qu'il va essayer de faire évoluer les choses de l'intérieur. Vu le système autocratique qui y règne, inutile de vous dire quelle frustration il va bient¶t ressentir. Passée cette période qui peut durer plusieurs années, il décide alors de prendre ses distances avec la secte. Mais le conditionnement imposé a été tel qu'il envisage de rejoindre un groupe de "dissidents" qui se sont installés dans divers endroits de France. Si le groupe de dissidents arrive à se structurer, il n'est pas rare alors qu'il soit récupéré par la secte qui lui envoie un gourou "libéral". Notre pauvre dévot peut donc se retrouver dès lors à la case départ. Le scotch lui colle à la chaussure.
Supposons qu'il décide cette fois de s'éloigner des anciens disciples, c'est là qu'il (ou qu'elle) risque d'être en conflit avec sa partenaire qui ne partage pas toujours le même désir d'affranchissement. Il y a alors rupture du couple et les enfants sont encore très jeunes (je connais un tel couple, il viennent de se séparer après la naissance du troisième enfant, et j'ai moi même vécu cette situation il y a sept ans.)
Il est important de préciser que le statut de dévot est reconnu par la secte surtout en fonction de la contribution effective de l'individu. Si celui-ci cesse d'être "productif" sous une forme ou sous une autre, le lâchage n'est pas long à venir. Les schémas inculqués sont si profondément ancrés que le gourou n'a plus qu'à attendre le "retour" du fils prodigue. Celui-ci bien souvent ne tarde pas, après quelques années d'errance, quand la réinsertion dans une vie sociale a échouée, il n'est pas rare de voir revenir de tels anciens adeptes qui se préparent pour une réimmersion. Mais en attendant, dans la période difficile, de déprime, éventuellement de maladie et dans la plupart des cas de difficultés financières, notre ex-adepte est bien abandonné par la secte, au moins sur le plan du réconfort moral et matériel. Quand on est occupé à sauver l'humanité, on n'a pas le temps de s'arrêter pour les éclopés.
Bhagavan et les couples ......
Les professionnels de lêaide sociale
Nos fervents critiques de la "société matérialiste" sont cependant bien contents de profiter de tous ses avantages. Les temps de gloire ùle navire des dévots de Krishna voguait fièrement sous la bannière du grand capitaine Bhagavan étant révolus. Ayant perdu beaucoup de leur motivation et de leur dynamisme commercial (les deux étant assez liés dans la secte); nos dévots de Krishna se retrouvent confrontés à de sérieuses difficultés financières. Ayant eu à subir un contr¶le fiscal qui donna lieu au démantèlement de leur association, ayant dû racheter leur propriété d'Oublaisse dans l'Indre (il leur a fallu payer une deuxième fois le château pour ne pas le perdre dans la liquidation). Ainsi voit-on ces fiers brahmanes dépendre pour leur survie de leur adhésion au RMI et à l'aide sociale. Certains d'entre eux étant inscrits à deux endroits différents, j'ai été témoin au cours de l'été û994 de l'épisode suivant. Alors que je venais rendre visite à d'anciens amis lors d'un festival, les dévots eurent à subir la visite des inspecteurs de la Caisse d'Allocations Familiales. Prévenus à l'avance, les dirigeants organisèrent une réunion pour informer les dévots de ce qu'ils devaient dire. La consigne était la suivante: si on vous demande ùest monsieur "untel", dites que vous ne connaissez pas son nom civil, les seuls noms ayant cours dans la communauté étant les noms spirituels. Une faèon des plus subtiles de dissimuler les fraudeurs.
Un autre exemple de ce type et qui me touche personnellement est le cas de mon ex femme qui est partie en Inde depuis deux ans sans donner de nouvelles à ses fils dont le plus jeune n'a que huit ans. Elle était avant de partir en Inde bénéficiaire du RMI (bien que travaillant toute la journée pour la secte). Pour pouvoir continuer à percevoir ces allocations elle conclut un arrangement avec le président du temple de Noisy le Grand qui lui envoyait la moitié des sommes et prélevait la partie restante pour la secte.(û000 francs en Inde est à peu près égal à 8000 francs en France) Ce genre de pratique est monnaie courante mais ne constitue qu'un moindre mal par rapport au reste.
UNE ENTREPRISE DE DESTRUCTURATION DE LA PERSONNALITE
Comme je le disais précédemment, la réinsertion dans une vie "normale" est extrêmement pénible pour l'ancien adepte. Dans certains cas, elle s'avère pratiquement impossible et l'on déplore de nombreux cas de marginalisation et de toxicomanie. Ces hommes et ces femmes portent en eux des blessures très profondes, et ils ne savent pas comment s'en affranchir tellement le lien de filiation et l'identification sont forts. Ils sont comme des êtres violés. Ils souffrent d'un viol de conscience ; une blessure peut-être plus lourde encore à porter qu'un viol physique. Une souffrance en tous cas moins reconnue et plus difficile à identifier. Une souffrance dont la victime n'ose la plupart du temps jamais reconnaître la cause tant l'enfermement psychologique généré par la machine sectaire est efficace.
L'entreprise commence par l'idée de dualité qui engendre la coupure avec la société. Pour la dialectique sectaire, il y a deux mondes : le monde matériel , la société; et le monde spirituel, la secte. Pour bien entretenir cette dualité, on a recours à des désignations spécifiques: les non-dévots, les abhaktas, les karmis. Des termes chargés d'une connotation de fort mépris. Cette dualité est transmise aux enfants; ainsi dernièrement alors que je rendais visite à d'anciens adeptes accompagné d'une amie. Leur fille âgée de cinq ans demandait à ma compagne: "Dis, c'est pas vrai que tu manges de la viande ? hein, t'es pas une démone toi." Vous pouvez imaginer notre consternation, alors que nous pensions être chez des disciples "libéraux".
Le monde matériel comme le dit cette enfant est pour le dévot le monde des démons. La secte engage donc un combat contre les forces démoniaques. Il faut à tout prix reconquérir du terrain et nous le verrons, pour cela pratiquement tous les moyens sont bons. La diabolisation systématique est omniprésente dans le discours des dévots de Krishna. Le fondateur s'en prend particulièrement aux scientifiques qu'il taxe tous à priori de scientisme et de matérialisme. Ses arguments primaires témoignent d'un manque évident d'analyse et de simple connaissance des sujets abordés et laissent à penser qu'il souffre d'un complexe d'infériorité intellectuelle.
Il suffit pour illustrer mes dires de citer l'exemple suivant. Dans ces ouvrages, Swami Bhaktivedanta n'hésite pas à affirmer que la lune serait plus loin que le soleil, en se prévalant de sa connaissance des écrits védiques. Le débat a toujours cours chez ses disciples. En û995, des gens en France débattent pour savoir si la lune est plus loin que le soleil !!! "Galillée, Copernic, Kepler pauvres de vous, retournez-vous dans vos tombes, vous aviez peut-être tort..."
Il faut savoir en effet que le fondement de la philosophie des dévots de Krishna repose sur le postulat que seule la connaissance révélée est digne de considération. Toute connaissance expérimentale étant sujette à l'imperfection des sens de l'expérimentateur. En deux coups de cuillère à pot notre Swami évacue au moins trois siècles d'évolution de la pensée. Retour directe au Moyen-âge. C'est comme dans "Les Visiteurs" mais à l'envers. D'ailleurs le film a été tourné au château d'Ermenonville, lequel fut un moment occupé par nos dévots de Krishna. Trêve de plaisanterie. C'est plus tragique que comique surtout lorsqu'on voit le résultat sur la vie des gens.
Pour être plus précis, ce nêest pas d'un retour au moyen-âge dont il sêagit mais à une période bien antérieur car même au moyen âge, tout le monde savait que la Lune est plus proche de la Terre que le Soleil. Les grecs le savaient aussi, il faut remonter sans doute à la préhistoire pour atteindre un tel degré d'ignorance.
Mais il y a là un élément très important pour comprendre les effets pervers de la secte. L'homme ne peut penser par lui même, seule la connaissance révélée par le gourou et par les écritures serait valide. Toute réflexion prenant sa source en dehors du cadre des écritures s'apparente pour le dévot à de la spéculation intellectuelle. Lors d'une conversation récente avec un adepte d'une quarantaine d'années, nous tenions les propos suivants :
" - Quand tu observes la Lune et son mouvement, tu n'en déduis pas qu'elle ne peut pas être plus loin que le Soleil, qu'elle est forcément le satellite de la Terre ? - Je n'en sais rien me répondit-il, mes sens sont imparfaits, ils peuvent m'induire en erreur."
Qu'est-ce qui fait qu'un homme ou une femme puisse renoncer à ce point à son intelligence? Le désir de se faire prendre en charge, jusque dans les moindres recoins de sa pensée. La culpabilité, je suis pêcheur, je suis indigne... rien de bon ne peut venir de moi. Il va de soi qu'une telle attitude s'apparente à la névrose, bien souvent les adeptes des sectes ont eu a souffrir de schémas parentaux difficiles.
La psychanalyse étant assimilée à une technique "démoniaque", il y a peu d'espoir pour que nos dévots y voient clair dans la dimension névrotique de leur démarche. Le transfert opéré vers les parents idéalisés que sont la secte et le gourou prend vite une dimension quasiment irréversible. Ces parents parfaits peuvent tout exiger de leurs enfants, jusqu'à l'abandon de leur esprit critique et de toute logique. Une fois que ce pas est franchi, tout devient possible, toute vérité peut-être distordue à volonté par le gourou pour servir ses intérêts.
L'abandon de l'intelligence et de l'esprit critique est ressenti à un moment donné comme une condition nécessaire pour accéder à la chaleur affective que procure l'appartenance au groupe. On accepte de devenir aveugle puisque le gourou clairvoyant nous guide. Il ne semble pas exagéré de qualifier le processus décrit de véritable régression de la conscience. Le disciple, encore une fois accepte une totale "infantilisation", on en revient au concept de renaissance évoqué plus haut. Pour renaître à une nouvelle vie, le disciple accepte de désapprendre tout ce qu'il sait, de renier toute sa culture d'origine. Le gourou exige que le mental de son disciple soit comme un tableau noir sur lequel il pourra écrire. Un des mots qui revient le plus souvent dans le discours des dévots de Krishna est le mot soumission. Le disciple doit être soumis au maître spirituel, la femme soumise à son mari, le simple dévot à son supérieur hiérarchique. Il règne un tel tabou sur tout discours sexuel que l'incongruité du vocable n'apparaît plus dans le cercle des "initiés".
Mais la dimension sexuelle est loin d'être absente du problème. Chez ces gens qui cherchent à tout prix à sublimer leurs "pulsions animales", le transfert s'opère au niveau du désir de pouvoir. La jouissance que procure la sensation de pouvoir est immense surtout dans le cadre de la secte ou rien ne vient tempérer cette notion. Le pouvoir de l'autorité spirituelle jouissant d'un statut absolu. Cette notion de pouvoir fascine le disciple qui aspire secrètement à en jouir, et la progression dans la hiérarchie de la secte constitue une des motivations qui le fait rester et endurer les pires épreuves. A terme il pense devenir ce surhomme, maître de ses sens, devant qui se prosternent des dizaines de disciples complètements abandonnés. .....
C'est au nom de ce pouvoir, que la secte se croit permis d'exploiter sans restriction ses membres. Ces jeunes gens et parfois même de moins jeunes, travaillent tous bénévolement dans des conditions qui mettent souvent leur santé en péril, cela sans aucune assurance ou protection sociale. Que dire de cotiser aux caisses de retraite; le problème ne se pose pas encore pour ces sectes récentes comme les dévots de Krishna, mais dans dix ou vingt ans, de graves problèmes humains risquent de subvenir pour ces adeptes. Surtout quand on sait l'intérêt que les sectes portent à leurs membres devenus "improductifs". (chez les dévots de Krishna, cela n'est pas vrai cependant pour les vaches, ils continuent à s'en occuper même quand elle ne donne plus de lait. Il est vrai que celles-ci ne critiqueront jamais le système).
La déstructuration systématique de la personnalité a donc commencé par le fait de convaincre le nouveau disciple qu'il devait "effacer" toutes ses références intellectuelles. Elle se poursuit par la rupture imposée avec le milieu familial et professionnel. Elle s'affirme avec l'implémentation du concept de soumission dans tous les domaines d'activité et de l'existence. Elle trouve le noyau de son fonctionnement dans l'usage que l'on fait de la culpabilité que l'individu entretient par rapport à sa sexualité.
RECRUTEMENT
Dans la solitude de la ville,
il est venu vers moi et m'a offert à manger.
Il m'a donné de l'amitié, son sourire.
Il était fort et beau,
moi j'avais froid.
Alors je l'ai suivi.
Les méthodes de recrutement des dévots de Krishna nêatteignent pas le degré de sophistication que lêon peut trouver chez les scientologues par exemple. A vrai dire, depuis quelques années, le mouvement à de grandes difficultés à renouveler ses troupes en France. Il y a malgré tout quelques victimes tous les ans qui rejoignent les rangs de la secte. Il en va autrement dans les pays de lêEst ùles adeptes rejoignent les temples par centaines, celà peut affecter lêassociation franèaise qui récupère quelques russes ou quelques bosniaques. Là bas, les dévots mettent en oeuvre les méthodes traditionnelles du mouvement : lêorganisation de festivals, avec chants, danses, musique et festins végétariens offerts au public.
L'ARGENT FACILE
Eduqués dans l'idée qu'ils ne doivent rien à une société "matérialiste" mais qu'au contraire, cette société leur doit tout pour leur inestimable contribution "spirituelle"; les dévots de Krishna ont développé l'habitude de mettre en oeuvre toutes sortes d'actions commerciales qui sont rendues facile par le prétexte d'un pseudo engagement humanitaire. "Nous luttons contre la drogue, nous distribuons de la nourriture en Inde etc..." Ce commerce échappe bien sûr à tout contr¶le fiscal et des sommes considérables sont collectées au "noir". J'ai connu des dévots qui réalisaient plus de vingt mille francs de chiffre d'affaire par jour en vendant des peintures sur soie de l'Inde. Inutile de vous dire que lorsque vous avez été habitué à cela il est très difficile de travailler pour sept ou huit mille francs par mois. L'expérience de cet argent facile au sein de la secte est un vrai traumatisme social pour les adeptes et je connais nombre d'anciens disciples qui dix ans après avoir quitté la secte ne vivent toujours que d'expédients. Vendant à la sauvette quelques articles en porte à porte et se privant de l'équilibre que peut apporter un travail digne de ce nom. Ils vont aller "collecter" quelques heures par semaine (ou par mois), et passent le reste du temps à fumer des joints en se lamentant ou en évoquant le bon vieux temps. L'habitude de mentir prise dans la secte est tellement forte que nombre d'entre eux vivent de magouilles diverses, escroquant quelques karmis (non-dévots) au passage. Leur solidarité n'est d'ailleurs que très limitée car j'ai eu moi même à subir plusieurs escroqueries de la part de tels adeptes.
Il est intéressant de savoir que les dévots on pû racheter le château d'Oublaisse en û993. grâce à lêargent collecté à lêaide du Petit Journal de la Naissance dans les supermarchés de France. Jêavais en effet mis au point dans la fin des années 80 un logiciel permettant de sortir sur un parchemin les événements du jour et de lêannée de la naissance d'une personne. Nous avions avec ma compagne Dominique mis en place un réseau de stands qui diffusaient ce produit avec un beaucoup de succès. A cette époque de nombreux dévots que je nêavais pas vu depuis des années, entendant parler de ce système lucratif vinrent me demander de leur vendre mon logiciel. Jêacceptais de le vendre aux dévots vivant hors des communautés, mais je me refusais à le vendre aux dévots des temples. Je redoutais que leurs méthodes habituelles et leur look ne nuise à lêimage du réseau. Les dévots des temples sêapproprièrent cependant lêidée en copiant le logiciel et bient¶t il y eu une cinquantaine de personnes arpentant les galeries marchandes de France avec leur micro ordinateurs. En û99û, les stands rapportaient jusquêà û0.000 francs par jours.
Ma société diffusa en û992 près d'un million de ces parchemins, je vendais le consommable û franc, il était revendu û0 francs au public. Je comptais dans mon réseau une douzaine de dévots. Lêun d'entre eux mêavoua plus tard avoir donné dans lêannée û992 soixante mille francs pour le rachat du château. Lui-même nêavait gardé que peu d'argent pour le maintien de sa famille. Bien sûr, toutes ses sommes furent réalisées au noir (pour la secte, car ma société payait imp¶ts, tva et charges sociales pour ses cinq employés).
Les dévots venaient de subir une faillite provoquée par un redressement fiscal, dû à leurs activités commerciales non-déclarées, au lieu de tirer parti de la leèon, ils remirent cela de plus belle. Encore une fois, personne ne fut payé, aucune charges sociales ne furent versées, ni de TVA, au bout d'un an, ils purent aligner les deux millions six cent mille francs nécessaires pour le rachat du château.
Les dévots de base sortirent comme d'habitude exténués de lêopération, se demandant comment ils allaient faire pour maintenir cette propriété quêil aurait été plus sage d'abandonner. (Un bon nombre d'entre eux est d'ailleurs parti depuis. La politique du presse citron avait encore marché.) Lêassemblée des dévots avaient décidé après le départ de Bhagavan en û986 de se débarasser de ce fardeau. Tout le monde avait voté pour le renoncement au château d'Oublaisse et la recherche d'une ferme dans le sud de la France.
Les GBCs nêaimairent pas lêidée et 2 gourous furent envoyés en renfort pour convaincre tout le monde de la nécessité de garder ce lieu saint ùavait marché Shrila Prabhupada, le maître fondateur. La réalité était quêil leur était insupportable de voir le mouvement perdre ce symbole de puissance. Si ce fier château disparaissait du patrimoine de la secte, leurs propres projets mégalomaniaques risquaient de capoter dans d'autres parties du monde.
Anecdote :
Un jour une dévote qui faisait du porte à porte dans un h¶tel parisien entra dans une chambre et vit posé sur le lit une mallette pleine de billets. Elle sêempressa de la fermer et de lêemporter pour lêamener à Bhagavan. Celui-ci la réprimanda pour son attitude, lui retira son statut de brahmane, mais ........... il garda lêargent.
La pression commerciale qui régnait chez les dévots atteint au début des années 80 une intensité jamais égalée, Bhagavan devenait de plus en plus mégalomane et tous devaient participer à l'effort de guerre. Ainsi étaient organisés à longueur d'année des marathons n'en finissant pas ùtout était bon pour collecter de l'argent.
Pouvoir hypnotique :
Il faut dire que nous disposions d'une force mentale toute particulière, héritée de la méditation et de l'austérité et qui, ajoutée à la volonté de convertir donnait à notre démarche commerciale une dimension quasi hypnotique. Il me semble qu'à cette époque je disposais d'un véritable pouvoir sur l'esprit des gens. Je pouvais les arrêter dans la rue, sous un prétexte quelconque et les laisser partir trois minutes plus tard chargés d'un disque, d'un gros livre sur la sagesse de l'Inde et délestés de 50 ou û00 francs. Je parvenais à vendre une centaine de livres par jour pour environ û000 francs de recette. Mais certains atteignaient des scores 4 à 5 fois supérieurs.
Au début des années 70, nous pouvions nous targuer d'une certaine "pureté". A l'époque, nous n'avions que de vieilles camionnettes, étions chaussés tous de sandalettes et pour beaucoup d'entre nous, même les chaussettes avaient le parfum du luxe. Nous réalisions notre travail de missionnaires en douceur, sans être attachés au résultat de la journée. Pendant une certaine période, nous mettions nos chiffres sur un petit papier que nous glissions dans une boîte en arrivant le soir à la camionnette. C'était une faèon de s'affranchir de l'égo, de comprendre que nous n'étions que les humbles instruments de la grâce divine.
Et puis, graduellement, la dimension commerciale commenèa à prendre le dessus sur l'esprit missionnaire. Nous abandonnâmes l'habit traditionnel, nous nous coiffâmes de perruques et nous arpentâmes les parkings des centres commerciaux, captant les "karmis" alors qu'ils revenaient à leurs voitures, leurs caddies chargés de provisions. Le coffre ouvert était la faille ùs'engoufrait les flèches de nos "mantras" de vendeurs transcendantaux.
Anecdotes :
Il y eut les stickers ....... au feux rouges
les gares .... Shyamasundari et Vraja Devi
les aéroports
le porte à porte
Pavanadev, l'escroqueur de petites vieilles (oui madame 20.000 francs)
les peintures de Hong Kong....
Les poster d'Italie.....les shoudras Jagat...
les disques rock spirituel à la suace Krishna composés par Patrick Bernard qui est devenu le numéro û de la music new-age en Amérique du Nord après avoir quitté le mouvement.
Les fleurs sur les parkings....Marseille.... les baignoires....
Les bâtons d'encens... Les karmis ont le bout du nez noir.
Les peintures sur soie de l'Inde...elle irait bien dans votre salon, regardez, là, au dessus du canapée...
Les tangkas du Népal...
Les tapis du Kashmire....de la soie madame, de la soie..., c'est un placement sûr.
L'encyclopédie "les grands classiques de l'Inde"
Le party des mannequins avec Ann Shauffus : une série 7 pour l'anniversaire de Bhagavan.
- Si tu ne fais pas ton quota, ce soir tu vas le finir à la gare....
les sources financières du mouvement : .....
* Congrégations.
* Vente des livres.
* Life-membership program.
* Dons et Legs.
* Commerces divers(voir plus haut).
*...
LE MENSONGE INSTITUTIONNEL:
Comme on a pu le voir, on est bien loin des valeurs simples et fondamentales de la spiritualité que sont la véracité et l'honnêteté. Comme je le disais plus haut, on peut mentir puisque c'est pour Krishna. La "philosophie" par une savante alchimie a transformé les valeurs. Tout ce qui est accompli dans le service de dévotion revêt une dimension transcendante. En fait, comme dans bien des démarches religieuses, le mensonge commence par la négation de son corps et la prétention de vivre au-delà du désir. L'hypocrisie qui règne en matière de sexualité chez les dévots de Krishna dépasse de loin ce qui se pratique chez les catholiques par exemple.
Les dévots affichent avec arrogance leur affranchissement par rapport au sexe alors qu'il n'en est rien. C'est ici la faculté de se mentir à soi-même qui est en oeuvre. Le mécanisme psychologique est à peu près le suivant : "C'est vrai, j'ai des faiblesses occasionnelles, mais c'est "accidentel", bient¶t je marcherai droit sur la voie de la parfaite maîtrise des sens. D'ailleurs j'y arrive presque alors ce n'est pas la peine d'en parler, faisons comme de si de rien n'était. Et surtout ne manquons pas de montrer du doigt le faible, l'impur qui s'adonne au pêché sans restriction. Plus je désigne le mal, moins j'ai l'impression d'en faire partie. De plus je ne puis avouer mes faiblesses car je suis censé être un exemple pour la société, ne suis-je pas un brahmane". Inutile de vous dire quelle culpabilité peut habiter le disciple, une culpabilité qui en a poussé certains au suicide.
Comme toujours, plus la prétention est grande, plus la réalité est sordide; ainsi les cas de pédophilie ont été si nombreux à une époque que la décision a été prise de fermer certaines écoles. Plusieurs gourous ont été pris en flagrant délit d'homosexualité ou d'abus de disciples femmes alors qu'ils se réclamaient de la plus parfaite chasteté; et le désastre de la vie matrimoniale des adeptes est pour beaucoup lié à ce mépris de la sexualité.
Il y a aussi le mensonge par omission, combien de disciples savent par exemple que Swami Prabhupada prisait du tabac le matin pour ne pas s'endormir lorsqu'il écrivait ses livres. Les dévots se sont attachés à collecter le moindre détail, le moindre souvenir sur le gourou, pourtant ce détail ne figure nulle part. Je peux pourtant en attester personnellement. Mais il ne faut pas ternir l'image de sainteté du fondateur. Il ne faut pas introduire la moindre information qui pourrait relativiser sa position par rapport à ses injonctions. Si Prabhupada se permet des libertés par rapport aux principes qu'il impose à ses disciples, il ne faut surtout pas que ceux-ci le sachent.
Pendant des années, les dévots eurent recours au mensonge systématique pour collecter des fonds: ½áNous sommes missionaires, nous collectons pour la lutte contre la drogue. Nous recueillons des enfants orphelins etc....á+. Un jour, une dévote se foula la cheville, ne voulant pas perdre la collection de plusieurs jours (environ 2000 francs par jour en û983), Adhishekara alias Alain Haliche lêenvoya collecter dans une chaise roulante, étant sujette à une pression constante pour ramener son ½áquotaá+, cette jeune dévote allemande trouva plus simple de dire quêelle collectait pour des enfants handicapés, malheureusement pour les dévots, Antenne 2 filma la scène et la supercherie fut révélée au grand jour devant des millions de télespectateurs.
Aux Etats-Unis, certains dévots trouvant que cela nêallait pas encore assez vite revinrent à leurs anciennes habitudes et montèrent carrément un réseau de trafic d'huile de cannabis qui aida à financer la construction du Temple de la Nouvelle Vrindavan en West Virginia. A cette époque, jeune dévot innocent, jêavais surpris des bribes de conversations ùlêon parlait de valises pleines de dollars. Bien sûr, dès que les dévots furent pris la main dans le sac (un double fond avait laché à lêaéroport) les dirigeants déclarèrent nêavoir rien à faire avec ces brebis galeuses.
En France, il nêy eut pas de trafic de drogue, mais on vient d'apprendre récemment que Bhagavan sniffait de la cocaïne avant de monter sur son tr¶ne de gourou. Le bhakta dévoué qui le fournissait à lêépoque a fini par révéler le secret. Quand je pense que je ne buvais même pas une tasse de thé...
Encore un peu plus de la même chose !
Un autre aspect du mensonge institutionnel est celui qui consiste à maintenir des individus dans des situations qui sont à l'opposé de leur nature ou de leurs aspirations profondes. Ainsi, quand quelqu'un vient faire part de ses doutes sur l'efficacité du processus. il a invariablement droit à la même réponse : on lui prescrit "encore un peu plus de la même chose ." : " Si tu as des problèmes c'est parce que tu ne te lèves pas à quatre heure tous les matins. Tu ne prêches pas assez. Tu es trop attaché au sexe. Tu ne récites pas suffisamment bien tes tours de chapelets." Comme il y a toujours quelque chose que l'adepte n'a pas fait comme il fallait, vu le nombre pratiquement illimité d'injonctions, il lui faudra un temps certain avant de s'apercevoir que tout simplement il n'était peut-être pas là ùil aurait du et que ses "problèmes" viennent plus de l'attitude de ses "bienfaiteurs" qui l'entretiennent dans le mensonge.
Si vous allez chez les moines bénédictins, ils commencent par vous renvoyer chez vous, ils vous mettent à l'épreuve pendant des années. Ils vous mettent bien en face des réalités de l'engagement. Chez Krishna, on vous séduit, on vous capte, on vous assure que le chant des Saints Noms va faire de vous un homme ou une femme nouvelle en un rien de temps.
Mensonge sur la durée de l'engagement. Les sergents recruteurs....
Mensonge sur la réalité de l'engagement : tu verras c'est facile, il suffit de goûter un goût supérieur....
Mensonge sur la réalité de la vie quotidienne, on projette une image d'harmonie, la réalité est bien différente.
L'année dernière , une jeune fille donne û00.000 francs d'économies, elle projette de vendre la maison dont elle vient d'hériter pour donner à la communauté d'Oublaisse. Sait-elle comment sont traités ceux qui ne sont plus "au standard ?" Dans le même temps, en haut lieu, on parle déjà de la marier.
A une jeune fille de û9 ans, un vieux dévot célibataire : "Tu devrais demander à ton gourou qu'il te marie - il est très fâché quand je lui dis (ayant entendu la conversation) que les conseilleurs ne sont pas les payeurs.
Une adolescente de û8 ans qui a passé toute son enfance à l'école des dévots et dont les parents sont de bons pratiquants : " Krishna il peut aller se faire enc..".
dur, dur ...
UN BREF APERCU DE L'HINDOUISME :
(On idéalise facilement ce qui est lointain, dans l'espace..., l'Inde c'est loin. fondamentalisme ... lointain dans le temps : passé mythique, les Temps védiques. ...)
Bien qu'il ne soit pas notre propos de traiter ici de faèon exhaustive de cet immense ensemble de courants spirituels que constitue l'hindouisme, il m'apparaît important de définir quelques concepts de base afin de situer le mouvement Hare Krishna dans son paysage d'origine, cela pour une meilleure compréhension.
Le mouvement Hare Krishna est exceptionnel en ce qu'il représente la première et sans doute la seule tentative de transplantation de la culture hindouiste dans sa quasi totalité dans les pays occidentaux. On ne sait trop si on doit là rendre hommage au fondamentalisme de son fondateur A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada ou bien déplorer son manque d'esprit de synthèse qui aurait permis une adaptation plus douce et sans aucun doute plus intelligente en ce qu'elle aurait tenu compte des mentalités locales. Un exemple de présentation à mes yeux plus réussi et beaucoup moins sectaire de la culture du yoga et d'un brahmanisme traditionnel est observé chez dans les centres de yoga du Swami Shivananda.
Je m'applique dans les pages qui suivent à décrire le système de croyances vishnouïtes ou vaishnava qui est celui adopté par les dévots de krishna. Celui-ci, qui constitue un des courants majeurs en Inde est cependant moins connu en Occident que le système moniste de Shankara, le Vedanta, lequel a été plus largement répandu grâce notamment à Vivekananda et dans une certaine mesure au Yoga. Ce courant, plus intellectualisé, met l'accent sur la démarche ontologique de réalisation de Soi et développe une conception impersonnelle de la divinité. Dans le yoga de Pâtanjali, tout comme dans le monisme de Shankara, lorsque l'âme (Jiva âtma) parvient à la libération, elle se fond dans la totalité indifférenciée du Brahman, elle atteint l'unité avec le divin. C'est état peut être réalisé dans cette existence même (jivan mukta).
Les vaishnavas qui nourrissent une conception duelle, l'âme individuelle est infinitésimale, l'âme Suprême (paramâtma) est infinie, considèrent les impersonnalistes comme leurs "ennemis" héréditaires. Pour les vishnouïtes, la divinité est personnelle. L'âme Suprême et l'âme distincte sont liées par une relation d'amour et le bhakti yoga a pour but de raviver cette relation "oubliée". Ce courant dualiste a été ranimé au XIVème siècle par le philosophe Madvacharya qui constitue une des références majeures des vaishnavas. Plus tard, au seizième siècle, c'est Chaitanya, que les Krishnaïtes considèrent comme un âvâtara (manifestation divine), qui ravivera la bhakti, la voie de la dévotion grâce à son mouvement de Sankirtana (chant congrégationnel des Noms Divins) qui se répandra du Bengale dans toute l'Inde et dont nos dévots de Krishna occidentaux sont les descendants directs. J'aurai l'occasion de revenir sur Chaitanya ultérieurement et je m'attacherai à démontrer que le mouvement pour la Conscience de Krishna s'est considérablement éloigné de l'esprit de leur illustre ancêtre. En France, quelques amateurs de poésie ont eu l'occasion de découvrir la Bhakti de Chaitanya grâce à l'excellente traduction des stances de Toukarâm présentée par Guy Deleury chez Gallimard.
La réincarnation
Une des croyances majeures de l'hindouisme, c'est la doctrine de la métempsychose. L'âme anime le corps, quand celui-ci devient inutilisable, elle le quitte pour un autre qui correspondra au degré d'évolution de la conscience de l'être. Pour l'hindou, l'âme transmigre à travers les huit millions quatre cent mille espèces. Lorsque la forme humaine est atteinte, l'âme a enfin l'occasion de s'affranchir de ce cycle infernal de morts et de renaissances, le sâmsara. Pour les vaishnavas, seule la grâce du pur dévot permet de se libérer de l'emprise de la matière. Après la mort, le bhakta rejoint les planètes Vaïkunthas qui existent au-delà des confins de l'univers matériel et ùles êtres vivent dans leur corps spirituel, lequel est Sat Chit Ananda, éternité, omniscience et félicité totale.
Le Dharma
C'est un terme sanskrit assez difficilement traduisible. Ce qui est essentiel à un individu. Sa nature intrinsèque. Le devoir qu'impose la nature profonde de l'individu. C'est par extension le fait d'être en accord avec les lois de l'Univers. L'adhésion au système de castes : varna et phases de l'existence : ashramas, constitue l'ensemble des devoirs qui incombent à l'hindou : le varnashrama dharma. Le devoir spirituel universel qui consiste à raviver la "relation au divin" est le devoir fondamental de l'hindou : le sanathana dharma.
La Parampara, la succession disciplique
En Inde, l'autorité s'aquiert par le fait de se situer dans la tradition. La tradition est transmise par le maître spirituel, lequel la tient de son propre maître spirituel, la chaîne (il y en a de multiples) est censée remonter jusqu'à une origine divine. Cette origine divine assure l'absolue transcendance à quiconque se situe de faèon orthodoxe dans la lignée. Pour le disciple, la tâche majeure consiste à mémoriser l'enseignement pour le répéter sans "l'altérer". On est frappé par la similitude constante de discours (et son manque absolu d'originalité) qui règne de faèon quasi uniforme chez les vaishnavas. Pour avoir entendu l'enseignement pendant des années, lorsqu'un gourou parle, je puis à l'avance deviner la phrase qui va suivre. Voire plusieurs phrases d'affilée.
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Le Karma
Pour se libérer du cycle des réincarnations, l'âme individuelle doit mettre fin à la loi de cause à effet qui règne en ce monde, le karma, ou le principe de juste rétribution de nos actes. Ainsi tout acte positif entraîne sa part de bienfaits à venir quant au contraire, les actes négatifs nous lient à des conséquences fâcheuses. C'est pourquoi l'hindou s'applique à éliminer de ses actes toute violence, suivant le principe de l'ahimsa (non-violence). Le végétarisme se situe dans cette adhésion.
Les six darshanas.
Les six écoles philosophiques traditionnelles .....
Le Yoga
Du sanskrit yug (joug), le yoga est le moyen qui permet de relier l'être à Dieu. Le yoga, malgré qu'il soit perèu par beaucoup d'entre nous comme une discipline corporelle, s'apparente totalement à la démarche métaphysique. Il est d'ailleurs plus juste de parler des yogas, l'Inde ayant au fil des millénaires mis au point des "techniques spirituelles" appropriés au différents profils psychologiques des individus. On peut néanmoins reconnaître qu'il existe un corps fondamental de la discipline qui a été rédigé sous formes d'aphorismes par Patanjali.
Celui-ci définit la voie royale du yoga par l'adoption des huit étapes :
- Yama prescriptions positives
-niyama prescriptions négatives
-asanas postures du corps
-pranayamas exercices de respiration
-pratyahara détacher les sens de leurs objets
-dharana concentration
-dhyana méditation
-samadhi absorbsion complète dans la divinité
La mourti, la divinité dans le temple
Si vous avez l'occasion de vous rendre dans un temple en Inde ou en France, qu'il s'agisse d'un temple krishnaïte ou shivaïte, (ils sont plus rares en France) vous ne manquerez pas de découvrir la mourti, la forme archa que l'on adore dans les temples hindous traditionnels. Les dévots cuisine pour Krishna et Radha, sa compagne, six offrandes de nourriture par jour, ils les vêtissent matin et soir, leurs donnent leur bain rituel et leurs consacrent six cérémonies quotidiennes, l'aratika. Au cours de ces cérémonies, les bhaktas chantent des hymnes sanskrits ou bengalis en s'accompagnant des instruments traditionnels, tambours, cymbales et harmonium, en dansant devant la divinité. Il s'agit là des pratiques majeures du bhakti yoga, qui ont cours également dans tous les temples de l'Inde. Ces cérémonies sont généralement joyeuses et colorées.
" Manifestation de la Forme personnelle de Dieu à travers certains matériaux déterminés telle qu'on la trouve dans les temples. Krishna, créateur et maître de tous les éléments matériels, apparaît dans cette Forme (qui doit être installée par un maître spirituel qualifié) pour permettre à ceux dont les sens ne sont pas encore purifiés de toute souillure matérielle de Le contempler et de Le servir."
Glossaire des Editions Bhaktivedanta
Le sannyasa
La valeur ultime en Inde, c'est le renoncement ...
Tout comme l'Islam, l'hindouisme ne possède aucune organisation institutionnelle. Il représente plus un immense creuset culturel et philosophique qu'une religion monolithique telle que nous la connaissons en Occident. Il est constitué de centaines de courants divers qui tous cependant ont un point commun, ils se réclament d'une filiation avec la tradition des Védas (les écrits traditionnels sanskrits).
En fait, l'élément fédérateur majeur de l'hindouisme repose dans la structure d'organisation socio-religieuse de la société en quatre castes distinctes, le varnashrama. La classe dominante étant celle des prêtres et des savants qui détiennent la connaissance des écrits védiques et en tirent le savoir ritualiste qui gère et codifie de faèon rigoureuse la vie des quatre castes de la naissance à la mort. On parle donc de culture ou de religion brahmanique. Le brahmane pouvant se situer dans un courant quelconque de la tradition védique : ritualisme sacrificiel, shivaïsme, vishnouisme, monisme shankarite, yoga (le yoga se subdivisant en de nombreuses écoles; hâta yoga, jnâna yoga, raja yoga etc....) et chaque courant se démultipliant également en de multiples sectes: vishnouïtes dans la lignée de Madvacharya, de Râmanuja, de Chaitanya, etc... dévots des multiples aspects de la Mère universelle : Kali, Dûrga, Devi ....
Encore une fois, le point commun à tous ces courants est la référence aux Védas, les quatre Védas d'origine et les textes plus tardifs comme la Bhagavad-Gîtâ, le Râmayana, le Vedanta Sûtra, les Upanishads, les Pouranas. La référence à ces textes a valeur d'orthodoxie et si le bouddhisme fut chassé de l'Inde bien qu'il y ait pris sa naissance, cela est dû au rejet par Bouddha des textes védiques. Bouddha est cependant considéré par les brahmanes comme une incarnation de Vishnu, un avatar ou une descente de la divinité sur le plan terrestre. L'absence d'autorité instituée autre que la connaissance scripturaire de la classe brahmanique a autorisé depuis toujours en Inde la cohabitation de tous les points de vue philosophiques et théologiques, allant de l'animisme jusqu'au monisme indifférencié, en passant par un polythéisme au panthéon pléthorique.
On est aux antipodes de l'intolérance idéologique observée dans la tradition religieuse européenne. L'intolérance en Inde se manifeste plut¶t, et de manière exacerbée dans les clivages sociaux qui revêtent un caractère extrêmement rigide et se traduisent par toutes sorte d'interdits. Le brahmane par exemple se doit d'être strictement végétarien.
Ce qui est notable chez Swami Prabhupâda, c'est sa volonté de transplanter telle quelle en occident sa culture bengali : "Je n'apprendrai pas à manger avec une fourchette, c'est vous qui apprendrez à manger avec vos doigts." Le souci traditionaliste est aujourd'hui la cause majeure de la stagnation de son mouvement, lequel a connu sa plus grande phase d'expansion dans le courant des années soixante dix. Ses disciples, épousant fidèlement son souci de traditionalisme ont été incapables à ce jour d'effectuer une transposition intelligente de la culture krishnaïte et ils s'étouffent aujourd'hui dans un formalisme qui annihile tout esprit d'initiative allant dans le sens d'une adaptation réfléchie. L'élément majeur de cette léthargie est selon moi à mettre sur le compte du culte de la personnalité développé à l'extrême dans son mouvement.
Dans la doctrine du Swami, les facteurs idéologiques relevant d'une totale incompatibilité avec l'esprit occidental sont conservés avec une telle obstination par ses héritiers qu'on est en droit de penser que le mouvement Hare Krishna ne peut connaître qu'une expansion très limitée. Les signes observés depuis plusieurs années laissent apparaître un net recul dans de nombreux pays, excepté pour l'Inde et les pays de l'est. Le mouvement continu à se développer en Inde car il y centralise les énergies internationales de la secte sur les plans humain et financier et s'appuie sur les mouvances fondamentalistes de l'hindouisme. Quant au pays de l'Est, chacun sait que l'interdit général qui y a régné pendant les soixante dix ans d'oppression communiste est aujourd'hui la cause d'un retour en force du religieux et de l'irrationnel avec son cortège de sectes et de charlatans en tous genres. Ce regain d'activité à l'Est bénéficie à certains pays d'Europe ùla secte est implantée, comme l'Allemagne et les pays scandinaves.
Les spécialistes des sectes s'accorderont pour dire que si le mouvement Hare Krishna peut-être catalogué parmi les sectes dangereuses pour l'individu, il représente cependant un risque moindre sur le plan numérique, comparé à des mouvements comme l'Eglise de Scientologie. Il constitue cependant un modèle particulièrement intéressant du phénomène sectaire et cela à plus d'un titre :
* Conditionnement idéologique, physiologique et psychologique extrême.
Tous les critères de la secte dure sont réunis :
* Captation de l'individu.
* Coupe les liens familiaux et sociaux.
* Déstructuration de l'individu.
* Exploitation forcenée.
* Culte de la personnalité institutionnalisé.
* Discours asocial et millénariste.
Organisation "collegiale": le G.B.C.: Une apparence de démocratie
Le GBC ou Governing Body Comission est l'entité dirigeante instituée de son vivant par le Swami Prabhupâda . Il était constitué à l'origine par un groupe de disciples désignés par le Swami et sélectionnés sur la base de leurs qualités de dirigeants, de gestionnaires et d'orateurs.
A l'heure actuelle, le G.B.C.., s'il existe toujours ne revêt aucun caractère démocratique. Il consiste en une collégialité de gourous qui légifèrent dans le souci premier de préserver leurs acquis et leurs privilèges. Ne peut devenir G.B.C.. que celui qui a été nommé par le G.B.C... Pour situer l'état d'esprit hérité de Prabhupâda, il suffit de se référer à un de ses "bon mots" qui encore une fois témoigne de la profondeur de ses réflexions : "democracy means demon crazy" ou en franèais : "démocratie signifie démon crasseux". Je vous avoue que même du temps ùje m'efforèais d'être son disciple, ce genre de plaisanterie me faisait rire jaune.
En réalité, la direction imposée par le G.B.C.. a tout de la dictature (on pourrait traduire par gourous bureaucrates et corrompus mais ce serait par trop blasphématoire). Ce système réussit malgré tout à donner à l'adepte de base l'idée qu'il est représenté par un groupe à l'apparence parlementaire. Jamais il ne lui apparaît que ce simulacre n'est là que pour servir le corporatisme absolutiste de nos jeunes gourous. Le profil psychologique de la recrue de la secte le porte très peu à la réflexion d'ordre politique. De telles considérations apparaissent bassement matérielles. Ainsi, en parallèle avec l'adoption de la théocratie de la secte, nos dévots rêvent d'une société à forme de monarchie de droit divin d'un simplisme extrême. Très peu d'ex-disciples pensent à faire remonter la responsabilité de leurs déboires au fondateur, tous les errements sectaires seraient selon eux à attribuer à certains G.B.C.s incompétents ou malintentionnés. Il ne leur vient pas à l'idée que le système a été pensé et institué par Prabhupâda. Nous allons voir par la suite quelles ont été les conséquences désastreuses de ce système "théocratique".
Le GBC n'est pas concerné par l'individu en tant que tel. Son seul souci est le maintien à tout prix de sa position et du statut quo qui le "nourrit". Le choix conscient ou inconscient est celui du Turn-over : l'exploitation maximale de l'individu durant les diverses phases de progression dans la secte jusqu'à son épuisement total. Le renouvellement, même s'il est faible localement est suffisant pour alimenter le GBC. C'est le principe des réseaux de vente pyramidal. On presse au maximum le vendeur (adepte ou dévot) de base et on le jette quand il n'y a plus de jus à en tirer. On sait de toute faèon que le dévot n'est pas totalement perdu pour le mouvement, dans la plupart des cas, il va se "recycler" dans un autre temple ou dans une autre zone.
Qu'est-il advenu des onze successeurs de Swami Prabhupâda ?
On se souvient que le fondateur du mouvement Hare Krishna est arrivé à New-York en û965, âgé de soixante dix ans. Sa mort survint en û977 ùil s'éteint en Inde à Vrindâvan au milieu de ses disciples. Depuis plusieurs années, il avait confié la gestion spirituelle et matérielle du mouvement à un comité directeur, le Governing Body Comission, formé de onze membres au moment de sa mort. Au lendemain de celle-ci, ils s'arrogent l'héritage exclusif du Swami et se parent du titre de Gourou tout puissant pour leur zone de juridiction.
La mort du Swami coïncide avec la fin de l'état de grâce pour les mouvements sectaires néo-orientaux et autres. L'euphorie et l'innocence du mouvement hippie et de la "contre culture" des années soixante dix avec son explosion de communautés alternatives se métamorphosent pour l'opinion publique mondiale en une image de cauchemar avec le suicide collectif de la secte de Jimes Jones au Guyana qui décime près de neuf cents personnes. Les mariages collectifs de milliers d'adeptes de la secte Moon ne viennent pas rassurer l'opinion et on voit apparaître les premiers groupes "anti-sectes" ainsi que les fameux déprogrammeurs aux méthodes coercitives. Se sentant agressées, de nombreuses sectes se radicalisent.
On rentre alors dans la période la plus sombre du "mouvement Hare Krishna" qui désormais pourra plus justement s'appeler la Secte Hare Krishna. En très peu de temps, les disciples GBC vont pour la plupart tomber dans le délire mégalomaniaque. Le pouvoir légué par Swami Prabhupâda est immense à tout point de vue, et bien au-delà de la capacité de ces jeunes gourous ambitieux mais inexpérimentés. Bhâgavan das à l'âge de trente cinq ans hérite de l'Europe du Sud, (France, Italie, Espagne, Grèce, IsraÙl, Benelux). En û977, la secte est dans sa phase d'expansion majeure. En France, les dévots ont fait l'acquisition du château d'Oublaisse, à Luèay le mâle, dans l'Indre. Ils louent un h¶tel particulier rue Lesueur dans le seizième arrondissement près du boulevard Foch et comptent environs trois cents adeptes à plein temps. Les "fêtes du dimanche" attirent beaucoup de monde, la distribution de livres et de disques bat son plein et la maison d'édition des dévots, les éditions Bhâktivedanta s'enorgueillit de la parution d'ouvrages luxueux, la Bhâgavad Gîta Telle qu'elle est, le Shrimad Bhâgavatam, le Livre de Krishna, le Nectar de la dévotion et d'autres encore. La revue Back to Godhead est également publiée régulièrement et fait office de vitrine du mouvement en France et à travers le monde.
Comme son nom l'indique, l'Association Internationale pour la Conscience de Krishna, l'A.I.C.K. revêt un caractère foncièrement cosmopolite. A cette époque, sur la communauté de la Nouvelle Mayapoura, à Luèay le Mâle on dénombre près de quinze nationalités différentes, à commencer bien sûr par les américains et les canadiens envoyés en Europe par le fondateur pour "évangéliser" le vieux monde. Ce caractère international est un phénomène commun à beaucoup de sectes et c'est aussi un des "charmes" indéniables de ces organisations. Les sectes disposent d'un pouvoir exceptionnel: elles parviennent à réduire le monde à la taille d'un village. De plus elles ont compris les avantages que procurent de telles organisations sans frontières. Les responsabilités des gourous se dissolvent d'autant plus au-delà des frontières qu'ils ont pris l'habitude d'expatrier nombre de leurs disciples.
Sur les onze successeurs officiels, au moins six ont faillit en langage du mouvement, ils sont "tombés".
* Bhâgavan est parti en û986 avec la caisse et une dévote (il avait fait voeu de renoncement). On le retrouve dans les années û990 en prison ùil atterrit pour traffic de drogue.
* Jâyathirtha est expulsé du mouvement pour usage immodéré de stupéfiants et abus sexuels sur des disciples femmes en û982. Il meurt quelques temps plus tard décapité par un de ses disciples .
*Kirtananda qui dirigeait une immense communauté en West Virginia de 2000 hectares, laquelle faisait l'orgueil du mouvement Hare Krishna, grâce notamment au temple d'or érigé à la gloire de Shrila Prabhupâda, est emprisonné pour complicité de meurtre. Un de ses hommes de main, Dresher a assassiné au moins deux disciples récalcitrants.
*Bhavananda est pris en flagrant délit d'homosexualité, (c'est mal vu chez les dévots de Krishna, surtout pour un gourou).
* Le leader de L.A. Rameshwara Swami est parti avec une jeune mineure de û6 ans, il s'est reconverti dans l'immobilier.
* Hamsadutta fut inculpé pour trafic d'armes. Il était devenu alcoolique, le mouvement l'expulse au début des années û980.
* .....
Bien sûr, la position d'Iskcon sur ces individus, est qu'ils ont été dûment excommuniés et ne seraient pas représentatifs du mouvement. Il a fallu en règle générale qu'une intervention extérieure se manifeste, comme une investigation du F.B.I. pour que de telles mesures soient prises, en réalité , les agissements de ces gourous verreux étaient connus depuis longtemps des dirigeants, mais un gourou répugne à en faire déchoir un autre car il diminue d'autant son propre prestige. Il règne un silence très pesant sur toutes ces histoires au sein de l'organisation. C'est le passé, dit-on , maintenant il faut aller de l'avant. Le simple fait d'essayer d'évoquer ces sujets est très mal vu par les adeptes. En fait la plupart ne sont tout simplement pas au courant et lorsque vous essayez de les informer, certains ne veulent pas vous croire. Si l'on calcule bien, à ce jour, plus de la moitié des gourous désignés par le Swami (ce fait est d'ailleurs sujet à polémique dans le mouvement) ont chu avec fracas de leur position et se sont avérés de piètres maîtres spirituels. Les dégâts qu'ils ont occasionnés sont considérables à tout point de vue. Pendant qu'ils étaient en place les six autres n'ont jamais bronché. Et l'on devrait croire aujourd'hui à leur parfaite intégrité. En fait, il se pourrait fort bien, au moins pour certains d'entre eux, qu'ils aient tout simplement été suffisamment intelligents pour éviter les scandales. Si l'on se penche néanmoins attentivement sur leur cas, on pourra pour la plupart déceler des signes évidents de ressemblances avec leurs collègues malchanceux. Le problème est qu'à ce jour, les dévots sont tellement sclérosés sur leurs principes que si quelqu'un parvient à s'y soumettre, il est pratiquement intouchable. Le fait qu'il soit un autoritaire caractériel sera largement accepté du moment qu'il donne les signes apparents de la chasteté par exemple; l'exigence dans ce domaine étant la plus cotée chez les dévots .
Je vous cite un exemple comique qui va dans ce sens : pour les dévots la plus haute position est celle du sannyasi, le moine qui a fait voeu de chasteté et porte le bâton du renoncement et l'habit safran. Le Swami, car tel est son titre est quasiment vénéré chez les dévots de Krishna tout comme il l'est en Inde d'ailleurs. Une des qualités requise pour être un sannyasi est donc le détachement des femmes.
Je connais un gourou, qui jouit d'un tel prestige et qui ne déroge pas à la règle en la matière. La seule chose que ses disciples ignorent c'est que notre ami avant d'être dévot était homosexuel. Il va de soi que je n'ai rien contre les homosexuels mais dans ce cas, il me semble que le mérite soit quelque peu usurpé. Les sannyasis vivant toujours en étroite cohabitation avec de jeunes disciples masculins, le renoncement à la vie sexuelle devient dans ce cas pratiquement factice.
Ce dont je parle ici fût le cas pour Kirtananda Swami qui, non content de faire assassiner ses détracteurs couchait depuis des années avec de jeunes garèons. Lorsqu'on découvrit le pot au rose, il prétexta être devenu amnésique et avoir perdu le contr¶le sur lui même depuis qu'un de ses disciples mécontents lui avait donné un coup de barre de fer sur la tête l'ayant plongé dans le coma. Tous ces faits ont été rapportés dans un excellent livre : "Monkey on a Stick" par John Hubner et Lindsey Gruson chez Harcourt Brace Jovanovich, Publishers, ûûû Fifth Avenue à New York. (le lecteur anglophone qui veut tout savoir sur Hare Krishna aux Etats-Unis doit absolument lire ce livre.)
Une chose est indiscutable et j'y reviendrai ultérieurement. L'ampleur de la dérive sectaire et violente a été particulièrement marquée aux Etats-Unis. On va même aujourd'hui dans le mouvement jusqu'à faire remonter la responsabilité aux gourous américains. Je ne partage pas l'idée que la responsabilité puisse s'arrêter à ce "gouvernement", le "président" restant dans les nues de la sainteté. Je m'applique ici précisément à poser la question de la responsabilité de Prabhupada. Mais le facteur américain n'en demeure pas moins crucial dans la compréhension du "double choc culturel" qu'ont eu à subir les disciples européens. Ce choc culturel se traduisant en France par exemple par une main mise totale et permanente dans les années 70,80 sur la direction par les américains. Un exemple que je développerai est la mode des châteaux, qui fût toujours décriée par les dévots franèais. Nous voulions des fermes dans le Sud. Bhagavan achetait le château d'Ermenonville.
Tous ces gourous, du temps de leur gloire se faisaient appeler Sa Divine Grâce, titre que s'était attribué le fondateur et qu'il leur semblait normal de porter. Ils étaient des "purs dévots" à la parole infaillible, à l'autorité absolue, ils géraient des patrimoines considérables, ayant leurs comptes en Suisse et vivaient dans des conditions de luxe absolument indécentes quand leurs disciples se devaient de la plus grande austérité. J'aurai l'occasion de revenir en détail sur ces faits dans le récit de mes dix années passées au sein du mouvement.
Prabhupada a institué le culte de la personnalité. Il y avait au début un esprit familial évident. Ses proches disciples (qui sont devenus les leaders) voulaient tous lui faire plaisir, ils étaient en compétition comme des enfants à la recherche de reconnaissance, (citer Satsvarupa dans letters). Ils veulent répondre au désir activiste de Prabhupada, les disciples de base en font les frais. Prabhupada est bien souvent comme le roi nu.....
Mais il semble qu'il ait le sens de l'histoire, il est prêt à sacrifier une génération pour jeter les fondements d'un mouvement qui doit durer vingt mille ans. Il faudra deux générations pour avoir des vaishnavas corrects avait-il dit. Quand on voit la plupart des adolescents de la deuxième génération, on peut avoir de sérieux doutes sur ces assertions.
DISPARITION : QU'EST-IL ADVENU DE FRANCK DEFUSTER, ALIAS NARAKANTHAKA DAS ?
En û985 je décidais d'affronter le gourou Bhagavan, pour ce faire, avec un groupe d'amis, nous rédigeâmes un cahier de doléances que nous allâmes remettre à la réunion des disciples de Prabhupada qui se tenait en West Virginia. A l'époque, une vague importante de réforme se dessinait dans le mouvement. Parmi le petit groupe de dévots qui se rendirent à cette réunion et qui rentrèrent par là en dissidence ouverte avec les autorités franèaises de l'A.I.C.K., se trouvait Franck Defuster, un disciple belge. Après cette action, je décidais de quitter le mouvement. J'abandonnais mon poste de directeur des relations publiques et j'envoyais une lettre recommandée pour me dissocier du mouvement et démissionner d'un poste bidon que l'on m'avait attribué au bureau de l'association. (il fallait des résidents franèais, mais les décisions étaient prises par un groupe d'américains.) Frank Defuster alias Narakanthaka lui décida de rester à l'intérieur et entrepris une véritable croisade pour faire plier les dirigeants américains. On le vit même faire une grêve de la faim devant la mairie d'Ermenonville. Plus tard, il partait en Inde mais restait toujours au service du mouvement. Il y a deux ans, n'ayant jamais renoncé à sa croisade contre les excès et la corruption des gourous et des g.b.c.s, il confia à un de mes amis qu'il possédait un dossier sur les malversations d'un gourou indien oeuvrant en Amérique du nord et qu'il s'apprêtait à le rendre publique. Puis il a disparu, on n'a plus jamais entendu parler de lui, la rumeur court qu'il se serait noyé dans le Gange. Ses parents sont allés en Inde, ont alerté les autorités, en vain. Qu'est-il advenu de ce garèon trop gênant ?
LA CONDITION DES FEMMES
Il règne chez les dévots de Krishna le machisme le plus absolu. Selon Swami Prabhupâda, la femme serait moins intelligente que l'homme. D'ailleurs aucune femme n'occupe de position de direction dans le mouvement. Leur seule perspective d'avenir, se marier avec un "bon dévot", pour faire des beaux petits dévots qui pourront libérer la planète.
" La pureté d'une population dépend de la chasteté et de la fidélité des femmes. Or de même qu'un enfant se laisse facilement abuser, une femme a tendance à se laisser corrompre. Pour cette raison, tous deux ont besoin de la protection des aînés de la famille. Selon Chanakya Pandit, l'intelligence des femmes est généralement de moindre vigueur, aussi est-il difficile de leur donner pleine confiance." Bhâgavad Gîta Telle qu'elle est ch .I, verset 40 (commentaire de Prabhupâda)
"D'une manière générale, on peut comparer la femme à un enfant, qui ne possède pas le pouvoir de discernement de l'homme."
Shrimad Bhâgavatam I, ch 7, v 42
"La Bhâgavad Gîta se trouve incorporée à la grande épopée historique du Mahâbhârata, et est spécialement conèue pour les êtres d'intelligence réduite, à savoir les femmes, les shudras (travailleurs manuels) et les descendants indignes des varnas (castes) supérieures." S.B. I,û5,27
"La reine Kunti reconnaît cette faiblesse de l'âme conditionnée, et plus particulièrement de la femme, comptée parmi les êtres dotés d'une intelligence moindre, pour lesquels des lieux comme les temples, mosquées ou églises s'avèrent nécessaires, afin qu'ils puissent reconnaître la suprématie du Seigneur." S.B. I,8,û9
"Selon les codes religieux de Yajnavalkya, une femme dont l'époux est loin du foyer ne doit prendre part à aucune réunion sociale, non plus qu'elle ne doit parer son corps, rire ou visiter des parents, en aucune circonstance; telles sont les règles qu'elle doit observer. Il est dit d'autre part, qu'une femme ne doit jamais se présenter devant son époux dans un état impur, sans avoir fait des ablutions; qu'elle doit se couvrir de beaux vêtements et de parures, et toujours paraître devant l'époux riante et joyeuse." S.B. I,ûû,3û
"La voie du salut, du retour à Dieu, décourage tout rapport avec les femmes; et le système tout entier du sanatana-dharma, ou varnashrama dharma, s'il ne les interdit pas entièrement, du moins les restreint de faèon considérable. Mais alors, peut-on accepter comme Dieu, la Personne Suprême, un être qui S'est attaché à plus de û6 000 femmes différentes ?" S.B. I, ûû, 36. Krishna est censé avoir eu û6000 reines lorsqu'il était roi de Dvâraka.
Toujours d'après Prabhupâda, la femme, grande tentatrice serait également neuf fois plus "concupiscente" que l'homme. A ce propos, (la concupiscence) , le maître déclarait à ces disciples hilares qui ne manquent pas de se retransmettre la "blague" : que la femme veut : " La taille d'un cheval, la vigueur d'un chien et la vitesse d'un lapin."
On pourrait continuer très longtemps mais je ne voudrais pas fatiguer le lecteur, ni inciter la lectrice à arrêter ici.
Pour illustrer la faèon dont une femme peut vivre dans le mouvement Hare Krishna voici le témoignage de Sandrine qui a vécu 6 ans chez les dévots. Je transcris intégralement le texte qu'elle m'a fait parvenir :
" Ma pensée mystique débuta à l'âge de û3 ans, dans la cour de récréation du collège ùl'on s'amusait à communiquer avec des esprits au moyen d'un verre. Nous l'effleurions avec notre doigt et posions des questions à un esprit imaginaire, le verre se dirigeait alors vers un des morceaux de papier que nous avions disposés autour et sur lesquels était marqué : oui, non, ou ?
Cette première expérience m'a ensuite menée à fréquenter un cercle privé de médiums qui se mettaient en relation avec des êtres décédés depuis peu et en quête de conseils ainsi qu'avec des anges, des "guides spirituels" qui nous transmettaient des messages d'amour, des enseignements nous permettant de mieux comprendre notre place et notre mission sur Terre. Les révélations venues des plans supérieurs nous informaient de l'existence d'une hiérarchie spirituelle responsable du fonctionnement de l'univers et engagée solidairement dans la progression et l'évolution des êtres vivants.
Après une longue période d'étude d'ouvrages mystiques en passant par l'astrologie, la radiesthésie, la méditation, jusqu'à l'âge de dix huit ans, j'arrêtais soudainement cette recherche désirant découvrir un enseignement plus complet faisant la synthèse de toutes ces connaissances et expériences.
Intéressée par le végétarisme, je me rendais dans un restaurant tenu par les dévots de Krishna et bien que dans un premier temps leur prédication me semblait légère et manquant de profondeur, je commenèais à m'intéresser vivement à eux lorsque j'eus connaissance des ouvrages qu'ils diffusaient à travers le monde. Il s'agissait des Védas, textes vieux de plusieurs milliers d'années, traduits du sanskrit par leur maître spirituel, Shrila Prabhupada. J'ai tout d'abord lu la Bhagavad-Gîtâ et pratiqué la méditation sur le chapelet (le jappa).
Ces ouvrages révélaient très clairement les lois qui régissent l'homme et l'univers ainsi que notre véritable identité en tant qu'âme spirituelle. Sa définition de la souffrance me permettait enfin de comprendre que toute épreuve a sa raison d'être et n'est qu'un moyen pour l'homme d'évoluer et de "grandir". Leurs explications sur le principe de la réincarnation, l'obligation de reprendre un corps humain en fonction de ses propres choix en vue d'une évolution confirmait mes expériences antécédentes lorsque je recevais des témoignages des âmes désincarnées.
Quelques mois après, je décidais de contribuer à la diffusion de ces ouvrages. J'étais à cette époque étudiante à l'école d'infirmière de Tours. Dans la même journée, j'informais le directeur de l'école de ma décision de partir, écrivit une longue lettre à mes parents leur expliquant les raisons de mon départ, fit ma valise et parti rejoindre le petit groupe des dévots dans ce restaurant.
Et c'est ainsi que commenèa ma grande désillusion. Ce qui me marqua le plus dès mon arrivée parmi les dévots était le manque d'amour et d'affection entre eux et dans leur vie de couple. Seul l'amour et la dévotion envers leur maître, Shri Krishna avait une réelle valeur. Tout le reste n'était que matérialisme grossier et contraire à la vie spirituelle. Et c'est pourquoi aussi ils acceptèrent joyeusement de m'accueillir sans même s'inquiéter de ma famille ni des conséquences de l'arrêt de mes études.
Malgré ses premières impressions, je persistais à vouloir contribuer à la diffusion de ces ouvrages, la Bhagavad-Gita et le Shrimad Bhagavatam, et considérais que le reste n'avait pas trop d'importance. J'étais trop persuadée que ce livre pourrait aider tant d'êtres humains à mieux comprendre la réalité de ce monde, leur place dans l'univers et leur réelle identité : une âme spirituelle, égale à toutes les autres en puissance et en qualité.
Après deux années de prédication quotidienne de porte en porte et de nombreuses austérités, je commenèais de plus en plus à m'enfermer et à m'isoler du monde extérieur, bien qu'en contact avec celui-ci, mais uniquement dans mon r¶le de prédicatrice.
Quotidiennement, les dévots nous enseignaient, et ceci bien appuyé par leur maître spirituel, que toute personne ne pratiquant pas le service de dévotion envers Dieu était nuisible pour notre évolution spirituelle. Et dans un même ordre d'idée, qu'il était nécessaire de chanter seize tours de chapelets par jour (notre chapelet contenait û08 grains et sur chacun d'entre eux, nous récitions notre prière : Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare ) sans quoi nous risquions de perdre notre vision spirituelle, notre force et de "tomber dans Maya". C'est à dire se perdre dans l'illusion de ce monde; l'illusion étant synonyme de désir de jouissance séparé de toute volonté de servir Dieu.
Nous ne devions cultiver de liens intimes avec aucune personne extérieure à notre mouvement de même qu'avec notre famille. Et c'est ainsi et bien que leurs propres références scripturaires ne l'enseignaient point, que ce mouvement s'est sectarisé et a perdu toute sa crédibilité.
De par l'intensité de notre pratique spirituelle, (nous ne dormions que 6 heures par jour), nous nous sentions comme baignés et euphorisés de cette atmosphère emplie de prières, de chants dévotionnels, et notre personnalité en finissait par se modeler à l'image de la "pure dévotion". J'en oubliais toutes ses réalités et dimensions bien plus vastes et profondes. Je m'étais sans le savoir coupée du monde et lentement laissée enveloppée dans ce petit cocon bien douillet et sécurisant.
A l'âge de 2û ans, deux ans après mon entrée dans ce mouvement et lors du départ de notre gourou national (Bhagavan), il me fut présentée cette alternative :
Soit je me mariais et ainsi je pouvais continuer mon activité de prédication avec ce nouveau collaborateur, soit j'étais alors obligé de rester dans le temple confiné à des activités dévotionnelles mais sans aucun contact avec l'extérieur.
J'optais pour ce premier choix sans avoir pourtant aucun amour pour l'homme que l'on me présenta mais uniquement du respect de par la dimension spirituelle qu'il représentait à mes yeux. Après un an de collaboration, j'acceptais de me marier avec cet homme emplie de l'image de l'épouse modèle de la tradition hindoue, chaste et soumise à son mari et je m'efforèais de suivre cet exemple.
Notre philosophie nous interdisant l'utilisation de contraceptifs et bien que peu désireuse de m'unir avec cet homme, je dus accepter de lui deux enfants et délaisser peu à peu toute activité de prédication. Je n'étais pas pleinement heureuse avec mon mari mais prenant refuge dans ma pratique spirituelle, je continuais à penser que seuls l'amour et la dévotion pour Dieu étaient essentiels et que je devais assumer jusqu'au bout mon r¶le d'épouse et de mère "parfaite".
Vers l'âge de vingt six ans, au fur et à mesure que mes enfants grandissaient, je commenèais à entrouvrir les yeux et à comprendre que ma famille ne pourrait s'épanouir si l'on perpétuait nos activités de prédication et nos déplacements continuels. Il n'était pas possible de concilier vie de famille et prédication, cette activité ne pouvant être accomplie parfaitement qu'avec une conscience sereine et libre de toute obligation familiale et de dépendance financière.
Je mis donc mon mari devant cette résolution et lui demandais de partir nous installer dans une grande ville et d'y chercher ensuite une activité professionnelle stable.
Nous avons donc emménagé à Tours et mon mari pris des cours à l'université de remise à niveau afin de passer un dipl¶me qui donnait l'équivalent du baccalauréat. Cependant bien vite, il devenait évident que nous n'étions pas fait l'un pour l'autre, notre union ne se basant que sur des affinités d'ordre spirituel, il était difficile de perpétuer cette comédie.
Nous avons donc décidé d'entamer une démarche thérapeutique afin que chacun puisse se retrouver, reprendre racine dans ce monde. Une autre démarche qui me fut très profitable fut de me faire masser par une femme expérimentée.
Les austérités, la dédication à la prière et aux services rendus à Dieu m'avaient coupée du monde mais aussi de mon corps qui ne représentait à mes yeux qu'une enveloppe de matière, un véhicule pour évoluer sur cette Terre.
Le massage m'a permis de me réunifier avec mon corps, de retrouver l'équilibre et l'harmonie. Je me suis réconciliée avec ma véritable identité en tant que femme, ma capacité d'affirmation et acquis une compréhension plus juste et réaliste de ma situation.
Je pris conscience qu'il fallait trouver un équilibre entre ses aspirations d'ordre spirituelles et matérielles, qu'il fallait arrêter de souffrir en acceptant tout de l'autre, des autres et rien pour moi-même.
C'est ainsi que j'ai pu prendre la décision de me séparer de mon mari, de reconnaître enfin que je n'étais pas à ma place et que nous ne pouvions trouver le bonheur ensemble.
Toutes ses années passées, tout l'amour que j'ai pu lui prodiguer n'étaient que le reflet du devoir d'épouse que je m'étais assigné, d'honorer cette femme modèle, soumise et dévouée que louait les écritures védiques et que pr¶nait notre gourou.
Cette séparation, à l'âge de 27 ans, m'a permis de me reprendre en main, et de me resituer professionnellement. J'ai suivi un stage de formation pendant un an ce qui m'a permis de réapprendre à vivre avec des personnes sans aucune implication d'ordre spirituel et de développer avec celles-ci des liens amicaux et d'entraide dans le travail. Cette expérience m'obligea à refaire surface, à reprendre confiance en moi et me forger une nouvelle identité sociale.
Je ne veux nullement par ce témoignage condamner toute recherche spirituelle, mais mettre en évidence le danger de certaines communautés qui, sous prétexte de posséder des enseignements riches de connaissance et de pureté, créent des structures internes ne permettant pas réellement à l'individu de s'épanouir en pratiquant sa foi et en l'écartant de ses propres responsabilités et du contexte social dans lequel il vit.
La sagesse et la foi ne peuvent être réellement réalisées et intégrées que lorsque l'on a toute sa vie durant vécu parmi les hommes et accepté toutes les joies et les peines qu'elle nous offre.
Et je citerai pour conclure ce message reèu par un médium lors d'une séance spirite : "Accomplissez votre tâche, qu'elle soit modeste ou élevée; sachez que tout effort porte en lui sa récompense et que vous serez jugés autant pour votre travail accompli avec votre coeur, votre esprit, votre amour, même si la réussite n'a pas couronné entièrement vos efforts. "
Sandrine 29 ans
L'exemple de Sandrine est exceptionnel, très peu de dévots osent clamer de telles positions après être sorti de la secte depuis deux ans.
TEA OR ME ! (le thé ou moi)
Peut-être comprendra-t-on un peu mieux la misogynie du Swami si l'on découvre les conditions de son propre mariage, la faillite matrimoniale qu'il a transmis à ses disciples prendra alors toute sa signification. (on comprendra aussi son aversion pour le thé)
Swami Prabhupâda est né dans une famille de vaishnava (dévots de Vishnou) traditionnels, à Calcutta au Bengale. Son père était marchand de tissus et il éleva son fils dans les préceptes strictes de la conscience de Krishna. Lorsque celui-ci fût en âge de se marier, le choix porta sur deux jeunes filles, Prabhupâda préférait une des deux, mais son père lui conseilla d'épouser l'autre. "Si tu prends celle qui te plait le moins, tu auras moins de mal à te détacher d'elle" lui dit-il.
Pour le vishnouïte, l'idéal de l'existence est de renoncer à la vie de famille dans ses vieux jours afin de devenir moine sannyasi comme on l'a vu plus haut.
Effectivement, Prabhupâda s'entendait assez moyennement avec sa femme, voici comment vers l'âge de cinquante ans il en vint à la quitter pour se rendre à Vrindâvan, le lieu de naissance de Krishna et y vivre en moine. (ces faits sont rapportés dans la Biographie officielle du Swami, écrite par son disciple Satsvarupa Goswami.) Un jour Prabhupâda en rentrant chez lui ne trouva plus son exemplaire du Shrimad Bhâgavatam (un texte sacré relatant la vie de Krishna). "ùas-tu mis mon livre ? " demande-t-il alors à sa femme, "je l'ai vendu au marché pour m'acheter du thé." "Maintenant s'en est assez, il faut que tu choisisses, c'est le thé ou c'est moi." "Alors c'est le thé." lui répond-elle. Prabhupâda prit ses affaires et parti pour ne plus jamais revenir, il prit l'ordre du renoncement et devint Swami, ce qui en Inde équivaut à une mort sociale. Un sannyasi ne doit jamais revoir sa femme ou ses enfants.
(référence dans A lifetime in preparation)
Prabhupada va alors vivre dans la plus grande simplicité, se consacrant à la traduction du Bhagavat Pourana en anglais. Il ne partira pour les Etats-Unis que vingt ans plus tard.
Les dévots de Krishna et la famille
Au dos de l'édition de la Bhâgavad Gîta des Editions Bhâktivedanta figure une citation d'André Malraux qui n'a sans doute pas été choisie à dessein, mais qui (selon le principe de la psychanalyse) doit malgré tout être considérée comme hautement significative :
" La Bhâgavad Gîtâ, ce sont des paroles divines .... L'action est nécessaire, car il faut que les desseins divins s'accomplissent: ce n'est pas toi qui va tuer tes parents, dit Krishna à Arjuna, c'est moi. Et l'action est purifiée de la vie, si l'homme est en communion suffisante avec Dieu pour la lui dédier comme un sacrifice."
"...Mais si les attaches familiales font obstacle au progrès spirituel, il ne faut pas hésiter à les trancher. Il faut être prêt, comme Arjuna, à tout sacrifier pour réaliser, ou servir Krishna. Arjuna ne voulait pas tuer les membres de sa famille, mais lorsqu'il comprit que ceux-ci constituaient un obstacle à sa réalisation de Krishna, il suivit Ses instructions et livra bataille, les extermina tous."
Bhagavad-Gîtâ telle qu'elle est XVIII-8-û2
Comme toutes les sectes, le mouvement Hare Krishna ne se contente pas d'encourager la rupture avec l'environnement familial, il va jusqu'à en faire une condition incontournable au ralliement du nouvel adepte. Tout le discours des recruteurs va dans ce sens, au bout d'un moment, il devient clair pour le postulant qu'il doit choisir entre la famille d'origine et la famille sectaire. Cette dernière cultivant jalousie et possessivité à l'extrême, elle laisse clairement entendre qu'on est soit "avec elle, soit contre elle".
"...Le bhakta remplit d'un coup toutes ses obligations par le fait qu'il sert Dieu, la Personne Suprême."
Bhagavad-Gîtâ telle qu'elle est I,42
C'est là un point de philosophie que les dévots de Krishna utilisent à outrance : "si vous servez Dieu, la Cause de toutes les causes; vous satisfaisez toutes les autres obligations par nature inférieures. Quittez donc votre femme et vos enfants qui sont un obstacle sur la voie spirituelle, laissez là vos études et vos parents qui ne sont que de grossiers matérialistes et venez servir Dieu avec nous." Il y a bien sûr des exceptions, si quelqu'un gagne beaucoup d'argent, on va l'encourager à continuer dans cette voie en donnant le plus gros de ses revenus à la secte.
En mariant ses disciples, Prabhupada voulait s'assurer la pérennité de son mouvement. A court terme, en enrayant les défections des célibataires. A moyen et à long terme, en favorisant l'expansion démographique. Il est par ce fait en contradiction avec le système indien. En Inde, seuls des célibataires chastes vivent à l'ashram du maître spirituel. La nécessité de marier les adeptes entre eux provient du fait que la coupure avec le reste du monde est tellement marquée qu'il leur serait impossible de procéder autrement. De plus, les laisser se marier avec des non adeptes ferait courir le risque de les perdre.
......
L'ORDRE DU RENONCEMENT , le sannyasa chez les dévots de Krishna
J'ai eu l'occasion de parler plus haut du Sannyasa, l'ordre du renoncement. La société védique en plus des quatre castes, les varnas; subdivise les phases de l'existence de l'homme en quatre périodes distinctes appelées ashramas. La première qui correspond à l'enfance et l'adolescence se nomme brahmacharya, le jeune vishnouite, se livre à l'étude des préceptes des textes sacrés et vit sous la tutelle du gourou une vie de stricte célibat.
Puis vient le Grihasta ashrama, le disciple s' il le désire peut se marier selon les directives du gourou tout en continuant à suivre les principes restrictifs du bhakti-yoga qui lui impose la chasteté en dehors des périodes de fécondation de son épouse.
Puis vient la phase de vanaprastha: vers la cinquantaine, quand les enfants sont grands, les époux font voeu de chasteté et voyagent ensemble dans les lieux saints de l'Inde.
Enfin, étape ultime dans le cheminement spirituelle qui mène à la libération du cycle des morts et des renaissances (samsara), le sannyasa. L'homme qui adopte cet ashrama doit alors se conformer à un ensemble de règles très strictes dont bien sûr la chasteté absolue et nombres d'austérités très sévères. Il existe d'ailleurs différents stades d'évolution dans le sannyasa, allant de l'ermite à l'anachorète (le moine mendiant). En contrepartie, bien que cela ne soit pas censé être recherché par le postulant, le sannyasa ou swami jouit en Inde d'un prestige immense. On le reconnaît grâce à sa robe safran et son danda (bâton de pèlerin). En Inde quiconque porte le safran appartient à l'un des deux ordres chastes (bramachari ou Sannyasa) et la population se montre très déférente à son égard. Lors de mon voyage en Inde, je portais l'habit safran et j'ai pu voir des indiens se prosterner devant moi.
En Inde ces distinctions correspondent à des traditions millénaires et elles sont donc l'objet d'un immense respect. Les dirigeants du mouvement Hare Krishna l'ont bien compris et chacun d'eux pu vite expérimenter ce qu'à mon petit niveau, j'avais moi-même ressenti. Quiconque désire marcher sur le sentier de la spiritualité devrait se tenir soigneusement à l'écart de la tentation que procure pouvoir et prestige. Pour nos cadres dévots, c'est différent, ils acceptent le sannyasa pour mieux servir Krishna car, nous disent-ils, quand on a cette position prestigieuse, on est mieux écouté. Il ne leur vient pas à l'esprit que le respect se commande mais ne s'impose pas.
Rechercher le respect, s'est déjà être à c¶té de la plaque; le rechercher par autre chose que des qualités intérieures, en l'occurrence, la position sociale c'est faire montre d'un matérialisme outrancier. Mais nos "dévots" ne sont pas à un paradoxe près. Malheureusement , le jeu a t¶t fait de tourner à la mascarade et le prestige de l'ordre, comme on le verra dans ce qui suit en a pris un très sérieux coup depuis qu'ils ont, dans leur grande magnanimité décidé de l'adopter pour le service de Krishna.
Les sannyasis du mouvement se parent du titre de "Sa Sainteté". Dr¶les de saintetés en effet quand on sait que dans l'institution, le "renonèant" est celui qui jouit du plus grand pouvoir, dispose du plus d'argent, mange la meilleur nourriture etc... Dans le milieu des années quatre-vingt, le taux de défection des moines sannyasis devint si alarmant que le G.B.C. pris la décision de ne plus accorder le titre à quiconque n'aurait pas atteint l'âge minimum de cinquante ans.
Quelque chose qui frappe l'observateur, c'est le fait que Prabhupada impose à ses jeunes disciples ce que lui-même n'a pas accompli. Il fut père de famille et eut de nombreux enfants. (il recommandait d'ailleurs à ses disciples de n'avoir pas plus de deux enfants afin de rester disponible pour le mouvement. Injonction difficile à suivre quand toute contraception est prohibée.) Mais Prabhupada confère le sannyasa à de nombreux très jeunes disciples qui ne pourront pas pour la plupart tenir leurs voeux. (certains se suicideront). Or on sait que lui-même ne prit sannyasa quà l'âge de cinquante ans. Est-ce là l'illustration du "Faîtes ce que je dis, pas ce que je fais".
Prabhupada ne veut pas être dérangé par les problèmes matrimoniaux, alors il s'entoure de Sannyasis. Il contraint ses jeunes disciples au renoncement. Peu importe que les quatres cinquièmes aillent à l'échec, avec tout ce que cela implique de souffrance personnelle. Peu importe qu'ils deviennent des frustrés qui décompensent dans leur pouvoir sur les autres. On ne peut pas préter une grande clairvoyance sur ce point à Prabhupada. Il semble qu'il ait trop misé sur la force des apparences, sur l'euphorie des premiers temps.
Le sannyasa est une épreuve très rude et censée être sans retour. Même les indiens ne s'y aventurent pas inconsidérément. Comment de jeunes occidentaux, qui plus est issus pour la plupart de la culture "hyppie" et de la libération sexuelle auraient-ils pu vivre un tel degré de renoncement. Les conséquences ont été facheuses, pour les individus comme pour le mouvement. De plus, l'activisme acharné de Prabhupada, qui débouche sur le mercantilisme qu'on connait amène graduellement des valeurs qui sont à l'opposé du renoncement et de la chasteté. Il faut toujours plus d'argent pour bâtir les temples, imprimer les livres, il faut recruter. En û975 Prabhupada lancera le fameux "double it" qui emballera encore la machine. (Les dévots lui annoncent des scores extraordinaires de vente de livres, il demande de les doubler)
Nos Swamis se retrouvent avec de l'argent en paquets, des grosses voitures (pour le service de Krishna), des châteaux dans le monde entier, des femmes à leurs pieds, des objectifs de rendement à tenir. Qu'on ne s'étonne pas que la chasteté leur soit devenue insupportable. Mais ont-ils fait autre chose que suivre l'exemple de leur gourou ?
LA SANTE chez les dévots de Krishna
" Nous ne dépensons guère en frais médicaux. Au cours des sept dernières années, en ce qui me concerne, je n'ai pas consulté un seul médecin. Et en général, nos étudiants ne souffrent pas de désordres physiques."
"Oui, c'est là le but du mouvement pour la Conscience de Krishna. Celui qui s'élève à la Conscience de Krishna voit ses problèmes disparaître tout naturellement, qu'ils soient d'ordre physique, mental ou intellectuel".
Swami Prabhupada Solutions pour un âge de fer p. 52
.... Voir mon histoire...
Environ à la même période, un de mes condisciples, Prasanatma était atteint d'une terrible furonculose sur tout le corps. Plus tard, Charanambhuja souffrait de tuberculose. Je ne parle pas de ceux qui rentraient de l'Inde atteints par la malaria, ou comme Bhagavan par la typhoïde (il faillit en mourir). Je ne parle pas de ceux nombreux, qui sont morts dans des accidents de voiture pour s'être endormis. J'en connais au moins trois pour la France et on m'a cité d'autres cas en divers pays. Je ne parle pas de cette dévote atteinte d'un cancer qui a refusé la "médecine hallopatique" jusqu'à sa mort et qui passe désormais pour une sainte. Ni des enfants qui furent gravement brûlés dans les cuisines comme je le fus moi-même. Ni de cet autre adepte du jeûne à outrance atteint d'une grave septicémie qui faillit lui coûter une jambe.
Je vous parlerai par contre de quelques cas de dépressions qui conduisirent à l'hospitalisation et également au suicide.
û98û H¶tel d'Argenson : Une jeune fille qui vivait au temple depuis une semaine se jette par la fenêtre du troisième étage. Elle se tue sur les pavés de la cour. Personne n'avait vu qu'elle était dépressive. On ne retient pourtant aucune responsabilité aux dévots, l'invitée était là depuis trop peu de temps.
A la même époque, un dévot étranger de passage à Paris est retrouvé mort d'overdose dans une chambre d'h¶tel. L'affaire est classée.
Propos recueillis en février û996 : Un couple de dévots est mort d'overdose il y a deux ans. Avant de venir vivre à la communauté d'Oublaisse, ils se piquaient quotidiennement. Ils ont accepté d'abandonner leurs habitudes et se sont joint à la communauté. Mais ils avaient besoin d'un substitut car ils souffraient de manque. Ils se faisaient donc prescrire de la méthadone qu'ils allaient chercher à la pharmacie. Les dirigeants de la communauté se sont offusqués de ce qu'ils ne se contentent pas du seul service de dévotion pour dépasser leur demande. Il fut donc décidé de les renvoyer de la communauté. Quelques semaines plus tard, on les trouva tous les deux morts d'overdose à quelque temps d'intervalle. Ils laissaient deux orphelins.
Début février û996 : Jayadeva, un ancien disciple de la communauté d'Oublaisse (Indre) est décédé à la suite d'une intoxication dûe à un chauffage d'appoint. Depuis quelques mois, le château a été interdit comme lieu d'hébergement par la commission de sécurité du département. Les dévots utilisent donc pour dormir un grand bâtiment appellé l'h¶tellerie.
Cet endroit est très mal chauffé, aussi les habitants sont-ils obligés d'avoir recours à des chauffages d'appoints. Malheureusement, les responsables n'ont édicté aucune norme en matière d'appareils. C'est ainsi que Jayadeva est décédé en se chauffant avec un camping gaz....
Propos recueillis en février û996 : J'ai rencontré un dévot qui vit depuis plus de dix ans dans le mouvement. Il est marié depuis quelques années et se sent considérablement frustré, il projète d'aller habiter dans le sud avec sa femme. A l'écouter, les conditions sanitaires sont extrêmement déplorables. La plupart des dévots souffrent de maladies tropicales, paludisme et malaria contractées lors de voyages en Inde. (assimilés aux vacances) Il me dit que les enfants de la communauté d'Oublaisse souffrent de carences à cause de la malnutrition. Au temple de Paris, certaines dévotes sont littéralement exploitées par le couple de dirigeants. Elles se lèvent à trois heures du matin et doivent aller collecter toute la journée, jour après jour, sans répit. Les choses n'ont pas changé, malgré les dires du responsable des relations extérieures : Vaïkuntha priya. (Le dévot qui me fait ces confidences se rend compte de l'impasse sociale et professionnelle dans laquelle il se trouve. Il y a û2 ans, on lui a dit qu'il devait arrêter ses études de médecine pour se consacrer pleinement au mouvement.)
Propos receuilli en 96
"- Non, vraiment, je ne trouve rien à reprocher au mouvement maintenant que j'en suis sorti. Ha si! Juste une petite chose. Quand mon père est tombé malade, je ne suis pas allé le voir à l'h¶pital, après il s'est suicidé. (Son frêre s'est également suicidé après avoir vécu 5 ans dans la secte.)
- Ecoutes, lui dis-je, es-tu vraiment sûr que ce soit une petite chose?
Hiver û980 Domaine d'Oublaisse, Luèay le Mâle
Une jeune femme qui a rejoint la communauté depuis quelques mois vit seule avec son bébé dans une cabane de chantier. Elle a un poÙle à bois pour chauffer les û5 ou 20 m2. Elle doit fournir beaucoup d'heures de service pour faire accepter sa présence. Son enfant est souvent laissé seul dans la cabane qui un jour prend feu. L'enfant est retrouvé carbonisé. Les dévots lui annoncent dans l'oraison que c'est une grande chance pour cet enfant d'être mort sur une terre sacrée. Il a désormais acquis une meilleure naissance.
(un cas similaire se produisit en Italie à la même époque, dans une caravane cette fois).
Morts en voiture à la suite d'endormissement:
Deux dévots en 8û entre Châteauroux et Luèay le Mâle.
Une dévote collectrice en û983 en Belgique.
Nombreux cas aux USAs.
Début des années 80.
Deux enfants sont retrouvés étouffés dans un vieux congélateur à la Nouvelle Vrindavan en Virginie Occidentale.
La Névrose chez Krishna
" Les gens sensibles aux superstitions, ou excessivement scrupuleux, ou trop soucieux d'ordre et de logique sont des obsessionnels légers. D'ailleurs, la névrose obsessionnelle, même dans ses formes sérieuses s'accompagne souvent de grands dons intellectuels et de qualités morales."
O. Mannoni
"Alors le délire présente pour les sujets un bénéfice. Lorsque le délire fait moins peur que le non délire, la personne a intérêt à délirer, même si ce bénéfice "se réalise aux dépens de l'adaptation sociale" du sujet."
Claude Olivenstein
On touche là un aspect très intéressant et je m'attacherai par la suite à l'étude de la dimension névrotique du phénomène sectaire (voir les ouvrages de Max Bouderlique sur la question). On doit cependant reconnaître que la difficulté est grande d'isoler des cas clairement pathologiques chez les dévots de krishna étant donné leur refus de tout recours à la psychothérapie. Pour eux, Freud et ses disciples sont des démons majeurs, au moins autant que Darwin, Simone Veil ou les francs maèons. Lorsque je fûs moi-même à vingt et un an victime d'une grave dépression , les dévots ne trouvèrent rien de mieux que de se livrer à un rituel de désenvoutement. (pour eux, j'étais possédé par un fant¶me). Les seuls cas répertoriables sont donc ceux qui sont suffisamment graves pour nécessiter une hospitalisation d'urgence.
Il convient de reconnaître également que la démarche sectaire et "monastique" répond pratiquement depuis toujours à un besoin de canaliser ou de structurer les individus névrotiques. On peut dans bien des cas parler de névroses collectives et de délires paranoïaques organisés.
Essayons de relever les sympt¶mes qui indiquent un terrain névrotique :
- Le surmenage systématique, les jeunes dévots s'inflige une activité continuelle.
- L'associabilité prononcée.
- Dans certains cas, l'irritabilité extrême et l'agressivité. (ex: Adishekhara)
- La diabolisation de toute alimentation non conforme.
- La diabolisation de la vie sexuelle.
- Le refus du vrai dialogue.
- "le délire d'enthousiasme".
- Le rituel de conjuration.
- L'obsession de la propreté.
- L'extrême rigidité affective.
- Le goût du martyr.
- ......
La névrose de persécution : il est facile d'être un martyr !
" Le christianisme a fait de l'immense désir de suicide qui régnait au temps de sa naissance le levier même de sa puissance : tandis qu'il interdisait de faèon terrible toutes autres formes de suicide, il n'en laissa subsister que deux qu'il revêtit de la suprême dignité et qu'il enveloppa de suprêmes espoirs : le martyr et la lente mise à mort par soi-même de l'ascète."
Nietzshe Le gai savoir
Un enfant ayant vécu le rejet et la persécution tend inconsciemment à l'âge adulte à reproduire les mêmes schémas. Il va chercher un groupe qui nourrit le même type de complexe et qui correspond à ses affinités. Le persécuté vit dans la fuite en avant, ce type de profil nourrit souvent des tendances suicidaires. Le groupe entretient l'antagonisme avec le reste de la société par divers moyens. Choix idéologiques, mode de vie (mormon et polygamie...) Il cultive la provocation à outrance. Le but recherché étant le martyr. Les groupes "persécutés" camouflent leur désir de suicide derrière les idéologies rédemptrices (métempsychose....).
Dans le passé, les sectes hérétiques étaient systématiquement persécutées et le martyr constituait souvent l'aboutissement de l'engagement dans ces minorités. De nos jours, la société tolère toute forme d'opinion religieuse ou philosophique, les sectes ne peuvent donc plus compter sur la répression sociale. Elles vont donc nourrir la tendance suicidaire par des délires collectifs comme dans "l'Ordre du Temple solaire" qui parlait de transit, on se suicide pour quitter cette enveloppe terrestre afin de se réincarner sur une autre planète.
- relation entre bouc émissaire et martyr.
- accès à l'identité sociale post-mortem et à la gloire.
- la tension du persécuté le fait survivre.
- rapport à l'autorité.
- Le groupe met en haut de sa pyramide les individus qui se conforment le plus à ce modèle.
QUAND LA MYTHOLOGIE DEVIENT LA REALITE
Fais mourir les certitudes d'hier,
Foules les aux pieds comme autant de cailloux
sur le chemin du pèlerin.
Ris toi des mythes construits du rêve des hommes.
Chevauches tes propres rêves
Et tentes de dompter le dragon.
Il est un ami bien effrayant.
Depuis toujours l'homme a éprouvé le besoin de se bâtir des univers mentaux. La fonction mythologique a été largement étudiée par des spécialistes comme Georges Dumézil, ou Mircea Eliade, je parle là surtout des mythologies orientales car en ce qui concerne les mythologies grecques et romaines, elles font tellement partie intégrante de notre paysage culturel que la question ne se pose pas de leur attribuer une dimension qu'elle ne revendiquent plus depuis bien longtemps.
Il est semble-t-il évident qu'en matière religieuse, d'autres mythologies se soient substituées à elles, la plus connue étant la chrétienne. Tout comme dans le cas qui nous préoccupe avec la tradition indienne, bien que fondée sur des événements historiques, il paraît évident que le christianisme ait très t¶t élaboré une mythologie qui lui est propre, qui répond à certains besoins de l'humanité et du clergé, et qui , selon moi, nous éloigne certainement des intentions premières de celui qui fût à son origine, Jésus Christ. Il s'agit bien sûr d'un vaste débat que je ne prétendrai pas résoudre en quelques phrases. D'autres, bien plus compétents s'y sont déjà penché. Pour ma part j'ai tendance à penser que le dogme catholique conduit souvent à l'opposé du "sermon sur la montagne."
La Bhâgavad Gîtâ que nous avons déjà citée est tiré du Mahabhârata, un ensemble épique sanskrit extrêmement volumineux (20 fois la bible) qui constitue le fondement de toute la culture indienne. Il relate la vie des Pandâvas, cinq frères de sang royal et cousins du grand Krishna.
Voici ce que dit Madeleine Biardeau dans son introduction au Mahâbhârata :
" Redoutable entreprise que de présenter au public franèais ou francophone un texte aussi fondamental pour la conscience hindoue que le Mahâbhârata. Redoutable à plus d'un titre, comme le reste de ce volume le prouvera, mais la première difficulté est que, pour l'exposer avec le secours des méthodes contemporaines d'analyse des textes, on est obligé d'ignorer tout ce que les savants indiens d'aujourd'hui publient à tour de bras sur le sujet. Dans le cadre du présent travail, un mot de justification suffit : l'alternative "mythe ou réalité" ùs'enferment les indiens tombe d'elle même, parce que les plus convaincus parmi eux de la valeur "historique" du texte savent que l'événement de départ n'a pu être que minuscule par rapport au poème tel qu'il nous est parvenu. Le fait historique n'est donc pas ce qui importe, mais la signification qu'il revêt, et cela même pour la conscience indienne. On n'en est que plus à l'aise pour s'installer dans la conviction qu'il s'agit d'un mythe, extraordinairement complexe et bien construit, chargé d'exprimer un message essentiel et qui n'a cessé d'être perèu comme tel à travers les siècles."
Cet avis d'une des plus grandes spécialistes de l'Inde ancienne souligne bien la difficulté majeure que rencontre l'esprit occidental, s'il vient à approcher un indien traditionaliste. Les savants indiens débattent éternellement pour savoir si le texte est mythique ou historique. Pour Swami Prabhupâda, tout dans les textes védiques doit être pris à la lettre. Devenir disciple du Swami, c'est accepter d'entrer dans un univers mental ou le mythe empiète tellement sur la "réalité" que cette dernière lui devient très largement subordonnée. Ce phénomène est exceptionnel, étonnant et inquiétant à la fois.
La vie des dévots de Krishna est ponctuée de toutes les célébrations vishnouïtes traditionnelles. Le nombre de jours ch¶més par nos dévots est impressionnant et le temps passé en festivals de toutes sortes ne l'est pas moins. Cela commence bien sûr par le Janmastami, l'anniversaire de Krishna, puis celui de tous les grands sages de la tradition, tous les avâtâras (les manifestations de Vishnou). Je me souviens très bien d'un des premiers jours que j'ai passé dans un des temples des dévots de Krishna à Paris, on célébrait ce jour là la naissance de Vârâha, l'avâtâra sanglier.
Il y a des millions d'années, Vishnou serait venu sauver la planète Terre qui était tombée dans le bourbier fangeux qui existe au "bas" de l'univers. Pour retrouver une boule dans la boue, quoi de plus approprié qu'un sanglier. Vishnou prit donc la forme d'un gigantesque sanglier et alla repêcher dame Terre truffe.
J'écoutais ce récit avec un sourire aux lèvres, j'étais fasciné par la verve d'HariVilas, un arménien costaud qui ne manquait pas d'humour et nous dépeignait la scène avec forces blagues. Il me semblait qu'il prenait un malin plaisir à provoquer nos intelligences cartésiennes, il me donnait l'impression de ne pas être dupe. Mais il prenait un plaisir immense à raconter ce "divertissement". Je me disais qu'il nous parlait de réalité se déroulant sur le plan cosmique et j'opérais une transposition qui satisfaisait mon intelligence.
J'avais glissé dans un autre monde, désormais j'acceptais la règle du jeu. La question dans le fond n'était pas de croire ou de ne pas croire, mais bien de jouir du récit. J'y étais bien, comme on est bien dans un rêve. Le rêve a sa réalité propre, on le vit autant que la "réalité" n'est-ce pas? Maintenant qu'elle est le lien entre le rêve et la réalité ? Le mythe est le rêve collectif. Il faut des gens pour l'entretenir, comme il fallait un gardien du feu à l'entrée des cavernes préhistoriques. Vous pensez que je fais la comparaison à dessein? En fait j'ai toujours cru que les hommes des cavernes étaient des chamans au savoir époustouflant. Des yogis à la sagesse inégalée par notre pauvre science moderne.
Vous savez, on dit que Leibnsitz a pensé les mathématiques binaires après avoir découvert la notion de Ying et de Yang dans le Yi- King, un traité chinois millénaire. Sans les mathématiques binaires, l'informatique ne voyait pas le jour. Et sans l'informatique, je ne serais pas en train de taper ce texte sur mon ordinateur.
Mais revenons aux gardiens du feu. Nous devions entretenir le feu de ce rêve cosmique en devenant des brahmanes, des dévots du Seigneur. Quelques semaines plus tard, c'était la célébration de Rama, un autre avâtâra de Vishnou, la fête durait toute la journée et une partie de la nuit. Chants, récits du Râmayana, festins, pièces de théâtre se succédaient. Nous avions l'impression d'être embarqué à bord d'un vaisseau spatial qui nous emmenait vers les "planètes Vaïkhuntas", les demeures de Vishnou.
Une chose indéniable et que l'on doit accorder à Prabhupâda: il nous a permis de plonger corps et biens au sein d'une culture ancestrale qui remonte à la nuit des temps et nous a donné d'expérimenter cette espèce de conscience chamanique qui nous permettait de nous noyer dans le rêve archétypal primordial. Dommage que le rêve ait ensuite tourné au cauchemar pour beaucoup d'entre nous. Mais on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs.
Une telle expérience, transposer une culture traditionnelle, née sur le sous-continent indien il y a environ 5000 ans, avec un modèle missionnaire, était absolument sans précédent. Est-ce que le choc culturel des premiers adeptes est à la mesure de ce qu'on put vivre les indiens d'Amérique du Sud face à "l'enthousiasme" des missionnaires chrétiens. La parallèle mérite réflexion, elle semble se poursuivre également dans la réaction de rejets de nos cultures occidentales par le monde moyen oriental et africain. Est-ce la ranèon du modernisme ou la revanche de cultures orientales qui se sont senties agressées en leur temps par l'impérialisme européen ? N'oublions pas que Swami Prabhupâda est né en û886, qu'il a vécu sous la domination anglaise et a milité dans sa jeunesse dans le mouvement de libération du Mahatma Gandhi. Ce désir de "revanche" me semble sous-jacent dans toute la prédication du Swami. Lorsqu'on écoute ses discours et ses conversations, on est frappé par le ton vindicatif qu'il emploie en permanence à l'égard des tenants de la culture occidentale, qu'ils soient scientifiques, politiciens ou religieux. On a l'impression également que vu son âge et ses origines bengali, la société urbaine et super-mécanisée dans laquelle il est contraint d'évoluer, lui fait subir une agression de tous les instants.
En fait, il suffit de s'imaginer que Prabhupâda a quitté le petit village de Vrindâvana dans le nord de l'Inde ùil vivait une existence paisible de méditation et d'écriture, pour atterrir à New-York et on peut comprendre l'ampleur du choc qu'il lui fallut intégrer.
Moi-même, qui suis habitué aux métropoles européennes, je me suis senti passablement déstabilisé lorsque je suis allé à New-York pour la première fois. Les grandes villes américaines sont des délires de béton qui peuvent susciter la crainte chez un vieil indien de soixante dix ans. Dans les rues de Manhattan, il faut renverser la tête en arrière jusqu'à ce faire mal à la nuque pour apercevoir un morceau de ciel bleu, on est vite pris d'angoisses. Quand au métro... , aux embouteillages ...., à la violence environnante .
De plus, à l'époque, la jeunesse américaine est en déphasage complet avec la société qui l'a fait naître. Elle se révolte contre la guerre du Vietnam, vit l'angoisse de la guerre froide et part à la dérive dans le dérèglement des sens le plus anarchique. Les jeunes qui viennent à Prabhupâda sont souvent dans un tel état de délabrement, qu'on peut comprendre bien des attitudes du Swami en cette fin des années soixante. Il sent qu'il leur faut un électrochoc pour les sortir de leur torpeur. Avec les meilleurs intentions, semble-t-il, il va mettre en place son mouvement pour opérer le "sauvetage" de cette jeunesse en déroute. Il semble que l'âge et la fatigue aidant, il se laisse déborder par des disciples à l'ambition démesurée qui vont exploiter sans aucun scrupules les succès que la rencontre d'une époque et d'un être exceptionnel ont permis. N'ayant visiblement pas compris l'essence de son enseignement ils vont se livrer à un pillage éhonté.
Prabhupâda a sans doute fait le mieux qu'il pouvait avec ce dont il disposait pour l'époque ùil a oeuvré. Etait-ce "l'abrutissement" de ses premiers disciples qui l'on contraint à adopter le profil autoritaire qu'on est forcé de constater chez lui et qui va d'ailleurs en s'amplifiant au fil des années ? Son paternalisme et son formalisme excessifs expliquent-ils la dérive terrible qu'a connu le mouvement dans les années quatre-vingt ? Le "missionnariat" serait-il à proscrire en bloc ?
Mais dans quelle mesure peut-on interdire à autrui ce qu'on a soi-même pratiqué à outrance ? Ou bien ce même "missionnariat" traduit-il le mouvement naturel d'une vitalité humaine en expansion ? Les océans sont aussi agités de courants qui portent les populations aquatiques sur des distances phénoménales. Aujourd'hui, les humains ne vivent plus confinés derrière des barrières géographiques infranchissables, la rencontre des cultures est inévitable. Le défi c'est de pouvoir les faire cohabiter. Il faut pour cela désamorcer le climat d'antagonisme qui règne de part et d'autre.
Un phénomène frappant et qui se reproduit chez nombre de disciples dans nombre de sectes, c'est celui qui consiste à vouloir être plus royaliste que le roi. Voici une conversation entre Prabhupada et un disciple qui illustre ce fait :
"- disciple - Shrila Prabhupâda, vous avez dit dans le livre de Krishna que la sorcière Poutana qui a voulu tuer Krishna lorsqu'il était enfant, mesurait (après sa mort, parce qu'elle s'était agrandi) û2 kilomètres de long. Or dans le Nectar de la dévotion, vous dites au sujet de la même sorcière qu'elle mesurait vingt kilomètres de long, que doit-on penser ?" (sur un ton très perplexe)
- Prabhupâda -" On doit penser qu'elle était très grande."
Avec le mouvement Hare Krishna, on est aux prises avec une mythologie vieille comme le monde. Certaines sectes modernes créent des mythologies des temps nouveaux à base de science fiction et d'extra-terrestre. Tout cela est bien la preuve que le "besoin mythologique" n'est pas mort. Il recouvre, en plus de sa dimension onirique le besoin de cohésion et de communauté de l'être humain : on se retrouve autour d'un rêve commun, on élabore une symbolique spécifique. On bâtit autour un système de défense. Le mythe devient lié à la part intime de l'être qui le retranscrit dans son environnement par de multiples signes.
La question n'est pas de savoir si l'on doit se passer du mythe, mais jusqu'ùon doit aller pour le préserver. La mythologie indienne est une des plus riches et des plus élaborées de la planète, elle recèle des trésors ùpeut venir se nourrir l'âme occidentale. Jean Claude Carrière et Peter Brook l'ont bien senti pour avoir monté le Mahabharata, après avoir travaillé û0 ans sur le scénario avec d'éminents sanskritistes. Ils témoignent du pouvoir qu'a l'esprit libre d'accéder aux richesses inépuisables de l'héritage traditionnel mondial. Il n'est pas besoin du détour inutile et dangereux par les chemins sectaires pour atteindre les plaines d'un savoir vibrant et millénaire comme celui qu'on peut puiser dans ces vastes cultures orientales, indiennes, tibétaines, soufi etc...
Sans doute faut-il pour s'y aventurer garder nos bons souliers d'occidentaux que sont l'esprit critique et l'esprit d'analyse. Rien n'empêche, une fois préservé cet arrimage, de fleurter, voire de plonger dans la dimension de l'intuition pure, du ressenti intérieur. Mais gardons toujours ces bonnes godasses, pour lorsque pointe le nez d'un gourou verreux, lui en assener un bon coup coup sur la tête (ou dans les dents).
MON HISTOIRE
Cinq heures et demi.
Ce matin, il y a dans l'air des odeurs de nature neuve, le chant des oiseaux résonne plus fort que les camions qui viendront tout à l'heure quand tout s'animera. Je m'imprègne de toutes ces sensations, je médite sur les Saints Noms qui rebondissent sur le trottoir, sur les volets des maisons, sur les toits qui sont comme des couvercles posés sur l'histoire de ces familles endormies. Il est cinq heures, rien ne bouge encore, nous veillons sur le devenir de l'humanité assoupie. J'ai l'impression de flotter sur un nuage de transcendance. Hare Krishna! Hare Krishna! C'est à ces portes que j'irai frapper tout à l'heure pour apporter le message de la Bhagavad-Gita. Il me faut m'emplir de la force des Saints-Noms, Hare Rama! Hare Rama! J'irai leur parler du couple divin. Lui, joue de sa flutte; Elle, déploie ses bénédictions de sa main bienveillante. Hare Krishna, Hare Krishna. Donnez-moi la force; je ne connaîtrai pas la colère, ni la fatigue, ni l'impatience, Hare Rama ! Hare Rama! Je plonge dans l'océan de la force primordiale, Hare Krishna! Je m'ébats dans les eaux de la félicité. Bien être, béatitude, le petit Dieu danse sur ma langue, je sens comme un nectar qui s'écoule dans ma gorge. Dans la journée, même quand je ne chante plus, le nectar continue de couler alors que je vais de porte en porte.
Hare Krishna! le temps suspend son vol, seuls les oiseaux partagent avec moi ce secret, et les arbres aussi.
Hare Rama! la vibration est douce comme le contact des boules de bois de mon chapelet que j'égrene tendrement dans son sac. û08 graines qui défilent entre pouce et majeur.
Hare Krishna! je me suspends au fil divin comme un funambule somnambule.
Il y a des odeurs de chaudières qui donnent à l'air le parfum de la chaleur du foyer et me font oublier le froid de l'automne.
Hare Rama! Hare Rama! Radharani est douce, compagne du Dieu sauvage, son visage rayonne comme l'or en fusion. Je contemple ses pieds pareils au lotus.
Hare Krishna! Hare Krishna! j'ai bient¶t fini mes seize tours de chapelet, cela fait une heure et demi que je récite les Noms, il est six heures, je retourne vers le camion pour écouter la classe du Shrimad Bhagavatam (le prêche du matin). J'accélère le pas, Hare Rama! Hare Rama! "Seigneur donnes moi la force, je ne sais pas encore ce que va nous sortir Adhishekar ce matin."
Pendant la classe, Sankasha sort ses casseroles et prépare le petit déjeuner. Nous sommes assis en tailleur sur le plancher de bois du vieux J7 Peugeot. En dessous, il y a le stock de livres et de disques, nos sacs de couchage et autres affaires personnelles. Pitavas dort la nuit sur les deux sièges avant. Le matin, il se réveille en se plaignant du levier de vitesse qui lui rentre dans les c¶tes. Adishekar commence sa classe :
" Tout ce que les karmis possèdent, ils le volent à Krishna, même l'air qu'ils respirent (les karmis sont ceux qui ne servent pas Krishna). Nous sommes comme les fonctionnaires du gaz, nous venons relever les compteurs et leur donner l'occasion de payer la facture... Oui les karmis vivent dans le vol des énergies divines, il faut tout leur prendre, même leurs dents en or". Seigneur!, je ris. Adishekar est pathétique autant qu'il est dr¶le.... La cuisine de Sankasha nous étouffe désormais, il vient de frire les épices du tchanch, le piment nous dévore les bronches, il faut ouvrir la porte. Il y a tellement de condensation accumulée que le toit du camion est constellé de gouttelettes.
....."Rien ne fait plus plaisir à Krishna que l'on répande ses gloires. En prêchant, nous nous attachons sa reconnaissance éternelle.... Prabhupada, notre maître spirituel nous a sauvé de l'enfer, il nous a réappris à vivre, à manger, à dormir, à travailler. La moindre des choses c'est de lui donner notre vie et de distribuer ses livres.... Nous avons vécu des milliers de vies dans l'ignorance, dans la jouissance et la "gratification des sens". Essayons juste de donner une vie à Krishna". Jaya Prabhupada!! (Gloire à Prabhupada) Il est huit heures, la classe est finie, Prasanatma sort les assiettes et sert le prashadam (la nourriture offerte à Krishna).
Sarira avidya jal!..... nous chantons le bénédicité et nous passons à table, il n'y a pas de table, mais c'est mieux ainsi. Légumes fumants aux épices, riz basmati et chapatis (galettes de blé).
Comme le dit la prière, je mange à satiété; bien souvent au point d'avoir mal au ventre. La matinée devient alors un martyr, je dois lutter contre le sommeil qui me talonne, les désirs qui m'assaillent et me brûlent comme un feu, et le regard des karmis chez qui je sonne et qui doivent sentir mon malaise. J'ai alors l'impression d'être tout nu. Je suis là avec mon crâne rasé, ma robe safran et mes claquettes, je n'ai plus la force de les convaincre, mon ventre me tire vers le bas, mes organes génitaux m'écartèlent. Je sens le désir des femmes qui m'ouvrent leur porte, je sens l'odeur de leur sexe et j'ai l'impression de m'évaporer.
Mais ces jours là, je lutte, et au fil des portes qui passent, de mon estomac qui se vide, la légèreté revient qui confère à mon mental la clarté, à mon verbe la force et quand vient le soir, j'ai vidé mon sac de livres, j'ai vendu tous mes disques, donné tout mon encens et je ramène invariablement une collection de 600 ou 800 francs. Cela fait de moi un bon collecteur et nul ne connaît les combats que je mène contre mon estomac. Nul ne sait que parfois ma semence s'écoule toute seule dans l'étoffe de coton de mon brahman-underwear (slip de brahmane).
Il y a des jours radieux ùla campagne est ma demeure, j'aime y déféquer derrière un buisson, c'est un plaisir unique. Le matin, Adishekar nous dépose à l'entrée du village et nous appliquons la tactique du lézard: suivre les murs et rentrer dans tous les trous. Je sonne à chaque porte, je ne fais pas de différence entre une masure délabrée et une villa opulente. Dans l'une comme dans l'autre se cache une âme à sauver. Quelque soit l'emballage, la surprise est toujours là et le plaisir de découvrir une nouvelle âme conditionnée à qui je vais pouvoir faire entendre la douce vibration qui sauve : " Hare Krishna ! Bonjour madame, nous sommes de jeunes missionnaires de retour de l'Inde et nous avons ramené avec nous un merveilleux disque que nous avons enregistré avec Georges Harisson, tenez..." et là, je lui glisse délicatement le 33 tours entre les mains.
Si elle accepte de le prendre, la moité du travail est fait. Invariablement, quelque soit mon interlocuteur, je répète mon "mantra"(formule sacré au pouvoir hypnotique), je travaille chaque syllabe. J'y mets la même ferveur que lorsque je chante mes tours de chapelet le matin et la même intonation mêlée d'élan et de détachement.
Même si l'on ne m'achète rien, je pense toucher un coeur et le faire vibrer au son de ma "formule sacrée". Je sens la lave de ces coeurs en fusion, je viens les baratter comme un bon cuisinier mystique. Et invariablement, mes flèches portent: dans une maison ùl'on accueille aimablement le jeune missionnaire de û8 ans, ùl'on va chercher le porte monnaie dans la cuisine pour acheter le disque de l'amour pur. Invariablement, je donne alors le livre qui pourra faire exploser une conscience, un jour, dans un, deux, dix, vingt, cinquante ans.
"Ces livres sont des bombes à retardement" disait Adishekar ce matin. Consciencieusement, j'accomplis mon travail de terroriste transcendantal.
"- èa ne m'intéresse pas!
- èa ne fait rien, bonne journée madame, Hare Krishna!"
Les refus ne m'affectent pas, je suis un yogi : " Ephémères, joies et peines, comme été et hiver vont et viennent. Elles ne sont dûes qu'à la rencontre des sens avec la matière, il faut apprendre à les tolérer sans en être affecté."
Toute la journée, je me récite mentalement ce verset de la Bhagavad-Gita. Je commence dès le matin à quatre heures lorsqu'il faut prendre la douche glacée. Et èa marche, je goûte la joie de la non-dualité, c'est le nectar qui coule dans ma gorge. Un jour, j'en parle à Adishekar, il me regarde d'un air incrédule et peut-être un peu jaloux de cette expérience qu'il ne semble pas partager. Mais c'est un bon père, il me répond avec bienveillance quelque chose d'insignifiant.
Les mois s'écoulent ainsi : pendant trois semaines, nous écumons les villes et les villages de Normandie et nous venons passer la quatrième semaine à Paris pour qu'Adishekar puisse voir sa femme et sa fille. Dans l'équipe, nous sommes tous brahmacharis, des moines célibataires habillés en orange. Adishekar lui, notre sankirtan leader, est marié et je sens bien souvent, le combat titanesque que cet homme d'à peine trente ans s'efforce de mener contre ses désirs. Il est sans cesse en colère. Le matin au lever, il ne supporte pas le moindre bruit et si l'un de nous s'avise de demander un tube de dentifrice nous l'entendons hurler : " Je ne veux pas entendre de vibrations matérielles pendant le programme du matin, c'est compris, bande d'abrutis."
Adishekar est un personnage haut en couleurs. De père magrhébin, il a dû grandir dans des quartiers défavorisés ùil a acquis cette combativité qui l'anime. Il a bourlingué dans le monde entier et surtout en Asie ùil a connu sa femme qui est vietnamienne, il paraît qu'il a fait de la prison, mais èa, il ne nous l'a jamais confirmé. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il a été soldat quelque part en extrême orient et qu'il aurait fait des choses pas très claires. Puis, il s'est intéressé au yoga et a rencontré les dévots qui l'ont envoyé à Mayapoura, au Bengale. Là, il a passé un an sous les ordres de Jayapataka Swami, un moine américain gigantesque qui vit là bas depuis û969 et y est devenu une figure locale.
Adishekar a vécu sous la férule du Swami et il entend bien nous transmettre son expérience de l'austérité. Il a de l'amour pour Krishna et Prabhupada, notre maître spirituel, c'est un serviteur dévoué et un de ses grands plaisirs est de nous faire rire aux larmes avant de nous déposer à l'entrée des villages à conquérir. Adishekar est un leader sévère et lorsque nous rentrons à Paris, les autres dévots considérent avec admiration que nous puissions le supporter. C'est un caractériel, mais il est efficace, son équipe compte les meilleurs distributeurs de livres et Bhagavan apprécie ses services. Moi, je me dis que c'est une bénédiction d'être avec lui, de cette faèon, je me purifie plus vite.
La semaine que nous passons à Paris nous change de la campagne Normande. Je vais tirer les sonnettes du c¶té de la place de la Bourse. Toujours suivant la technique du lézard, je passe des bureaux, aux magasins, aux appartements et jusqu'aux chambres de bonnes sous les combles. Comme nous ne pouvons pas rejoindre le camion le midi, je pars le matin avec une caisse de livres que je dépose dans un café. J'ai la sensation de tout connaître de Paris, je découvre chaque recoin. J'aime gravir ces escaliers branlants qui mènent à des greniers énigmatiques et ùchaque détail me parle. Le bois qui craque, les plantes sur les paliers, les vasistas qui donnent sur des océans de toits, les paillassons qui disent bonjour, les plaques de cuivre d'avant la guerre déclinant des noms d'un autre siècle. Ces labyrinthes sont habités d'un silence propice au prolongement de mes méditations. Parfois, j'entends les bruits d'une radio ou d'un animal, parfois, sous les combles, c'est un couple de jeunes qui font l'amour à onze heure du matin, j'envie un peu leurs râles de plaisir. Mais je suis un moine, j'ai fait voeu de chasteté, il y a bien longtemps que je n'ai plus effleuré la hampe de mon sexe dur.
Puis au gré des portes qui se succèdent, je me retrouve dans le hall de sociétés diverses. Parfois, j'atterris dans un bureau ùun homme croule sous une avalanche de dossiers. Apocalypse de papiers. Il semble être en contact avec le monde entier bien que tout dans la pièce paraîsse vieux, usé, poussiéreux. Il doit vendre et acheter des tonnes de choses. Pour moi, c'est une autre de ces âmes conditionnées qu'il me faut aider : "Hare Krishna! Bonjour monsieur, je suis un jeune missionnaire...." L'homme m'achète mon livre, me tend 50 francs et après avoir échangé quelques paroles me demande de le dédicacer. Il me donne l'impression de quelqu'un qui aurait rencontré un ange. Sur la couverture de la Bhagavad-Gita j'écris : "Connais-toi toi même et tu connaîtras l'Univers et les Dieux." L'Inde n'a pas encore avalé toute mon âme. De l'autre c¶té de la rue, il y a la Bourse, un autre temple dont je n'ai pas percé les secrets. Je le sens vibrer à travers les murs sombres.
Parfois, les sociétés sont luxueuses, on sent qu'on est là dans l'antre de quelque multinationale. Les gens font mine de ne pas me voir et je me faufile dans les bureaux, tout en douceur. "Bonjour, je suis missionnaire, je reviens de l'Inde......" Comment fais-je pour parler avec cette douceur ? Je suis un séraphin qui se penche avec compassion sur le monde des stressés du business.
En quelques semaines, j'ai écumé tout le quartier de la Bourse. En rentrant dans les locaux de l'A.F.P., j'ai eu l'impression de pénétrer dans la salle des machines d'un immense cargo. J'ai dû penser à Kafka.
Désormais, je m'attaque à Neuilly, en métro, c'est à deux pas de la rue Lesueur ùse situe notre temple, notre base transcendantale. Le vaisseau d'amour divin est ancré à quai sur l'Avenue Foch, entre les prostitués en cabriolet rouges et d'énigmatiques ambassadeurs. Je ne remarque pas la population du quartier. Elle se cache derrière d'immenses grilles, des caméras à l'oeil froid. Elle sort parfois derrière d'épaisses vitres dans de grosses voitures allemandes. Paris commence à vivre quand je descends dans ses entrailles, métro Chalgrain. La vie explose quand j'émerge à Belleville ou St Ouen. Je n'aime pas les riches, ils ne me font pas peur, j'aime les déranger par mon aspect.
Le dimanche matin, lorsque nous sommes à Paris, nous allons chanter au marché aux puces de St Ouen. C'est souvent Indra qui mène la procession, nous déambullons entre les stands des brocs et les parisiens nous regardent passer avec un air blasé. Nous sommes en général une trentaine, les hommes sont devant, les femmes suivent derrière. Nous sommes armés de cymballes et de tambours et nous dansons au pas du swami en nous dandinant bien en ordre. Le vent souffle dans les robes safrans et les saris multicolores. De temps en temps, nous restons sur place et au rythme des mridangas* qui s'accélèrent, nous commenèons à sauter frénétiquement. Hare Krishna, Hare Krishna, le mantra nous ennivre, les rondes s'accélèrent, les pas se font plus amples, les bras se lèvent au ciel, Hari Bol, Hari Bol, .... chantez les noms de Hari.
Puis, sur un signe du sankirtana leader, les chants s'arrêtent et l'un d'entre nous s'avance devant les badauds rassemblés et commence à les harranguer :
" Il y a 500 ans, au Bengale est apparu Shri Chaitanya, il était un avatar, une manifestation du Seigneur Suprême venu pour nous donner le moyen de nous libérer du cycle infernal des morts et des renaissances. C'est par le chant des Saints Noms du Seigneur que chacun d'entre nous peut y parvenir.
Chaitanya nous enseignait que l'on devrait chanter les saints noms du seigneur en toute humilité, sans prétention aucune, en se considérant plus humble que la paille dans la rue, en étant plus tolérant que l'arbre, et prêt à rendre tous ces respects à autrui, sans rien attendre en retour pour soi-même. Dans un tel état d'esprit, on peut chanter sans cesse les noms du seigneur et baigner dans un océan de félicité. Si vous le voulez, vous pouvez chanter avec nous le maha-mantra.
Mantra, vient de deux suffixes sanskrits : mana qui signifie le mental et tra de trayate qui veut dire libérer, ce chant est donc le grand chant de la délivrance. Répétez après moi : Ha-re Krish-na , Ha-re Ra-ma."
Les tambours reprennent, puis les cymbales et les voix. Les rondes se reforment. "We are going home, back to godhead". Nous profitons de la procession pour distribuer des invitations à la fête de l'après-midi. Certains d'entre nous discutent avec des gens surpris qui découvrent pour la première fois l'Inde traditionnelle à Saint Ouen.
Puis, nous nous hâtons vers les camionettes car il faut aller préparer la fête du dimanche. Cet après-midi, le temple sera plein de monde venant de tous les horizons. Déjà, nous distribuons les tâches, souvent je me retrouve à l'accueil, c'est une responsabilité un peu ingrate car il faut réceptionner les chaussures des invités et certaines dégagent des effluves qui nous font oublier les vapeurs d'encens de la salle du temple.
Mais le plus dur, c'est que pratiquement tous les dimanches, des gens se font piquer leurs chaussures. Ce sont bien sûr les gens les plus distingués qui trinquent. Ils doivent attendre que tout le monde soit parti pour finalement s'en aller avec les godillots troués du voleur. Il faut dire qu'à l'époque, un "guide du zonard" recommande d'aller se fournir gratos en chaussures chez les Hare Krishnas. Quand ce genre de choses se produisent, je me sens rouge de honte et d'anxiété, mais quand ces pauvres gens s'en vont tout penauds d'avoir échangé leurs Weston à 2000 francs contre d'immondes croquenots, je ne peux m'empêcher de rire quand ils referment derrière eux la lourde porte du temple. Le plus dr¶le, c'est que ces gens, pris dans l'ambiance spirituelle n'osent pas se mettre en colère. Sans doute se souviennent-ils de la conférence qui leur expliquait un peu plus t¶t les mécanismes implacables de la loi du Karma :"Rien n'arrive par hasard, tout ce que nous vivons trouve ses racines dans nos actes passés." Je suppose qu'ils hésitent à demander des explications sur la disparition de leurs godasses de peur de devoir supporter un autre discours philosophique.
A part èa, les fêtes du dimanche sont un grand moment de partage et de fraternité. La salle du temple est pleine à craquer au moment de la cérémonie et les gens dansent avec nous. Ensuite, nous servons le festin, tout le monde s'assied par terre en tailleur et nous passons entre les rangs avec des seaux pleins de préparations succulentes : pakoras, samosas, puris, subjee, goulabs, koftas, raïtas, papadoms, jeelabis, sweet rice, halavas.... tout le monde en redemande. Il est vrai que le prashadam (c'est le nom de la nourriture consacrée offerte à Krishna) est cuisiné avec amour et dévotion, dans le recueillement et les mantras. Souvent, la fête se termine par une pièce de théatre mettant en scène soit une fable du Pancha tantra (un texte indien qui ressemble à s'y méprendre aux fables d'Esope) soit un divertissement de Krishna ou de Ramachandra. Immanquablement, la pièce se termine par des chants et des danses.
Quand le temple se vide, sur les coups de huit heures, j'ai souvent un coup de blues le dimanche soir. C'est un état qui ressemble à un gros coup de dépression. Est-ce le fait d'avoir donné tellement d'amour à ces gens et de me retrouver seul face à moi-même. Seul avec mon chapelet comme seule source d'affection. Je crois qu'à ce moment, j'ai un vague souvenir pour ma famille et mes anciens amis. Souvenir que je réprime aussit¶t, Hare Krishna! Hare Krishna! "Seigneur, donnes-moi la force de te servir avec amour et dévotion."
Plus humble que la paille dans la rue, plus tolérant que l'arbre"... Sans cesse, je me répète les paroles de Chaitanya. Le blues finit par passer, je rejoins vite mon sleaping bag après avoir fini d'aider au nettoyage des pièces. Il est déjà neuf heure trente et j'étends le duvet sur le parquet de la grande salle sans meuble ùtout à l'heure nous prêchions ardemment pendant le festin. Mon pull-over me sert d'oreiller, déjà nous sommes une quarantaine au moins dans la pièce et nous plongeons rapidement dans les quelques heures de sommeil qui nous séparent de la cérémonie du matin : le mangala aratika qui démarre à 4 heures.
"Haribol prabhous! It's time to get up." 3h30, je saute de mon sac de couchage comme un ressort. En quinze secondes, j'ai plié mon bardat et je vais vers les douches, Prabhupada dit qu'il ne faut pas dormir plus de six heures par jour. Zélé comme je suis, je suis descendu à cinq.
Hare Krishna! Hare Krishna! Il y a déjà la queue dans les douches. Comme d'habitude, un des lavabos est bouché, il déborde d'eau ùbaignent poils, mucus et autres matières difficiles à identifier. Heureusement que je ne suis pas ce corps, sinon je dégueule sur place. "Hari Bol ! l'eau est glacée! èa réveille, merci Seigneur de ta bienveillance."
L'autre jour, un dévot a glissé sur sa savonnette et s'est cassé la cheville. Il m'a avoué qu'il avait pris plaisir à faire couler un peu d'eau chaude. "Krishna m'a joué un bon tour m'a-t-il dit en riant". Wishvambar d'ailleurs dit que l'eau chaude c'est le plaisir sexuel, mais là, je pense qu'il exagère un peu.
Au temple, les dévots passent leur temps à prendre des douches car il faut être pur pour aller devant les mourtis (les divinités ) ou pour pouvoir rentrer dans la cuisine. Si l'on a déféqué, on est impur et il faut prendre une douche. Même chose si on a marché dans la rue. En été èa va mais en hiver c'est dur. Les dévots ont une obsession de la pureté.
Mais je me dépèche d'aller à l'aratika, il faut profiter du brahma muhurta: les heures avant le lever du soleil qui sont propices à la méditation. La cérémonie commence par de douces mélodies, j'aime ces refrains sanskrits dont je connais chaque mot et qui me transportent aux pieds pareils au lotus des saints et dans des sphères de calme et de paix indicible.
J'aime le déroulement de la cérémonie ùl'on offre au couple divin l'encens, la flamme de camphre, l'eau, l'air du chamara, la queue de yack qui fait d'amples moulinets puis le grand évantail de plumes de paon. Krishna aime bien les paons, il y en a partout à Vrindavan, dans son village natal au nord de l'Inde. Il aime les vaches aussi, il y a 5000 ans, il était vâcher et il batifollait avec les g¶pis, les jeunes vâchères. Krishna nous regarde de ses yeux pleins d'amour et Radharani sa compagne est vraiment la Mère Universelle. J'ai tellement envie de les servir, de leur faire plaisir, afin qu'ils se révèlent à moi chaque jour un peu plus, afin que la Terre entière puisse goûter le nectar de la pure dévotion.
Hare Krishna! Hare Krishna! Radharani est comme de l'or en fusion. Jaya Radhe! Mon coeur déborde d'affection. Gloire au bhakti yoga! Gloire à Prabhupada, notre sauveur! La conque résonne trois fois, c'est la fin de la cérémonie. Nous nous prosternons pendant que le prêtre récite une longue prière de glorification. Puis, avant que les rideaux ne se ferment sur nos déités, nous entamons l'hymne à l'Homme-Lion qui déchira le démon de ses griffes acérées. Encore une fois, nous nous prosternons; Radha Krishna et leur famille disparaissent et une frêle dévote apporte au milieu de la pièce un grand pot de terre contenant Toulassi.
Toulassi est une pure dévote de Krishna qui s'est incarnée dans une plante tropicale, en fait c'est un petit arbuste. Elle ne pousse que là ùil y a de la dévotion pour Krishna. Nous l'entourons affectueusement et commenèons à entonner les hymnes qui la glorifient.
" Tourner autour de Toulassi peut libérer du pire des crimes, même du meurtre d'un brahmane" Autant vous dire que nul n'oublie de déambuler autour de la pure dévote et d'aller l'arroser de quelques gouttes d'eau avant de se prosterner devant le pot sacré.
La cérémonie de Toulassi est terminée, je m'assois en lotus et je plonge la main droite dans mon sac à chapelet accroché autour de mon cou. Seul dépasse l'index. Du pouce et du majeur, je commence à égrenner mon cher mantra, ma formule magique qui m'amène aux pieds du petit dieu bleu : Hare Krishna! Hare Krishna! Oh Seigneur! Oh Puissance de félicité, qu'avec amour je vous serve! Hare Rama! Hare Rama! Oh Source de toute puissance, donnez moi la force de vous servir! Hare Krishna! Hare Krishna! Aujourd'hui encore, j'irai tirer les sonnettes à la rencontre des âmes prisonnières du samsara, le cycle des morts et des renaissances. Je dois briller de ta lumière Seigneur, Hare Rama, Hare Rama, je me régale du chant nectaréen des Saints Noms. Dieu est contenu dans son Nom, il n'y a pas de différence entre Dieu et ce qui le désigne. L'Infini est dans ces quelques syllabes: Ha-re Kri-shna Ha-re ra-ma.
Je sens la source de vie illimitée qui monte en moi. Tout est une jouissance, les damiers noir et blanc du dallage qui sent bon l'eau parfumée; l'étoffe de coton tout propre qui m'habille; l'air neuf de l'aube qui approche; les bruits feutrés des dévots qui s'affairent à baigner et à habiller les divinités derrière le rideau. J'ai l'impression de flotter dans l'éternité, je ne connais pas l'anxiété. Hare Krishna, Hare Krishna, "merci Seigneur," j'ai déjà fini mes û6 tours de chapelets. Je vais aller m'allonger un quart d'heure avant la classe de Shrimad-Bhagavatam. Je déroule mon sleaping bag dans la chambre du haut et je m'allonge plein de la satisfaction du travail accompli. Hare Krishna, le mantra continue dans mon sommeil.
Ce matin, c'est Bhagavan qui donne la classe. Cela fait longtemps que je comprends son accent de Brooklin mais pour ceux qui ne parle pas anglais, il y a une traduction. Cela coupe l'élan de l'orateur mais lui donne sans doute le temps d'approfondir ses idées. Bhagavan est très brillant dans ses exposés philosophiques, il a la verve et l'austérité d'un tribun romain. Il aime prendre à parti l'establishment, son discours est une critique acerbe de la société utilitariste et de la pensée cartésienne. Il a l'art de concentrer son exposé sur deux ou trois idées forces, cela donne quelque chose de fort et de sobre. Bhagavan a l'autorité naturelle des grands chefs.
"Tout ce qui vient du Tout est un tout complet. Celui qui a conscience de ce fait n'utilise jamais plus que la part qui lui est assignée...
Les matérialistes vivent dans l'abus des biens de l'univers, ils brisent les lois de l'harmonie, ils rompent les équilibres subtils. Glissant sur cette pente fatale, ils ne peuvent connaître la paix, leur vie est un océan d'anxiété. Il nous faut retrouver le lien qui nous unit au Tout. Vouloir jouir indépendamment du désir de la Totalité c'est s'aliénér aux souffrances du karma. Le point ùs'anéantit la causalité aliénante se nomme Conscience de Krishna..."
Le discours de Bhagavan est simple et cristallin, ses conclusions sont édifiantes, mais il n'a pas les élans dévotionnels de certains dévots, il y a quelque chose de froid dans ce personnage. Nous le respectons cependant car il est le G.B.C. (membre du Governing Body Commission), le représentant direct de Prabhupada pour la France et l'Europe du Sud. Bhagavan est un conquérant qui a le goût des grandes réalisations. Aujourd'hui, en û976, il nous apparaît comme un grand commis de l'état de la dévotion. Il vit au même régime que les autres, prend sa douche avec nous, mange à même le sol avec nous et dort par terre dans son bureau exig³e de la rue Lesueur.
Moi qui ai û8 ans et suis dévot depuis à peine deux ans, je le considère comme un grand frêre bienveillant. L'autre jour, alors que je revenais de ma semaine de collection en Normandie, je l'ai croisé sur le palier de l'escalier et il m'a étreint affectueusement en me faisant sentir combien il apréciait mon service. Ce geste a dû me nourrir pendant plusieurs années. " Hare Krishna! Merci Seigneur de me donner des frêres aimants, merci de me donner une famille!
Ici, en plus de Radharani, la Mère Universelle, toutes les femmes sont ma mère, je les appelle mataji. C'est la consigne, en Inde, les brahmacharis, les jeunes moines célibataires doivent considérer toutes les femmes comme leur mère. Mais en fait, j'évite au maximum le contact avec les femmes, les seules à qui je parle, ce sont les karmis que je rencontre dans la journée en porte à porte. Là c'est différent, il ne peut y avoir d'attachement, la porte qui se referme après mon départ marque un point final à la rencontre.
Mais ces femmes aussi, je m'efforce de les voir comme des mères. Sans doute le ressentent-elles et me gratifient de leur affection maternelle en me donnant quelque argent, non pas tant pour le livre ou le disque, mais pour remplir ce récipient qui leur semble désespérément vide.
"Hare Krishna! Bonjour madame, je suis un jeune missionnaire... Aïe! La matronne n'a rien de maternelle et son gorille est là juste derrière. Je ne sais pas ce qu'il me prend ce matin, je n'ai pas dû bien chanter mes tours de chapelet. Il devait y avoir de l'agressivité dans ma voix, sans que je comprenne ce qui m'arrive, le gorille m'a envoyé son poing dans la figure; et comme je descendais l'escalier encore sonné, la matronne m'a balancé le paillasson sur la tête.
Hare Krishna! Hare Krishna! Je n'arrive même plus à chanter mon mantra et je vais pleurer sur un banc près de la cité d'immeubles. J'erre dans les rues quelques temps et puis je finis par me reprendre et je retourne à l'assaut des sonnettes. Ce soir encore, j'aurai vidé mon sac de livres, j'aurai accompli ma tâche de moine mendiant. "Plus tolérant que l'arbre......" l'arbre prend des coups de pieds mais il continue à donner ses fruits. Merci Seigneur de Ta clémence! Je commence à comprendre le verset de Chaitanya.
Les beaux jours sont revenus, et le week-end prochain nous allons descendre dans l'Indre à la communauté rurale de la Nouvelle Mayapoura pour la fête de Gaura Purnima, l'anniversaire de Chaitanya. Toute la semaine, nous nous réjouissons de la perspective du festival et les portes défilent aussi vite que les boîtes de livres qui se vident.
Il faisait encore un peu froid cette semaine, alors nous sommes allés demander l'hospitalité à l'h¶tellerie d'une grande abbaye de père blanc. Ceux-ci n'ont pas dérogé à la tradition, mais on sentait bien qu'ils n'étaient pas enchantés de devoir héberger cette équipe de dr¶les de moines. C'est vrai qu'il y avait chez nous quelque chose des pieds nickelés, si ce n'est les robes safran et les têtes rasées.
Le jour du départ, je dis à Adishekar :
" -Tu sais, on ne devrait pas partir comme èa, on devrait aller dire au revoir aux moines et les remercier, peut-être, leur donner une aub¶le."
L'affront était intolérable, Adishekar me répond : " - Vas piquer les couvertures.
- Quoi ? mais tu es fou, on ne peut pas faire èa.
-Vas piquer les couvertures, je te dis. On en aura besoin, eux ils ont tout ce qu'il faut.
-Non, on ne peut pas faire èa, ils nous ont hébergés, en plus, c'est du vol.
- Ce n'est pas du vol dit-il en haussant le ton, on les utilisera au service de Krishna.
- Hé bien non, je n'irai pas.
Adishekar finit par rigoler et me dit :
" - Allez Sadashiva* , je voulais voir si tu étais encore attaché à la vertu. Tu vois, tu as encore du travail à faire."
Il faut préciser que pour les dévots de Krishna, la transcendance se situe au delà des trois énergies de la matière, la passion (qui crée), l'ignorance (qui détruit), et la vertu qui maintient tout en place.
Nous sommes en route pour la Nouvelle Mayapoura, Adishekar a prévu deux arrêts sur la route pour que nous fassions notre quota de livres. Nous sommes habitués à distribuer le samedi. Il nous arrive même d'aller tirer les sonnettes le dimanche matin, mais ce n'est pas systématique. Quand ce n'est pas le cas, nous nettoyons le camion, nous nous rasons la tête ou nous étudions la Bhagavad Gîta.
Tous les jours, j'apprends des versets en sanskrit, je les note sur un bristol et je les mémorise entre deux portes dans la journée.
"Terre, eau, feu, air, éther mental, intellect et faux égo, tels sont les éléments qui procèdent de la nature inférieure. Mais il existe une énergie supérieure, elle est constituée des êtres vivants qui luttent avec la matière et soutiennent l'univers." B.G.
"Et de tous les yogis, celui qui reste toujours en Moi et Me sert avec amour et dévotion, celui là est le plus haut et m'est le plus intimement lié." B.G.
Je me nourris des paroles de Krishna et au fil des jours, je deviens de plus en plus érudit. Je peux citer des dizaines de versets en sanskrit et je mémorise nombre d'histoires du Bhagavat Pourana que j'aime raconter à mes frêres en Dieu.
La route s'écoule sans histoire, ni coup de poing, ni paillasson. Quelques livres en moins dans la soute, quelques billets en plus dans la caisse, mais èa, c'est le dernier de mes soucis. Ce qui compte, c'est de sauver des âmes conditionnées. Car un instant de contact avec un pur dévot peut sauver son bénéficiaire de réincarnations infernales. Le pur dévot, c'est Prabhupada et il vit dans ses livres. Ce qui a marché avec moi peut marcher avec d'autres. Hare Krishna! Merci Seigneur, je suis tellement déchu et tu m'autorises à servir ton pur dévot.
Nous arrivons dans la soirée en vue de Luèay le Mâle. Pour purifier nos consciences afin d'entrer dans le Temple, nous entamons un Kirtan (chant dévotionnel) dans le camion. Hare Krishna, Hare Krishna, nous formons une équipe soudée. C'est bon de chanter avec mes frêres en Dieu, j'aime les entendre, même si parfois ils chantent faux.
Cette semaine, Prasanatma a souffert, son corps est couvert de furoncles purulents. Tout le monde s'accorde à dire que c'est la purification et lui s'estime particulièrement déchu. Cela fait presqu'un mois qu'il occupe une partie de son temps à pomponner sa collection de furoncles. Je m'étonne qu'il soit toujours en vie tant son corps ressemble à une plaie. Adhishekara, toujours subtil lui dit pour le consoler "tu n'es plus un homme, tu es un furoncle ambulant." Le voyage lui a été particulièrement pénible, il ne savait plus comment se mettre sur les planches du camion.
Le camion lui aussi est bien malade. L'autre jour, nous avons perdu la porte du c¶té qui est tombé sur le trottoir alors que nous roulions. Elle est resté accrochée par le bas et une gerbe d'étincelles s'échappait. J'ai eu très peur que nous ne coupions quelqu'un en deux. Adishekara je pense, aurait dit de toute faèon que ce n'était qu'un karmi et que ce n'était pas grave. Un peu avant, il nous avait demandé de balancer les poubelles par la portière qui n'avait pas encore laché. Devant nos hésitations, il lui avait fallu encore gueuler comme un putois ce qui finit par le fatiguer.
D'ailleurs, il va bient¶t se sentir très fatigué et passer dans une phase qu'il qualifiera de "réflexion". "Après l'action, la réflexion" se plaira-t-il à dire pendant quelques mois, passant alors le plus clair de son temps à lire et à jouer de l'harmonium en chantant des kirtans. Il dût aussi passer un peu de temps avec sa femme car quelques temps après, celle-ci attendait un fils.
Malheureusement, je ne jouirai pas de la période de réflexion, ayant changé d'équipe. Je ne verrai plus que de temps à autre le visage désormais plus détendu de mon tortionnaire gueulard et rigolard. Mais ce n'est pas pour tout de suite. Le château d'Oublaisse nous apparaît déjà au détour d'une route boisée et nous tapons plus fort sur nos cymbales et nos tambours. Pitavas, lui, tape sur une casserole. Adishekar fait plusieurs fois le tour du château avec le camion. Les autres équipes sont déjà arrivées depuis longtemps. Ouf! Notre réputation de durs est préservée.
Une fois le camion garé, nous nous précipitons vers la salle du temple pour contempler les mourtis avant que les rideaux ne se ferment. A cette époque, début û976, nous n'avons que les statuts de Chaitanya et de son frère Nityananda. Deux grandes mourtis de marbre blanc qui tendent les bras vers le ciel et affichent de larges sourires d'extase. C'est Bhagavan qui a conduit la cérémonie d'installation des divinités en décembre dernier.
A cette occasion, j'ai été initié et j'ai reèu mon nom spirituel : Sadashivapriya das qui est un nom de Vishnou (celui qui est très cher à Shiva). La particule das signifie serviteur. J'étais très fier d'être accepté au sein de la famille des dévots. J'avais désormais un nouveau nom, ainsi qu'une identité sociale, j'étais un dévot de sankirtan, un prédicateur. Le jour de l'initiation, j'ai fait le voeu rituel de suivre les quatre principes régulateurs : Ne manger ni viande, ni poisson, ni oeuf. Ne consommer aucun intoxicants: tabac, alcool, drogue, café ou thé. N'avoir aucun rapport sexuel en dehors du mariage et dans le mariage en vue de la seule procréation. Ne pas s'adonner aux jeux de hasard ou à la spéculation. Ainsi que de toujours réciter mes seize tours de chapelet quotidiens.
Lorsque nous venons à la Nouvelle Mayapoura, nous ressentons vraiment la puissance du mouvement. La propriété est grande, il y a près de û00 hectares et de nombreuses dépendances en plus du château. Pour le festival de Chaitanya, nous devons être au moins trois cents. Les préparatifs vont bon train et il règne partout une fébrilité de jours de fête. Les femmes confectionnent des guirlandes, les cuisiniers cuisinent moultes préparations succulentes, les nouveaux dévots coupent les légumes et nettoient le château. Les dévots de sankirtana, fiers guerriers au repos en profitent pour échanger leurs réalisations. Tout baigne dans l'énergie de la dévotion, on peut lire de la joie sur les visages. Je prends plaisir à retrouver des frêres en Dieu qui me sont chers.
Ce soir là, nous nous coucherons bien plus tard que d'habitude, les discussions nous amenant jusqu'au milieu de la nuit. Il faudra tout de même se lever à quatre heures pour le mangal aratik, mais la question ne se pose pas. Nous sommes portés par une énergie intarissable, l'énergie d'amour de Chaitanya. Aucun doute n'est possible, Il est parmi nous. Jaya Chaitanya* ! Hare Krishna! Merci Seigneur de tant d'extase. Je finis par m'endormir vers une heure du matin.
Jaya Prabhupada! La salle du temple est pleine à craquer. C'est Indra Dyumna qui mène le Kirtan (chant congrégationnel). C'est un gaillard américain d'un mètre quatre vingt cinq, ancien G.I. Il peut chanter et danser pendant des heures en tapant sur son mridanga (tambour bengali a deux extrémités) sans jamais se fatiguer. Lui aussi a une équipe de distributeur de livres, mais il passe pour être beaucoup plus cool qu'Adishekar. Il adore faire des fêtes et tous les prétextes sont bons pour cuisiner un festin et entamer un kirtan endiablé. Indra passe pour un grand dévot, mais je n'ai jamais pû vraiment dialoguer avec lui. Il me semble froid et distant. Indra est l'ami intime de longue date de Bhagavan et comme lui, il est marié.
Au début, j'ai eu comme un rejet des dévots américains. Je me souviens même avoir fait un cauchemar pendant lequel un jeune homme, moitié dévot, moitié boy-scout me harcelait d'injonctions toutes plus stupides et arrogantes. Je me suis réveillé avec des sueurs froides sans comprendre la signification de ce rêve pourtant facile à décrypter. Mais à cette époque, je m'efforce d'appliquer un des principes de la dévotion qui veut qu'on ne critique jamais un dévot. Je dois le confesser, je n'ai pas tenu sur ma lancée et j'ai un peu dérogé par la suite. Hare Krishna! J'irai tourner autour du pot sacré de Toulassi pour m'absoudre de mes péchés.
Je finirai par me faire aux américains, bien que mon âme de franèais ne renoncera jamais totalement à son identité. En attendant, j'encaisse le double choc culturel avec la vitalité de mes dix neuf ans. Le contrecoup viendra plus tard. Hare Krishna! Hare Krishna! Je n'ai chanté que la moitié de mes tours mais je vais aller me reposer une demi-heure avant la classe, je pourrai les terminer dans la journée.
C'est Radhika Ramana qui donne la classe ce matin. C'est aussi un géant américain, mais il n'a rien à voir avec les autres. C'est un vrai moine mendiant, un vrai mat du tarot, un vrai fou de Dieu. Rien qu'à le voir, on comprend ce qu'est l'abandon, il rayonne comme dix soleils. Ses prêches ne cherchent pas à impressionner, ni à établir une quelconque autorité, lui est dans l'amour de Krishna, la bhakti. Lui comprend l'universalité de Dieu, l'universalité de l'âme, il comprend le verset de Chaitanya : "Plus humble que la paille dans la rue...." Dès les premiers dérapages à la fin des années û970, il quittera le mouvement sans faire aucune concession à la vénalité des successeurs de Prabhupada et deviendra professeur de philosophie à New York.
Mais tout cela, je ne le sais pas encore, et je bois ses paroles comme un véritable nectar d'immortalité, je me baigne dans son regard empli de bhakti. Je vibre à l'unisson de sa dévotion, Radhika a compris que Krishna est un Dieu petit et fragile, un Dieu qui a besoin d'affection. Radhika est un aventurier de l'âme en claquette, (été comme hiver).
Son prêche dure au moins deux heures, il ne peut s'arrêter de parler, il s'émerveille de tout avec candeur. Ce jour là, il nous parle de l'amour dans le sentiment de séparation: " La séparation intensifie le sentiment pour l'être aimé, il faut comprendre cet état, il faut le vivre à chaque instant. Shri Chaitanya est venu pour nous enseigner cette émotion, ce "rassa". Mais Chaitanya a aussi enseigné la désobéissance civile, il refusait le système des castes et fréquentait des musulmans, ce qui était très mal vu pour un brahmane. Chaitanya incarne le principe de la résistance spirituelle...".
Hare Krishna! Merci Seigneur de nous donner une incarnation d'un rayon de Chaitanya, l'Avatar doré. Jaya Chaitanya! Nous nous prosternons, la classe est finie et Radhika entonne un chant bengali. Aujourd'hui, pour célébrer la naissance de Chaitanya, nous jeûnons toute la journée, jusqu'au lever de la Lune. Le kirtan va continuer pendant des heures et je choisis de quitter la salle du temple ùle niveau de décibels atteint désormais un niveau insupportable pour aller visiter la communauté. J'aime voir la faèon dont les choses progressent. La restauration des maisons, le jardin potager, la ferme avec les vaches. Il y a même un gros cheval de trait qui finira par mourir empoisonné par les plats épicés que lui donnent sans compter les femmes et les enfants.
La communauté d'Oublaisse s'étend sur une centaine d'hectares. Le propriétaire précédent , le commandant Pérette en avait fait un centre d'hébergement pour anciens combattants et de réinsertion pour anciens détenus. Quelques centaines de mètres avant l'entrée du château, on passe devant une usine ùsont employés les pensionnaires du commandant Perrette qui sont installés de l'autre c¶té de la route dans un complexe communautaire entièrement construit par leurs soins. Il y a même un théâtre et la maison du commandant comme l'h¶tellerie sont bâtis selon le modèle colonial, en souvenir de ses campagnes en extrême orient et sans doute en hommage à sa femme vietnamienne.
Dans l'usine, on fabrique des poupées et des jouets en caoutchouc. Harivilas, le dévot arménien qui a fondé Spiritual Sky a installé une petite unité de fabrique d'encens. Je pousse ma promenade jusqu'à l'usine, mais les odeurs d'amoniaque sont tellement insuportables que je n'ose pas m'aventurer à l'intérieur ùje distingue les ouvriers qui déambulent avec un masque sur le nez. Je tourne les talons et remonte la route qui mène au château. Hare Krishna! Hare Krishna, les arbres et les plantes se purifient aussi en entendant les Saints Noms que je m'applique à réciter distinctement en égrénant mon chapelet. Je dois finir mes tours. J'aurai le temps d'en chanter quelques uns en plus en l'honneur de Chaitanya. Hare Rama, Hare Rama, le chemin qui conduit au château grimpe un peu mais pas sufisamment pour m'essoufler.
Le château d'Oublaisse est une copie du XIXième siècle assez fidèle des châteaux de la Loire de la renaissance. Lorsque les dévots l'ont investi, ils ont transformé l'immense salle de réception en un temple pouvant accueillir jusqu'à trois cents personnes. Bhagavan a fait arracher le plancher pour le remplacer par un dallage en marbre chauffé de l'intérieur. Un immense tr¶ne, en marbre également a été confectionné en Italie pour servir de Vyasasana, le fauteuil que l'on offre traditionnellement au gourou dans les temples de l'Inde. Celui-ci est incruté de marquetterie de marbre de diverses couleurs et d'or. Je pense que c'est le tr¶ne le plus opulent de tout le mouvement. Même les américains de Los-Angeles qui comptent plus de mille dévots n'ont pas fait mieux. Bhagavan est fier de pouvoir offrir ce présent à Prabhupada lorsqu'il va venir l'été prochain.
Hare Krishna! Hare Krishna, je n'aime pas trop le marbre, èa me rapelle les cimetières et en hiver, on a froid aux pieds dans le temple ùil faut marcher pieds-nus. Je préferai le bois de l'ancien parquet. En général, je préfère le bois. Hare Rama, Hare Rama, quand je récite mon chapelet, je ne suis pas censé penser à toutes ces choses, mais dans la journée, je n'ai pas la même concentration que le matin. Il y a beaucoup de sources de distraction. Je vais aller dans la forêt, peut-être y retrouverai-je une meilleure qualité de méditation.
Je suis dans la forêt comme chez moi, tout m'y est familié. Les arbres et les oiseaux sont mes amis de toujours. Déjà enfant, je passais des heures sur les bords de l'étang de Chambiers à Durtal. Ici, les oiseaux qui chantent semblent m'accompagner dans ma récitation des Saints Noms. Eux aussi glorifient Krishna à leur manière et sans doute plus spontanément que moi. Hare Krishna, Hare Krishna, je pense à Saint Franèois d'Assises, lui aussi était un moine mendiant comme moi, lui aussi parlait avec les oiseaux. Il paraît même qu'un jour, il réussit à convertir un loup féroce à Gouvio. Le loup devint l'ami des habitants qui le nourirent jusqu'à sa mort car il avait promis à Franèois de ne plus dévorer personne.
Lorsqu'il est mort, les habitants de Gouvio l'ont pleuré et l'ont enterré dans l'église. Saint Franèois venait d'une famille riche et il a tout abandonné pour faire voeu de pauvreté, comme moi. Mais la comparaison s'arrête là. Je ne suis pas encore un saint. Ca viendra peut-être, Hare Krishna. Je finis mon tour dans la forêt et je vais à l'étable voir les vaches. Les vaches sont sacrées car elles sont très chères à Krishna qui était vâcher il y a 5000 ans lorsqu'il est venu sur Terre.
Hare Krishna! Bonjour les vaches. Dire qu'avant d'être dévot je mangeais du steack pratiquement tous les jours. Umapati prétend que pour chaque poil de vache que nous tuons, nous nous condamnons à une vie en enfer. Hare Rama, merci Prabhupada de m'avoir sauvé de l'enfer.
Avant de rejoindre les dévots, j'avais eu une discussion avec mon ami Michel qui est moine bénédictin dans la Vallée de Chevreuse. Comme il me faisait part de ses doutes sur les descriptions de l'enfer que relatent les écritures, je lui répondais péremptoirement, tout fier de ma connaissance fraîchement acquise, que l'enfer ce sont les planètes de l'univers sur lesquelles nous nous réincarnons pour expérimenter des conditions de vie faites exclusivement de souffrances. J'en profitais pour l'informer que selon les Védas (les écrits sacrés de l'Inde), le paradis serait constitué par les planètes supérieures ùvivent les demi-dieux qui jouissent du résultat des activités vertueuses qu'ils ont accomplies sur la Terre. Le but bien sûr, n'est pas d'aller en enfer, ni même au paradis, que les dévots appellent les planètes édéniques, mais bien de s'affranchir définitivement de la naissance et de la mort en rejoignant les planètes spirituelles ùnous pouvons jouir dans notre corps glorieux de la compagnie du Seigneur.
Mes explications me paraissaient tellement limpides que je fus surpris de ne pas emporter immédiatement son adhésion. Il me rétorqua seulement que j'avais le temps de changer d'avis. Je sortais de chez lui quelque peu frustré de n'avoir pas rencontré plus de résistance de sa part. Le débat philosophique à cette époque a pour moi des airs de joute oratoire. Malheureusement, je rencontre rarement les adversaires prêts à ferailler dans mon entourage. En rejoignant les dévots, je m'offrais une vie faite de rencontres placées sous le signe de la philosophie. En fait, je suis devenu dévot pour trois choses: le chant, la danse et la philosophie.
Lundi nous sommes rentrés à Paris pour une semaine de distribution transcendantale de livres dans la banlieue parisienne. Nous prospectons au Kremlin Bicètre, quartier difficile. Mardi, Adishekar qui est peut-être constipé ne supporte pas de m'attendre le matin lorsque je vais aux toilettes. Il m'a mis une telle pression que je saute dans le camion en oubliant mes chaussures. Arrivé au lieu de distribution, je cherche mes chaussures partout dans le camion et je dois me résoudre à les avoir oubliées rue Lesueur. Adishekar ne veut rien savoir, il m'envoie collecter pieds nus. J'hésite un moment, je m'imagine passant la journée caché quelque part. Et puis comme il pleut, je me lance à l'assaut des boutiques pieds-nus.
"Bonjour monsieur, je suis missionnaire, je reviens de l'Inde et j'ai ramené un disque que nous avons enregistré avec Georges Harisson dis-je au vendeur d'un surplus américain. En regardant des sandales dans un coin, j'ajoute: les gens donnent ce qu'ils veulent, même une paire de sandales". L'homme attend à peine que j'ai fini ma phrase et il me dit de chercher ma pointure. Merci Krishna, à la première boutique, tu mets fin à mon épreuve. J'aurai pû maudire Adishekar, sombrer dans le désespoir, mais tu m'as donné la force de m'abandonner et tu t'es manifesté à moi dans cette paire de sandales militaires. Je ne perds pas de temps en contemplation de la grâce divine, déjà je reprends mon service et j'enchaine les portes, rien n'arrête les missionnaires de l'Inde.
Je trouve ma détermination dans mon désir de changer le monde. Je suis persuadé qu'on ne peut pas le laisser dans cet état. Il règne sur la planète trop de guerres, d'incompréhension entre les hommes, trop de violence et de gaspillage. Le message de Krishna est un message d'amour et de paix et en le diffusant comme nous le faisons, petit à petit, les choses peuvent changer. Le pouvoir d'un homme conscient de Dieu dépasse celui d'un million de personnes oublieuses de leur nature divine. Nos prières le matin aussi sont dirigées vers l'humanité souffrante. J'ai la certitude que le yogi tibétain en méditation dans sa grotte des hymalayas rend plus service au monde que l'homme politique prisonnier de son ego. Nous oeuvrons sur le plan subtil, nous participons à la création d'égrégors de paix et d'amour qui redéverseront leurs ondes bienveillantes sur la planète.
"A steady drop of water can wype away stone". C'est l'image favorite de Bhagavan: une goutte d'eau qui tombe toujours sur un rocher finit par le fendre. Le pouvoir du petit, c'est la régularité. Le bhakti yoga repose sur trois principes : enthousiasme, patience et détermination. Ainsi ai-je confiance en le processus, j'arriverai à maîtriser parfaitement mes sens et mon mental, je parviendrai à me purifier de toutes les images négatives emmagasinées; je viendrais à bout de la colère et alors je pourrais rayonner l'amour pur en direction du monde des conditions. Il me suffit de me soumettre à mon maître spirituel qui se manifeste dans ses serviteurs comme Adishekar et Bhagavan. En les servant, c'est lui que je sers. Lui est un pur serviteur de Krishna, aucun désir personnel ne l'anime.
Lorsque Prabhupada est venu l'année dernière à Oublaisse, j'ai vu son aura dorée comme de l'or en fusion. De ce petit vieillard émanait autant de lumière que du soleil. Il m'a semblé doté d'une force infinie. Sans cesse, je médite sur les pieds de mon gourou et je jouis de sa force et de son amour. Celui qui ne pratique pas la bhakti peut difficilement concevoir l'intensité de la relation qui unit le disciple à son maître. Lorsque le maître est puissant et libéré, il peut ouvrir au disciple la porte de perceptions inconnues au commun des mortels et le faire progresser sur la voie de l'amour pur.
Comme le dit justement Bhagavan, la voie de la bhakti est comme une lame de rasoir. "On se rase de près ou on se met le visage en sang." La voie de la sainteté est dangereuse, beaucoup plus que celle du philosophe. Le saint mène un combat contre lui-même, les flamèches qui retombent sur le monde le mêtent-elles à feu et à sang? N'était-ce pas un certain Saint Bernard qui appella aux croisades? Comme on le verra par la suite, la voie de la sainteté provoquera des dégats chez les dévots...
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Dans la cour de ce pavillon, il y a un énorme berger allemand attaché à un arbre. En quelques instants, j'évalue la situation. a) le chien est féroce b) la corde est assez courte pour que je monte l'escalier c) il y a une âme conditionnée à sauver dans cette maison d) la mission ne souffre aucune faiblesse. Je rentre dans la cour, je passe au nez du berger allemand qui est fou de rage. Je monte l'escalier et je frappe à la porte. Hare Krishna! la corde a cassé le chien se précipite sur moi, il me saute au coup. Mes disques me sauvent la mise, ils éclatent sous les énormes crocs et la maîtresse de maison me sauve la vie grâce à son balai qu'elle casse sur le dos du chien. Merci Seigneur d'épargner ton serviteur.
Le soir, je rentre en métro rue Lesueur, la journée a été plut¶t rude. J'en profite pour lire quelques pages de la Bhagavad Gîtâ. Le métro est chaud et moîte comme le ventre d'une mère, on se laisse ballotter dans son liquide amiotique. Chacun s'y absorbe, s'y dissout, anéantissement salvateur, repos innefable. J'aime cette promiscuité avec la race humaine. Il y a ce soir là comme une faille dans l'espace temps et en m'endormant sur mon livre sacré je remonte à la matrice initiale.
Je revois ma naissance, à Cannes, en û957, le jour des morts. A cette époque, mon père était potier à Vallauris, un village d'artiste bien connu ùrégnait des personnages hors du commun tel Picasso. Mes parents quittèrent la c¶te d'azur lorsque j'avais deux ans pour revenir dans leur région d'origine, l'Anjou. De cette époque ai-je d'autres souvenirs que ceux qu'évoquent les photos jaunies ùje joue près des sculptures de mon père ? La lumière sûrement, des voix qui chantent, des odeurs de lavande et de mimosa, de la joie de vivre peut-être.
Aux dires de ma mère, nous vînmes nous installer à Durtal pour répondre au désir de mes grands-parents paternels qui s'ennuyaient dans leur petit manoir. C'est en fait une vieille demeure du début du siècle qui servait de pavillon de chasse à un riche bourgeois du Mans. Après la guerre, la soeur de mon père étant atteinte de tuberculose, la famille vint s'installer dans cette maison de campagne, le médecin avait conseillé l'air pur. La propriété est en bordure d'une grande forêt, Chambiers, ce qui explique sans doute son nom, l'Ouvrardière. Mon grand-père avait vendu ses deux boucheries prospères de Nantes et racheté la propriété pour s'y adonner à la grande passion de sa vie: l'élevage des purs-sangs. Nous nous installions dans une des dépendances du manoir que mes parents allaient aménager par la suite pour en faire une grande maison aux multiples pièces.
J'allais à l'école maternelle de Durtal, j'en garde des souvenirs précis. Les rondes ùnous chantions "sur le pont d'Avignon". Notre livre de franèais qui nous racontait l'histoire de Mamadi et Macoco : "Macoco est noir, pas noir comme de l'ébène, pas noir comme du cirage, noir comme du charbon ." Je me souviens de la cour, du tas de sable. D'un enfant que l'on punissait régulièrement car il faisait caca dans sa culotte; nous nous moquions de lui. Je pense que cela a du le suivre longtemps dans le village. Je me souviens aussi des soirs ùj'attendais désespérément ma mère qui ne venait pas. Tous les autres étaient partis depuis longtemps et j'attendais. Je crois que je finis par m'y habituer. Après il y eu l'école primaire, il paraît que j'étais intelligent alors on me fit sauter une classe ou deux, je ne sais plus. C'est vrai que le soir je ne travaillais jamais, le fait d'écouter en classe me suffit pendant presque toute ma scolarité. Je ne sais pas si j'étais fainéant ou si c'est parce qu'on ne s'occupa jamais de m'aider dans mes devoirs. On se contentait de me dire : "Doudou va faire tes leèons." Je ne bûchais que ce qui me plaisait, le franèais, l'histoire, l'anglais, un peu la géo. Toute mon enfance j'entendis mon père nous dire qu'il ne faisait rien à l'école, était toujours le dernier de sa classe et passait son temps à dessiner dans les marges de ses livres. Ce qui ne l'avait pas empêché de réussir dans la vie et de faire ce qu'il voulait. Il n'était pas très pédagogue.
Il était par contre très fier d'avoir fait les beaux arts à Paris, et d'avoir été l'élève de Fernand Léger et du sculpteur Zadkine. Il me transmis une grande sensibilité et une vaste culture artistique, mais je l'entendis toujours me dire que les peintres ne gagnaient pas leur vie. Il me découragea d'ailleurs de faire des études artistiques. "Quand tu acquiers une formation académique, il te faut lutter pour t'en défaire." C'est vrai qu'il m'encourageait à créer, je pratiquais très t¶t la sculpture, le dessin et la peinture . Mon grand-père qui me transmis en même temps la passion des chevaux était toujours en train de me dire que ce n'était pas un métier, que les gens de chevaux étaient tous des crèves la faim, que les chevaux c'était le plus sûr moyen de perdre de l'argent. Ce qui ne fût jamais son cas. Ses trente poulinières pur-sang lui assurait une excellente rente. Il était aussi connu pour ses talents de radiesthésiste et il décidait de l'accouplement des juments en testant les crins de l'étalon avec son pendule.
Entre sept et dix ans, chaque dimanche matin, je vivais un cauchemar. Il nous fallait, ma soeur et moi aller à la messe avec notre grand-père. Rien ne pouvait faire plier mes parents, ni mes pleurs, ni mes supplications. "Pourquoi dois-je aller à la messe ?"-"Par-ce-que ! " me répondait-on invariablement. Les jours ùl'on était en verve, je me voyais préciser : "c'est comme èa." Et immanquablement, chaque dimanche matin, alors que j'aurais pu rester à paresser dans mon lit, il me fallait subir une heure interminable faite de génuflexions et de cantiques chevrotants. J'attendais avec impatience le .... "Allez dans la Paix du Christ " qui annonèait la sortie.
Il ne nous restait plus alors que le rituel du cimetière. Nous allions nous recueillir sur la tombe de ma tante décédée à l'âge de quinze ans. C'était une grosse tombe massive en granit gris. J'allais chercher le seau et le râteau en courant entre les tombes. Mon grand-père mettait de l'eau dans les vases, je ratissais les graviers roses, nous récitions le Notre Père. Tous les dimanches.
Les choses changèrent lorsque mes parents divorcèrent. Je devais avoir dix ans. La première année fut terrible. Mon père me mit à Mongazon, un ancien séminaire jésuite d'Angers. J'étais trop jeune pour rentrer en sixième, on m'inscrivit à l'école St Augustin. Je quittais l'immense pensionnat chaque matin pour me rendre à pied à l'école ùl'on m'avait fait redoubler ma septième. Je pense qu'à cette époque on dut m'épargner la messe du dimanche. Il est vrai qu'il fallait y aller toute la semaine, à sept heure du matin. L'avantage cette fois, c'est qu'elle ne durait qu'un quart d'heure. Je le vivais comme un soulagement.
Je vivais le pire moment le lundi matin quand il fallait parcourir les trente kilomètres qui nous séparaient du collège. Je connaissais chaque arbre, chaque maison sur cette route que je vivais comme un calvaire. Chaque lundi, il fallait rejoindre ma prison.
Les dortoirs étaient immenses, nous devions être au moins deux cents. On avait aménagé une espèce de piaule en aggloméré pour le pion dans un coin du dortoir. Il avait une petite fenêtre avec un rideau pour nous surveiller. La consigne était le silence absolu, nous allions matin et soir faire nos ablutions le long de ces immenses lavabos qui ressemblaient à des abreuvoirs. L'eau était toujours froide, l'hiver un peu plus sans doute. Parfois ma mère venait me voir, elle m'apportait de quoi améliorer l'ordinaire du réfectoire, surtout du saucisson dont je raffolais et que je m'empressais de manger pour ne pas me le faire piquer par mes compagnons de ge¶le.
Pour ma plus grande chance, ma mère se remaria avec un mécréant. C' était le vétérinaire du village. Je suppose quêelle avait fait sa connaissance lorsqu'il venait soigner les chevaux du haras. Nous restâmes avec notre père. Je l'appris longtemps après de la bouche de ma mère, il l'avait menacée de la tuer si elle tentait quoi que ce soit pour nous reprendre. J'imagine qu'en dépit de ses innombrables frasques, il avait eu le culot de lui coller un constat d'adultère sur le dos.
Les dimanches (une fois sur deux) devinrent radieux quelques temps. Du fond de mon lit j'entendais les cloches sonner, j'étais libéré du rituel des morts et des croulants.
Les week-ends, je passais désormais une grande partie de mon temps à suivre Alain au cours de ses visites dans les fermes. Dans la voiture, il m'apprenait les chansons paillardes des carabins de Maison-Alfort : le curé de Camaret, le morpion motocycliste, etc... J'étais fier de mon nouveau répertoire. Je lisais désormais Hara-Kiri, Lui et autres Play-boys. Cela me changeait de l'ambiance monacale du collège. Ma mère semblait plus épanouie, plus décontractée. Lorsque nous revenions de visite avec Alain, je devais balancer les flacons vides sur les panneaux de signalisation depuis ma fenêtre ouverte. Je devins le meilleur tireur de panneaux de l'ouest.
J'assistais aux césariennes de vaches, je devais tenir la planche, passer les instruments. Plus souvent qu'à mon tour je rentrais plein de sang ou plein de bouse. Il m'apprit aussi un grand nombre de termes scientifiques comme phallus ou clitoris ainsi que leurs fonctions respectives. L'enseignement bien sûr fût toujours purement théorique et je dois dire qu'il me servit par la suite. (je dus faire un effort pour l'oublier quand je devins moine cependant).
Un jour au collège un certain Caroff me remis entre les mains un livre plein de femmes nues. Alors que les autres étaient très choqués, je trouvais cela assez intéressant.
Un soir, alors que je consultais l'ouvrage derrière mon pupitre une voix cinglante m'apostropha :
- Baudouin ! qu'est-ce que tu lis ?
- Vous voulez vraiment le savoir monsieur ?
- Oui, apportes le moi"
Je remontais toute l'étude, gravis les marches qui menaient à l'espèce de chaire qui lui servait de bureau-mirador et lui remettais fièrement l'objet du délit. Le lendemain le préfet de discipline, l'abbé Charrier, me coinèait dans le couloir du cloître et me rouait de coups de poings.
C'est toujours vers cette époque que mon père rencontrait celle qui allait devenir ma Folcoche, ma "vipère au poing", marâtre de tous les instants. Elle vint vivre avec nous, elle avait deux enfants: Vico et Clothilde, Vico avait l'âge de ma soeur Sophie, de deux ans ma cadette. Clothilde avait à peu près mon âge. Il fallut assez vite agrandir la maison. La fusion s'avéra vite difficile, on vit apparaître nettement 2 clans, qui se précisèrent d'autant plus que nous devions laisser le champ libre un week-end sur deux. Le père de Vico et Clothilde ne les prenait jamais. Il était depuis des années en maison pour grands alcooliques (habitude qu'il avait visiblement contractée à l'époque ùil était gouverneur au Gabon et en Nouvelle Calédonie). Il n'en sortit jamais et y finit ses jours.
Je passais une grande partie de mon enfance entre l'atelier de mon père et le haras de mon grand-père. A cinq ans, j'appris à monter à cheval sur le souffleur, Ponpon. Le souffleur dans un haras, c'est un petit étalon (dans son cas un double poney andalou de robe pie). Son r¶le (assez ingrat il faut l'avouer) consiste à s'approcher des juments pour savoir si elles sont en chaleur. Si la jument se laisse faire, elle pourra être envoyée à la monte chez l'étalon pur-sang, notre brave souffleur lui n'aura plus que ses yeux pour pleurer. Si elle n'est pas en chaleur, il lui arrive souvent de prendre des mauvais coups. Inutile de vous dire qu'il avait sale caractère. Mais je l'aimais, il était paisible quand je n'essayais pas de le monter. Il pouvait neiger, pleuvoir, geler à pierre fendre, il restait là, immobile le long de sa cl¶ture, sans jamais s'abriter sous son petit cabanon qui ne lui servait que de self service à foin.
Les premières années, je pris plaisir à essayer de le dompter. Bien sûr, il me fallut dompter ma propre peur. Le bougre était plut¶t rétif et je chutais un nombre incalculable de fois. Quand je finis par tenir dessus, il trouva d'autres techniques pour me désarèonner que les coups de cul ou les descentes d'épaules. Il passait sous les branches basses de son champ. Un jour, il remarqua que l'on avait oublié de remettre la barre du bas à l'entrée de la pâture, il passa dessous en trombe, je restais suspendu à la barre du dessus. Une autre fois, désespéré de ne pouvoir me vider, il se roulait par terre.
Bref, au bout de quelques années je compris que ce qui l'intéressait, c'était sa tranquillité. Je répugnais de plus en plus à l'importuner même lorsque mon ami Denis venait me bousculer pour que nous montions la bête. Entre temps, j'étais aller apprendre l'équitation dans les règles de l'art au club équestre de Baugé, en forêt de Chandelais. Je m'étais pris d'affection pour Badin, hunter immense et robuste d'û mètre 70 au garrot, c'était un vrai fauteuil, il était paisible comme un pape et il fallait une bonne dose de jambes pour l'amener sur l'obstacle. Je me dis que c'était ce gros lard qui m'avait fait louper mon second degré et je ne repassais pas l'examen.
L'été, je passais mes journées à curer les boxes ou à jouer avec Cacal et Titic, les fils du régisseur du haras. Nous construisions des labyrinthes inextricables qui causaient des colères terribles à leur père, Robert, qui souvent voyait son beau tas de paille s'écrouler sous ses pieds. Nous tatâmes de son fouet plus d'une fois. Plus tard, j'allais monter les lots au kanter, le galop d'entraînement des chevaux de course. Il fallait se lever t¶t, mais la récompense valait bien cette peine. Cette fois ce n'était plus les carnes du manège mais de vrais Ferraris.
La passion pour les chevaux me quitta un dimanche. Tout l'été, j'avais sorti un cheval à l'entraînement. Il était sympa et j'allais voir sa première course de la saison à Ecommoy dans la Sarthe. Au premier virage, il se prit un antérieur dans un trou. La jambe était fracturée net, elle se balanèait, tenue par un morceau de peau. On l'abattit froidement dans le camion du boucher. Je pleurais dans mon coin, hébété, impuissant. Alain m'apprit qu'il souffrait d'osthéoporose ou quelque chose dans le genre.
Avant ces événements, mon père, sentant sans doute la situation se stabiliser avec Folcoche nous avait inscrits comme demi-pensionnaires au collège Notre-Dame à la Flèche. Grande nouveauté, cette fois, ce n'était plus des curés mais des bonnes soeurs. Autre bonne nouvelle, le collège était mixte. J'y entrais en cinquième et je trouvais que les bonnes soeurs valaient mieux que les curés. Elles avaient l'air un peu plus sympa en tout cas. Le soir nous prenions le car pour rentrer, il lui fallait à peu près une heure et demi pour rallier les quinze kilomètres qui nous séparaient de l'école (à cause des multiples détours) .
La petite ville de la Flèche, dans la Sarthe est célèbre pour son Prytanée militaire, une école pour les fils d'officiers, qui les prépare aux grandes écoles comme Saint Cyr. Les prytanéens sont partout dans la ville avec leur uniforme, il ne sont pas peu fiers d'être dans le bahut qui accueillit en d'autre temps l'illustre Descartes. La Flèche est une ville faite de rigueur, de traditions et pétrie d'une certaine culture plut¶t "classique". Une petite ville de fonctionnaires sans histoire, ùl'on s'emmerde à mourir.
L'année de quatrième fût un grand souvenir, notre professeur de franèais, mademoiselle Diard entrepris de nous faire mettre en scène Les femmes savantes, j'avais le r¶le principal avec Véronique ma rivale de toujours, la première de la classe que je détr¶nais une fois sur deux en franèais. Je n'aimais pas son sérieux de bonne élève, mais je dois l'avouer, je lui consacrais (dans le secret de mes draps) ma première véritable érection. Elle le sut des années plus tard alors que nous nous retrouvâmes de faèon originale dans la cour du château d'Angers et vécûmes une aventure qui nous emmena jusqu'en Ecosse..
Je pris un immense plaisir à cette expérience théâtrale. Je me sentais à l'aise dans le r¶le (d'Argan ?) La pièce eut un franc succès lors de sa représentation. Tous les parents d'élèves du secondaire étaient présents. Les miens n'étaient pas là, mais je ne m'en formalisais pas, on finit par s'habituer à l'indifférence.
Aussi loin que je puisse remonter dans ma mémoire, c'est à l'âge de treize ans que je découvrais la spiritualité orientale sous la forme d'un livre de Lobsang Rampa : La robe de sagesse. C'est à cette époque, qu'avec un ami d'enfance nous nous étions promis d'aller au Tibet pour découvrir l'antique sagesse des lamas bouddhistes. Ayant passé la plus grande part de ma scolarité dans des institutions religieuses, j'avais fini par me déclarer athée.
L'impression que je garde de ces religieux et religieuses est celle de gens froids, austères et profondément frustrés. Très vite, j'exprimais fortement ma rébellion, ce qui me valut le renvoi de deux collèges consécutivement. Je n'eus pas le temps de terminer ma seconde, je laissais là Rabelais et sa substantifique moÙlle. Mon père excédé et peu ouvert au dialogue m'imposa de rentrer comme apprenti à la fabrique de poterie de son ami Robert de Montgolfier.
Dans sa jeunesse, mon père avait passé un an avec lui à Garragos, en Haute Egypte. Ils avaient monté un atelier de poterie pour les petits coptes dans le monastère des pères blancs. Pendant toute mon enfance, j'entendis parler de cette lointaine contrée africaine, des imams musulmans que l'on considérait comme saints par ce qu'ils ne faisaient strictement rien. "Celui-là, c'est vraiment un saint homme, il ne fait jamais rien disaient les habitants du village."
Il y avait aussi les grands bandits, armés de vieux mausers qui volaient les meules de foin la nuit. "Parfois, si on se levait la nuit pour pisser, on voyait marcher les meules de foin." Les jeeps qui tombaient dans le Nil et bien d'autres anecdotes croustillantes.
J'avais alors seize ans. Pour avoir passé mon enfance à jouer dans l'atelier de mon père, lui-même céramiste, sculpteur et peintre, la perspective d'embrasser ce métier ne me déplaisait pas. Tous les céramistes que j'avais rencontré étaient des artistes au mode de vie souvent marginal. Et puis j'aimais l'odeur de la glaise, j'aimais son contact sensuel. Au moment ùnous ouvrions le four, j'éprouvais un émerveillement sans cesse renouvelé devant l'oeuvre magique du feu qui avait pétrifié la terre et donné aux émaux des reflets aussi chatoyants qu'inattendus.
L'art de la céramique me semblait complet car on y utilise tous les éléments: la terre, l'eau, le feu et l'air. Le potier prenait pour moi les traits d'un démiurge sympathique et bienveillant dont l'oeuvre pouvait être contemplée sur une table tout en se rassasiant. L'oeuvre de création dans le silence de l'atelier s'apparentait à une méditation paisible. Et puis j'aimais ces odeurs de glaise mouillée, d'émaux, l'odeur que dégage la cuisson. Souvent le soir je surveillais les fours, j'adorais observer la montée en température et parfois je me brûlais les sourcils en approchant trop du regard.
Mes interrogations sur l'existence avaient commencée bien avant, à sept ou huit ans, je me souviens m'être réveillé un matin en observant le filet de lumière qui filtrait à travers les volets. Je me levais pour laisser entrer le soleil dans la pièce et à ce moment, une idée me traversa l'esprit : si derrière la réalité il y avait autre chose. Si tout ce qui défile devant nos yeux n'était qu'une sorte de projection, si on pouvait déchirer l'écran pour percevoir l'autre c¶té. Cette idée est je pense devenue par la suite un fil conducteur de mon existence. Ce n'est qu'aujourd'hui, à 39 ans que je m'interroge enfin sur le pourquoi de cette sensation. La réalité d'alors impliquait-elle tant de souffrance pour que je veuille aller "au- delà" ? ou bien était-ce une intuition qui allait conditionner mes "recherches" futures. La question ne trouvera sans doute pas de réponse avant longtemps...
Ma mère avait accroché dans ma chambre des reproductions de Gérome Bosh. Ces visions surréalistes me fascinaient. J'épouvais à chaque fois que je les contemplais un mélange de crainte et d'intérêt. Je pense qu'au fil des années elles me sont devenues familières et que les monstres qui les peuplaient ont pris un aspect plus bienveillant; je finis par les trouver comiques et facétieux.
Michèle, ma belle mère était une femme pétrie de frustrations, de jalousie, de méchanceté. Ma soeur et moi avions toujours ressenti sa présence comme une prise de pouvoir. Elle veillait sans cesse à faire passer ses enfants avant nous. Vers l'âge de quinze ans, je passais pas mal de temps dans l'atelier de mon père pour réaliser une sculpture. Après plusieurs semaines de travail, je vis un jour Michèle entrer dans l'atelier et briser ma sculpture devant moi. Mon père qui était témoin de la scène ne dit rien, il se contenta par la suite de refaire ma sculpture à l'identique.
Notre maison était remplie de livres, il y en avait dans tous les coins et très t¶t, je me mis à lire tout ce qui me tombait sous la main. Je me souviens d'avoir lu le Zéro et l'Infini vers treize ans, puis Kafka, Sartre, Camus, pratiquement tout Giono. Je me souviens très particulièrement du Roi des Aulnes de Michel Tournier. A la même époque, je lisais les revues Planète qui me fascinaient. Toutes les semaines Pilote puis Charlie Hebdo. Plus tard Boris Vian devint mon compagnon de route.
A Mongazon, l'ancien séminaire d'Angers ùmon père m'avait inscrit à nouveau pour mon année de seconde, je séchais les cours de seconde pour aller lire Nietzshe dans la Chapelle. Les existentialistes comme les nihilistes me parurent trop désespérés. Je me tournais alors vers le Yoga sur les conseils d'un ami de mon père, moine bénédictin en vallée de Chevreuse.
Plusieurs fois, je lui rendais visite dans sa petite abbaye et il m'initiait à la pratique du Hata-Yoga. La vie monastique m'attirait mais le catholicisme m'était insupportable sous tous ses aspects, doctrinaux et culturels. J'orientais alors de plus en plus mes lectures vers l'Inde et je commenèais à pratiquer la méditation d'après les conseils du Swami Shivananda. Le yoga m'apparaissait comme le moyen d'obtenir la maîtrise de soi et d'élever ma conscience vers des sphères supérieures.
Il faut dire qu'au début des années soixante dix, l'accès à certains états modifiés de conscience attirait beaucoup la jeunesse. La mode psychédélique, au travers des expériences d'universitaires américains comme Ginsberg et Timothy Leary à Harvard avait traversé l'Atlantique et les moyens chimiques comme le LSD ou le simple recourt au cannabis apparaissaient comme des raccourcis efficaces pour parvenir à l'extase. Après avoir fumé quelques joints sur le plateau du Larzac, je pensais avoir expérimenté un état de perception de l'harmonie universelle. Orgueilleux de nature, je décidais que je n'avais pas besoin de ces moyens artificielles pour atteindre ces "cîmes" et que j'y arriverai par mes propres moyens à travers le yoga.
J'installais donc un petit autel dans ma chambre avec une vieille caisse que je peignais en vert. A Angers, je trouvais dans une boutique des bougies à la cire d'abeille. Sur les conseils du Swami Shivananda, je m'efforèais de fixer mon attention sur la flamme. Je pratiquais les exercices respiratoires et les postures. Mais je ne trouvais toujours pas la paix du mental.
Et puis un jour, en lisant "pratique de la méditation", je découvrai ce conseil: pour apaiser le mental, il faut méditer sur l'image de Vishnou. Je me mis alors en quête de ce personnage dont j'ignorais tout; je me rendais dans les boutiques d'Angers et je demandais inlassablement : " Vous n'auriez pas un poster de Vishnou ?", à ma grande déception, personne ne semblait le connaître.
Et puis un jour, alors que je continuais mes recherches et étais rentré dans une librairie du boulevard Foch, je vis une scène bizarre. Une jeune femme habillée en sari était rentré dans le magasin, avait dit quelques mots que je n'avais pas pu entendre et était ressortie rapidement, elle tenait des objets dans ses bras, je ne vis pas quoi. Je feuilletais un livre sur le Tantra quand la scène se produisit, je me replongeais dans la contemplation des images, puis quelque chose venant du fond de mon être me dit que je devais rattraper cette fille. Elle n'était pas allée bien loin et je la rejoignis rapidement.
" Bonjour, je peux savoir ce que tu fais ?
- oui bien sûr, nous revenons de l'Inde, nous avons enregistré un disque dernièrement avec Georges Harrisson (elle me montrait sa photo au dos du trente trois tours)
Tu vois en Inde nous distribuons de la nourriture (il y avait également une photo corroborant ses dires), si tu veux, tu peux nous aider"
Je lui tendais cinquante francs, elle me remit le disque puis elle me dit "tiens je te donne aussi ce livre en cadeau." Le livre s'appelait la Shri Ishopanishad sur la couverture il y avait un très beau personnage à la peau bleue entouré de serpents: Vishnou. Elle me tendait aussi une petite carte d'invitation pour un repas macrobiotique qui se tenait tous les dimanches à Paris.
J'étais fasciné par ce concours de circonstances, autant que par la pochette du disque. Sur un fond noir, se dessinait un personnage à quatre têtes assis sur une grande fleur de lotus. Il semblait méditer sur un personnage qui apparaissait au dessus de lui dans un hâlot lumineux. C'était un jeune garèon aux traits enchanteurs habillé d'une étoffe jaune et qui jouait de la flûte.
Le son de l'instrument se matérialisait sous la forme d'une onde bleue qui rejoignait le front du personnage assis sur la fleur. Je me hâtais de rentrer chez moi pour écouter le disque. Je le posais sur mon pick up, et je m'asseyais en lotus pour mieux écouter. Au préalable, j'avais allumé ma bougie à la cire d'abeille (je sens encore son odeur 22 ans après). Je m'absorbais dans la contemplation des photos au dos de l'album tout en écoutant les chants.
Puis vint cet hymne: Jaya Radha Madhava, Bhagavan das entonnait un couplet et l'assemblée des dévots reprenait en choeur. En lisant la traduction je fondais en larmes,
Gloire au couple divin,
Madhava, l'Etre suprême joue dans les bosquets de vraja
en compagnie de sa bien aimée Radha,
Lui qui est l'amant des g¶pis a soulevé d'une main la colline Govardhana,
Le fils bien aimé de Yashoda est la joie de tout Vrindavana,
Il gambade éternellement sur les berges de la Yamuna."
Les choeurs entonnaient ensuite le maha-mantra : "Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare" : "Oh Seigneur ! Oh Puissance de félicité !, qu'avec amour je vous serve!
J'avais l'impression de m'immerger dans un océan d'extase, de retrouver ma demeure originelle, tout mon corps vibrait à l'amour du chant divin. J'avais la sensation de retrouver quelque chose enfoui au plus profond de moi.
Quelques semaines plus t¶t, en traînant dans une librairie de la Flèche, j'avais découvert un ouvrage qui m'avait procuré une sensation similaire bien que de moindre intensité: Les Psaumes du Pèlerin de Toukarâm. C'était un ouvrage poétique traduit chez Gallimard. Tout en marchand dans la rue, je commenèais à le lire. J'ignorais qu'en fait ces stances étaient faîtes pour cela, être déclamées par le pèlerin qui marche. Je fis pratiquement le tour de la ville, absorbé dans la lecture, je lisais à haute voix, indifférent au froid et à la nuit tombée. Je pleurais en découvrant les sentiments exaltés de ce saint marhâte du û6ième siècle :
"Je suis né dans la caste des shoudras (la plus basse),
telle fût ma chance.
car si j'étais né brahmane, mon orgueil de caste m'aurait tué.
Encore jeune, mon épouse est morte en demandant du pain.
J'ai tout perdu, mon commerce et ma réputation.
Alors je suis parti sur la route de Pandarpour
Chercher ce jeune Dieu apparu sur une brique.
Oh Vithoba! , Toukaram est ton serviteur.
Je ne sais ni lire ni écrire, mes mots ne sont pas les miens,
c'est un autre qui parle à travers moi.
Lorsqu'ils jetèrent mes cahiers dans la rivière,
je m'assis en te louant, sans boire ni manger.
Au bout de trois jours, mes cahiers réapparurent sur la berge.
........
Tu jettes des fleurs à ton Dieu,
tu lui chantes des louanges.
Mais tu n'accueilles pas ton prochain qui a besoin de toi
tes fleurs, autant de cailloux sur sa tête,
tes louanges, du crachât.
.............
Toukarâm m'avait insufflé la bhakti, est-ce lui qui guida mes pas vers les dévots de Krishna ? Est-ce lui qui m'inspire aujourd'hui à dénoncer la "caste des brahmanes" ? Une chose est sûre, il n'a jamais quitté mon coeur depuis cette rencontre dans les rues de la Flèche.
Plus tard, quand je devins responsable des relations publiques de l'A.I.C.K., je devais rencontrer le traducteur des psaumes. Un ancien jésuite, missionnaire en Inde qui était tombé amoureux d'une belle indienne et avait quitté l'ordre. Un fin lettré, un homme de coeur que j'aimerais revoir aujourd'hui. Avec son aide, nous organiserons un colloque sur la bhakti dans les locaux du Sénat.
Pour l'instant, les bhaktas ne sont pas encore d'orgueilleux brahmanes et moi, je suis dans ma chambre à Durtal. Jeune adolescent qui pense avoir fini sa révolte ou bien qui se dit qu'il a trouvé la révolte suprême. Graduellement, je découvre les préceptes de Prabhupada dans son petit livre bleu :
Tout émane de l'Absolu, tout lui appartient, notre vie ne peut donc trouver sa signification qu'en rétablissant le lien avec cette source dont nous émanons. Les paroles de Prabhupada me semblent pleines d'autorité. Prabhupada ne fait pas de compromis, il tranche. La vie est faîte pour le service rendu à Dieu, tout autre activité nous lie à la matière, au karma. Il faut nous affranchir du cycle des morts et des renaissances. Cette société matérialiste court à sa perte. Les marxistes ne m'avaient pas convaincus lorsque j'allais au meetings à la Mutualité. Prabhupada, lui, détient des réponses claires, profondes, basées sur l'expérience et sur le savoir scripturaire. Il détient la connaissance des Védas, les plus vieux textes de la planète.
Prabhupada m'apparaît comme un sage qui parle depuis son arbre de Central-Park. Ce vieil homme de soixante dix ans qui a bravé la mort pour venir sans un sou aux Etats-Unis est attachant. Il n'a pas de désir de satisfaction personnelle, lui ce qui l'intéresse, c'est de servir Krishna. Ce jeune pâtre plein de malice qui joue de la flûte et distribue le beurre aux singes de son village au grand dam de sa mère, qui lui court après et essaye en vain de l'attacher à un morceau de bois pour l'empêcher de faire ses bêtises. Prabhupada n'a pas le temps de se poser de questions, il agit. Il sait que la mort est proche, il lui faut donner ce cadeau sans pareil, l'amour de Dieu. Le Dieu de Prabhupada est petit et prend des fessées, mais èa il ne le dit pas à tout le monde.
En lisant la Shri Ishopanishad, j'ai graduellement l'impression de développer une relation avec Prabhupada. Sa philosophie me convainc, mais surtout, c'est le fait qu'il semble vivre en parfait accord avec elle. Il propose des vérités simples mais exigeantes en terme d'engagement personnel. Il ne s'agit pas cette fois de théoriser, de spéculer sur la Vérité, mais de la vivre, de la servir. Il s'agit de devenir soi-même l'instrument de l'expérience.
A ce moment là, je suis obsédé par une idée, je dois obtenir la maîtrise de soi. L'intensité avec laquelle je rejette mes pulsions est sans doute dûe à la difficulté éprouvée lors de mes premières expériences sexuelles. Mais aussi à l'impression inconsciente que le chaos qui règne autour de moi est dû à la libido incontr¶lée des adultes.
Et puis si j'acquiers la maîtrise des sens, je n'aurais plus à retourner dans la chambre de Clothilde le soir. (Clothilde est la fille de ma belle mère). Je n'aurais plus à étreindre cette fille qui m'attire mais que je n'aime pas. Je n'aurais plus à redouter la venue des parents et à vivre dans la crainte du scandale. Je pourrais enfin être libre.
C'est pour cela également que j'ai arrêté de fumer il y a quelques mois. Un jour, n'ayant plus de cigarettes, j'ai dû prendre mon vélo pour aller jusqu'au village en chercher. Cette tyrannie m'était apparue intolérable. A la même époque, je fis le voeu de ne plus jamais boire d'alcool. Les ouvriers de l'usine Montgolfier nous avaient fait tomber dans un traquenard. Avec mon camarade d'apprentissage ils nous avaient fait boire toutes sortes d'alcools, j'ai été si malade que j'ai cru mourir.
De plus en plus, j'avais orienté mes lectures vers l'Inde, "Les lettres à l'Ashram de Gandhi", Sadhana de Shri Aurobindo, la Bhagavad-Gita... De plus en plus, l'image du yogi maître de lui et vivant au-delà du monde était devenu mon modèle. Alors, quand je vis sur la pochette du disque des dévots de Krishna ces photos d'hommes rasés, habillés de robes safrans, chantant pied nus sous le soleil du Bengale, ma fascination devint totale. Je relevais l'adresse du temple de Paris et j'écrivis pour faire part de mon intérêt pour la Conscience de Krishna. Quinze jours plus tard, je recevais une réponse de Jyotirmayi devi dasi, une disciple de Prabhupada qui m'envoya un exemplaire du magazine Back to Godhead ainsi qu'une lettre très personnelle d'encouragements. Je me sentais des ailes, la joie d'avoir un contact personnel avec les dévots était immense. Je répondais donc à Jyotirmayi en lui demandant comment je pouvais devenir moi même dévot de Krishna et j'en profitais pour commander deux nouveaux livres : "Conscience et Révolution" et "Antimatière et éternité".
Jyotirmayi me répondit à nouveau, elle m'expliquait les règles de base du Bhakti Yoga: les quatre principes régulateurs et le chant du mantra Hare Krishna sur un chapelet. Je m'empressais de mettre ses conseils en application . Ma vie devint graduellement de plus en plus réglée selon les principes du Yoga. Le soir, en rentrant du travail, je m'enfermais dans ma chambre pour pratiquer ma sadhana (postures, respirations, méditation, récitation de mantra).
Je renonèais à regarder la télévision pour ne pas ingurgiter des images et des émotions qui échapperaient à mon contr¶le. J'espaèais de plus en plus mes pratiques solitaires; je m'autorisais cependant une masturbation hebdomadaire le vendredi (jour de vénus), en prenant un bain bien chaud.
Puis vint le jour ùje décidais de me rendre à Paris pour répondre à l'invitation que m'avait remise la dévote rencontrée quelques semaines plus t¶t dans les rues d'Angers. Je me rendais en stop au Mans ùje prenais le train pour la gare Montparnasse. J'empruntais ensuite le métro pour me rendre dans le û6ième arrondissement.
Le temple des dévots se situait rue Lesueur, à quelques centaines de mètres de la place de l'Etoile. Elle est célèbre pour avoir abrité le sinistre docteur Petiot qui faisait griller ses victimes juives pendant la seconde guerre mondiale, après leur avoir fait croire qu'il allait les faire passer en zone libre. Ma première tentative échoua, je traînais dans Paris, allais voir une prostituée qui me demandait de payer plus pour pouvoir toucher ses seins, elle était dure, sans aucune affection.
Je reprenais le métro pour aller voir mon ami moine à St Rémy les Chevreuses, je me trompais de rame et atterrissais au terminus opposé après m'être endormi. Je finis par échouer devant la porte du temple que je n'osais pas franchir. Finalement , j'allais m'enfermer dans une salle obscure ùl'on jouait une version de Dracula. Le week-end était terminé et je reprenais la route en sens inverse, direction Durtal.
Je dus reprendre le travail et ma vie ascétique. Paris décidément avait sur moi l'effet d'une grande tentatrice, je n'avais pas réussi pour cette fois à franchir les gardiens du temple.
Quinze jours plus tard, je recommenèais une nouvelle tentative. Cette fois, j'allais directement au temple. Devant la porte, je découvris sur le sol des dessins de Mandalas, des diagrammes de bonne augure. Une plaque de cuivre annonèait : Association Internationale pour la Conscience de Krishna. Fondateur Acharya : Sa divine Grâce A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada. Je poussais la porte; aussit¶t je me sentis envahi par des effluves d'encens et un mélange d'odeurs très particulier d'épices, de fleurs et de propreté. Il me semblait que les pièces baignaient dans une lumière spéciale, qui me faisait penser à l'énergie irradiante provenant d'un autre monde. Quelqu'un dû m'accueillir à l'entrée avec un grand sourire et un accent anglo-saxon. Il me dit d'aller dans la salle du temple.
Au moment ùj'entrais dans la salle du temple, quelqu'un souffla dans un gros coquillage blanc. Cela fit un bruit sourd et vibrant. Tous les dévots étaient prosternés à même le sol, sur le carrelage en damiers noir et blanc. Seul un enfant se tenait debout, il aspergeait tout le monde avec une espèce de poire à eau bénite. Il devait avoir quatre ou cinq ans, il était complètement rasé sauf bien sûr pour la sikha (la petite mèche derrière le crâne) et entièrement habillé d'étoffe de coton de couleur orange vif. Je crus voir un ange tombé du ciel. Les dévots prosternés récitaient tous en choeur des prières sanskrites incompréhensibles. Rapidement, chacun s'assit à même le sol et quelqu'un entonna un chant que l'assemblée reprenait après chaque couplet. A ce moment, je pus voir distinctement la forme des divinités du sanctuaire. On aurait dit d'immenses figurines en porcelaine dans une maison de poupée géante avec de lourds rideaux en velours rouge.
Elles étaient vêtues d'habits rutilants, faits de velours, de paillettes, de soie, dans une débauche de couleurs et de fleurs. Cela me faisait penser à la fête foraine et je trouvais èa d'assez mauvais goût. Mais les plus grandes des poupées, qui formaient un couple avaient de grands yeux souriants ainsi qu'un air bonenfant et bienveillant que je dûs découvrir par la suite. Il s'agissait bien sûr de Krishna et de sa compagne éternelle Radha.
Quand le chant fut fini, que le bruit du tambour et des cymbales s'arrêta, un dévot se saisit d'un gros livre qu'il posa sur un petit trépied et dont il commenèa à lire des versets en sanskrits. Je fus soulagé quand il lut la traduction. Il commenèa son prêche en expliquant qu'à notre époque, l'âge de Kali, âge de décadence, nul n'est apte à pratiquer les voies sévères de réalisation de soi par le hâta yoga et la méditation silencieuse. Par contre, nous dit-il Shri Chaitanya a rendu l'oeuvre de réalisation spirituelle joyeuse et facile par le chant des saints noms de Dieu que l'on peut pratiquer à n'importe quelle heure du jour et en tous lieux. Le Saint Nom de Dieu est empli de toutes les puissances de la divinité continua-t-il et quiconque les chante sans commettre d'offense peut bient¶t voir Krishna danser sur sa langue. J'étais conquis, c'est vrai que j'avais déjà expérimenté la puissance de ce chant grâce au disque acheté à Angers dans la rue.
Maintenant, je rencontrais des gens qui pratiquaient cette méditation sonore au quotidien. J'avais aussi ressenti cette extase dont il parlait, ù tout le corps est envahi d'une félicité indescriptible, et des vagues d'émotion d'une intensité immense vous baignent intérieurement. Je savais que j'avais trouvé l'endroit auquel j'aspirai depuis plusieurs années.
Il nous parla ensuite de la réincarnation. "L'âme transmigre de corps en corps, elle voyage à travers toutes les espèces de la création; du royaume végétal au royaume animal. Lorsqu'enfin elle atteint la forme humaine, alors elle peut se libérer de ce cycle infernal par la pratique spirituelle en prenant refuge au pieds pareils au lotus de Krishna. Mais il n'est pas possible d'approcher Krishna directement, ce n'est que par la grâce de son représentant sur Terre, le gourou que l'on peut comprendre et servir Krishna....."
Puis vînt la fin du prêche, l'assemblée récita encore quelques incantations sanskrites, se prosterna et chacun se leva. Quelqu'un m'invita à venir à l'étage pour manger une collation, je le suivais volontiers.
Nous nous assîmes en tailleur sur le parquet fraîchement verni d'une grande pièce aux multiples fenêtres mais sans aucun meubles. Seules de grandes reproductions de Krishna sur les murs égayaient l'endroit. On m'apporta bient¶t dans un récipient en plastique quelques préparations dont le goût n'évoqua rien de ce que je connaissais. C'était plut¶t doux, avec de la cannelle et d'autres épices. Et là, on en profita pour m'expliquer les vertus du végétarisme. J'écoutais les arguments avec attention car il est vrai que je n'avais jamais pensé à cette aspect du yoga. Il faut dire que j'étais plut¶t carnivore, n'ayant jamais aimé les légumes, je pouvais lorsque j'étais enfant manger des morceaux de steak cru avec un peu de sel, ce qui irritait ma mère. J'étais également un mangeur invétéré de saucisson, ce qui constituait les cadeaux que j'affectionnais le plus lorsque j'étais pensionnaire à Mongazon. Alors le végétarisme.... pourquoi pas me dis-je. Les dévots reliaient ce principe à la non-violence, c'est vrai que je venais de lire Gandhi dont les idées m'avaient plu, je fus donc vite convaincu.
Les dévots m'invitèrent à passer la nuit au temple pour pouvoir assister aux cérémonies du matin. J'étais heureux et flatté à la fois. On me donna donc un sac de couchage et après avoir nettoyé le sol ùnous avions mangé, chacun étendit sa couche sur le parquet vernis. Il devait être neuf heure et demi ou dix heure lors de l'extinction des feux. J'étais dans un état d'euphorie intense et je ne dormis pas de la nuit, je revisualisais toutes les expériences de la journée, je m'émerveillais d'avoir découvert un endroit qui semblait concrétiser parfaitement l'aboutissement de mes recherches méta- physiques.
La nuit s'écoula rapidement, à trois heure et demi tout le monde se mit sur pied, roula son duvet en silence et se rendit à la salle de bain. J'étais étonné de voir qu'avant de se coucher comme avant de se lever, les dévots se prosternaient en récitant une prière sanskrite. En fait ils le faisaient également avant et après manger, ainsi qu'au début et à la fin de chaque cérémonie. Ce qui fait que dans une journée, ils répétaient ce geste des dizaines de fois. Ayant pris notre douche, nous descendîmes dans la salle du temple. Il devait y avoir soixante ou quatre vingt personnes dans cette salle qui devait faire soixante dix mètres carré et avait dû par le passé servir comme salle de réception de cet h¶tel particulier qui hébergeait sans doute une riche famille bourgeoise.
Encore une fois j'entendis ce bruit de conque qui semble résonner dans vos poumons. Puis les rideaux s'ouvrirent comme au théâtre, révélant les poupées de Krishna, cette fois dans un habit plus sobre, j'appris par la suite que c'était leur pyjama car on déshabille les murtis chaque soir avant de les mettre au lit symboliquement. Les dévots assemblés commencèrent à entonner doucement leurs chants pour réveiller les mourtis. Puis graduellement, le rythme s'accélérant, les cymbales et les tambours se faisant plus pressants et plus bruyants, les dévots commencèrent à danser et à sauter sur place. Le tout se terminant dans une ronde effrénée. Je remarquais cependant que les filles restaient en retrait et qu'une ligne de démarcation bien nette empêchaient les hommes de se mêler aux femmes pendant la cérémonies. Le mangala aratika dura environ une demi-heure, je me demandais comment les voisins pouvaient tolérer un tel bruit à quatre heures du matin.
Vint ensuite une étrange cérémonie. Les dévots se réunirent en cercle, se prosternèrent, commencèrent à réciter des prières. Lorsque nous nous relevâmes, nous étions tous autour d'une petite plante, posée dans un grand pot sur un petit guéridon. A nouveau les chants accompagnés des cymbales et du mridanga reprirent de plus belle ainsi que les danses bient¶t frénétiques. Quand tout se calma, que l'on se fut prosternés, chacun alla arroser la plante avec une petite cuillère, mettant ensuite un peu de la terre du pot sur son front et se prosternant à nouveau. J'étais sidéré qu'on puisse rendre un culte à un pot de fleur. Mais on m'expliqua par la suite qu'il s'agissait de Tulassi, une pure dévote de Krishna qui avait choisi de se réincarner sous cette forme pour toujours être aux pieds de son Seigneur et qu'elle avait le pouvoir de pardonner toutes les offenses commises, même le meurtre d'un brahmana.
Une fois ce rituel terminé, les dévots s'assirent sur place et commenèa la période du japa, la méditation sur le chapelet. Un dévot vint m'expliquer le procédé et me donna un chapelet pour que je puisse pratiquer. Il m'expliqua qu'il ne fallait pas toucher cet objet sacré avec l'index, doigt impur parce qu'il désigne parfois des objets impurs; ni avec la main gauche (très impure car elle sert à se laver l'anus) et surtout ne pas le poser sur le sol, ni l'emmener dans les toilettes.
Ces recommandations me parurent bizarre mais j'étais impatient de me livrer à la méditation en compagnie des dévots. Je m'assis donc en lotus et concentrais toute mon attention sur la vibration sonore. Au bout d'un quart d'heure environ, je vis que la plupart des dévots se levaient pour marcher tout en continuant à réciter leur mantra. Certains affichaient des mimiques étranges, articulant exagérément et se livrant à ce qu'il serait convenu d'appeler de véritables grimaces. D'autres secouaient la tête violemment comme s'ils étaient en proie à une lutte intérieure intense. D'autres enfin, qui étaient restés assis s'endormaient toutes les cinq minutes, le haut de leur corps plongeant en avant, pour s'arrêter soudain dans sa chute et se redresser sous l'impulsion d'une volonté qui lutte pour se réveiller. J'observais d'un oeil ce qui se passait, mais j'étais avant tout préoccupé par ma propre méditation, comme l'était sans doute chacun d'entre nous. Ce qui nous empêchait certainement de ne pas rire du comique de l'ensemble. De rares dévots cependant semblaient maitriser leur méditation et s'absorber dans le mantra avec un air paisible.
Le japa dura à peu près jusqu'à sept heures du matin. Puis vint la classe, on nous parla encore une fois de karma, de réincarnation, de divertissements divins et de service de dévotion. Puis ce fût la cérémonie du Gourou pouja, l'adoration au gourou. Sur le tr¶ne (le Vyasasana) était placée une grande photo de Prabhupada et les dévots venaient à tour de r¶le offrir une poignée de fleur avant de s'allonger de tout leur long aux pieds du siège pontifical. Tout dans le temple de la rue Lesueur semblait baigné dans une paix lumineuse.
Pendant six mois environ je vais faire les allers et retours entre Paris et Durtal. Entre temps, je convertirai mon ami Bruno qui rejoindra le temple à temps plein, un peu avant moi. N'ayant plus personne en Anjou avec qui m'entretenir du service de dévotion, je décidais en juin û975 de rallier la communauté d'Oublaisse. Mon père me conduira sur les lieux au volant de sa Mercedes en me disant que j'allais vivre la plus grande aventure, l'aventure de l'âme. Avant de me déposer à la communauté avec une valise, il s'arrêta à la droguerie d'Ecueillé pour m'acheter un couteau suisse qu'il m'offrira en guise d'adieu.
C'était il y a deux ans, mon livre qui tombe par terre me réveille et me revoici dans la matrice métropolitaine. Mon sac de livres est vide comme d'habitude. Demain je pars en Alsace avec Radhika Ramana. En plus de la distribution des livres, nous allons organiser des festivals dans les villages autour de Strasbourg.
Le voyage en Alsace se déroule au fil des mantras, à l'arrière du camion, je sombre dans un sommeil profond pendant plusieurs heures. Nous ne sommes pas censé dormir plus de six heures mais ces derniers temps je m'endors souvent pendant les trajets.
La campagne d'Alsace s'annonce moins dr¶le que celle de Normandie. Après la journée de porte-à-porte qui s'achève vers û9 heures, nous allons coller les affiches pour les festivals du week-end. Nous dormons toujours dans notre camion. Ce n'est plus le vieux J7 mais un citroÙn tout neuf aménagé avec une petite douche à l'intérieur dans une cellulle du plancher en bois surélevé sur laquelle nous vivons le reste du temps à cinq. Mais le matin, le plancher est trop encombré d'affaires alors Mahabala a jugé qu'il était plus pratique de se baigner dans la rivière. Nous sommes en novembre, en Alsace, à quatre heures du matin, l'eau est .....froide. Les journées de douze heures m'épuisent. En plus, à mon tour, j'ai attrapé un énorme furoncle sur la nuque. Il me fait souffrir et m'empêche de m'absorber en méditation comme d'habitude. La semaine passée à Oublaisse, une dévote infirmière a extrait le pûs plusieurs fois, j'en ressortais vidé; mais le furoncle, lui, se remplissait à nouveau. Malgré la souffrance, je retirais du plaisir de cette situation. Cela faisait des années qu'une femme ne m'avait pas touché affectueusement.
Ce matin, après le saut dans la rivière, je suis pris de violentes douleurs dans les poumons alors que je récite mon chapelet sur le plancher de bois. Hare Krishna, Hare Krishna! J'ai mal Seigneur. La douleur persiste toute la journée, j'ai de la peine à respirer, je dois m'allonger dans mon sleaping bag. Je ne vais pas tirer les sonnettes, combien d'âmes ne seront pas sauvées aujourd'hui?
Le lendemain, Mahabala décide de m'emmener à l'h¶pital. On me fait des radios, on diagnostique un pneumothorax, on m'enfonce un troquard entre les c¶tes, je crie mais il paraît que c'est bon. On me branche sur une pompe qui aspire l'air qui s'est introduit entre les parois de la plèvre, je hurle, mais on me dit qu'il faut èa pour remplir les poumons au maximum. Pendant mon séjour, on en profite pour m'inciser le furoncle que j'ai à la nuque.
Le contact du scalpel est doux comme une caresse tant il me soulage de cette infection purulente. Je dors toute la journée, pendant les quelques heures d'éveil, j'essaie quand même de réciter mon mantra, Hare Krishna, Hare Krishna, mais je sombre rapidement. Les infirmières sont jeunes et pratiquement nues sous leur blouse, elles sont affectueuses, je souffre d'érections. Je suis cloué dans un lit, relié à une pompe par les poumons et tout ce que je trouve à faire, c'est de bander. Je finis par me caresser, après deux ans de chasteté absolue. On me débranche un jour et l'on me fait prendre un bain bien chaud. J'en profite pour me masturber, et je ne peux m'empêcher de penser qu'il est bon de jouir losrque mon sperme s'écoule sur mes doigts.
Mais les jours qui suivent, je suis pris de remords, je me lève la nuit pour réciter des tours de chapelets dans une salle de lecture afin de m'amender. Je culpabilise comme un fou de ma faiblesse. Comment puis-je me laisser aller de la sorte alors que j'ai fait le serment de suivre les principes régulateurs le jour de mon initiation. En plus dans mon lit, alors que j'étais à moitié comateux, j'ai eu des pensées sexuelles pour ma mère, comment puis-je être aussi pervers? Je dois absolument me purifier pour me requalifier, un dévot de sankirtan ne peut pas être victime du désir sexuel. J'essaie de reprendre le dessus sur mon mental dans un combat titanesque.
Au bout de quinze jours, on estime que je suis prêt pour sortir, Mahabala vient me chercher. Mais alors que nous sortons de l'h¶pital, une douleur aig³e me prend du c¶té gauche cette fois. J'ai du mal à marcher et à respirer, on me ramène à la salle de radios. Les médecins diagnostiquent à nouveau un pneumothorax, mais sur l'autre poumon.
On me retroquarde, on me remet sous aspiration; je reste quinze jours de plus à l'h¶pital. Lorsque je sors, à ma grande surprise, les dévots ont loué une maison. Je pense que Bhagavan, traumatisé par la perte de ma collection a décidé que l'époque des autérités inutiles était terminée. Mais j'ai besoin d'une convalescence, vu mon jeune âge et craignant des complications, les dévots décident d'appeler mon père qui vient me chercher à Strasbourg au volant de sa BMW. C'est la première fois depuis deux ans que je retourne dans ma famille. Sur la route j'écoute l'autoradio Bluepunkt et je réprimande mon père qui s'arrête pour boire un café.
De retour à Durtal, on me met douillettement dans mon lit et madame Closier, la gouvernante me cuisine des petits plats végétariens à base de riz complet et de légumes. Je mange comme quatre pendant quelques jours et finissant par souffrir de la maladie de mon enfance, l'ennui, j'appelle Radhika Ramana à Oublaisse pour qu'il vienne me chercher. Celui-ci s'exécute et dans la journée vient m'enlever aux griffes de maya à l'aide d'une 4L commerciale blanche. Sur la route du retour, il manque de nous envoyer dans le décor en roulant sur un terre plein. Radhika me donne l'impression d'un géant qui fonctionne avec un minimum d'énergie matérielle. Son corps immense ressemble parfois à celui d'un pantin désarticulé. Le saint ne vit pas pour son corps me dis-je, c'est son corps qui tente péniblement de suivre son âme.
Enfin à Oublaisse, je retrouve ma chère ambiance dévotionnelle. J'atterris dans le dortoir des bramhacharis mais je ne me lève plus le matin pour le mangal aratik et je reste couché toute la journée, j'en profite pour lire de bout en bout le Shrimad Bagavatam. Pris de compassion, les dévots me proposent de me transporter au temple le matin pour que je puisse assister au programme spirituel. Je m'assieds dans un coin du temple sur un coussin et je regarde les cérémonies mais les douleurs reviennent assez vite et je dois retourner m'allonger après le mangal aratik vers cinq heures.
Les dévots me regardent avec l'oeil attendri qu'on jette sur un martyr. Je pense que si j'étais mort à cette époque comme certains le prédisaient, je serais devenu un saint au calendrier dévotionnel. Je n'ai pas eu la chance de Thérèse de Lisieux. Il faut dire que je n'avais pas les glaires tuberculeux d'un compagnon de souffrances à avaler.
Dans leur immense compassion, les dévots ne supportent pas non plus que je puisse me rendre au temple sans avoir pris une douche au préalable. Alors, Haribolananda me monte un grand seau d'eau chaude et une bassine tous les matins. La sollicitude spirituelle est telle à mon égard qu'au bout de deux mois, je suis à nouveau hospitalisé. A l'h¶pital de Tours, les médecins me disent qu'il faut procéder à l'ablation de la plèvre, que c'est une opération bénine. Ils me convainquent avec des arguments commerciaux et le sourire d'une infirmière.
Au retour de la salle d'opération, je suis attaché à mon lit, sous perfusion et un masque énorme m'insuffle de l'air à rythme régulier. Une douleur atroce me tenaille dans tout le thorax. Je finis par apercevoir quatre tubes, comme des tuyaux d'arrosage qui me sortent entre les c¶tes. J'apprendrai bient¶t leurs noms savants: des redons. La souffrance est telle que dès que je peux ouvrir la bouche, dès que l'effet de la morphine se dissippe je hurle comme un bébé. Compassionnée, l'infirmière dépasse un peu les doses autorisées, mais ce n'est pas suffisant pour m'empêcher de crier pendant quelques heures par jour.
Puis vient le jour ùl'on doit m'enlever les redons. Le chirurgien les arrache violemment d'un coup me laissant me tordre sous les spasmes et sous le choc. Il se tourne vers l'infirmière d'un air agacé en demandant: "qu'est-ce qu'il a ?" La pauvre n'en revient pas et me gratifie de quelques soins affectueux après son départ.
De retour au château d'Oublaisse, Bhagavan, impressionné par mes énormes plaies décide qu'il me faut cette fois un minimum de confort, il m'installe dans la seule chambre du château ùil y ait un lit, la chambre de Prabhupada. Il a dormi dans ce lit l'année dernière lors de sa visite et la chambre est dotée d'une salle de bain attenante ce qui m'évite les déplacements inutiles.
Est-ce le passage de Prabhupada en ces lieux qui fait qu'à cette époque je parviens à des états de méditation cristalline? Restreignant mes mouvements au maximum, je m'absorbe dans des visualisations qui m'emènent sur les rives du Ganges. J'imagine des services somptueux que je rends à Krishna avec des récipients en or, je me rends dans toutes les rivières sacrées de l'Inde pour collecter leurs eaux et je lave ensuite les pieds de ma petite mourti mentale. Ces méditations qui durent des heures me procurent une paix indicible. J'ai repris le dessus sur mon mental et sur mon sexe et graduellement ma santé semble se rétablir.
J'ai été proposé pour l'initiation brahmanique, la deuxième initiation. Je n'ai parlé à personne de ma défaillance à l'h¶pital quelques mois plus t¶t. Il faut dire que le sexe est un sujet que personne n'aborde jamais, il en va comme si la sexualité avait été abolie de l'existence des dévots. Je me sens un peu coupable d'accepter l'initiation dans ces conditions mais je nourris depuis toujours une telle admiration pour les brahmanas que je finis par me dire que mon omission n'est finalement pas si grave. En Inde, le brahmane est le plus haut dans l'échelle sociale, ce qui fait sa force, ce n'est pas son pouvoir politique, ni sa richesse, au contraire, il est censé être complètement désintéressé et cultiver avant tout la pureté, l'austérité, la simplicité et la connaissance. Les brahmanes pour se distinguer des autres castes portent autour du cou un cordon de coton qui descend en travers de la poitrine, c'est le cordon des deux fois nés.
Le jour de l'initiation, un grand feu de sacrifice est allumé nous sommes quatre ou cinq à recevoir le rite. Adiraja un américain costaud, Kuthasta un canadien; Narakantaka qui est belge et moi, peut-être y avait-il une fille, mais à l'époque, je ne regarde pas les femmes. Pendant la cérémonie, Bhagavan me réprimande car je n'ai pas mon collier traditionnel de perles de toulassi autour du cou. Je lui réponds que je l'ai cassé il y a quelques temps et que je n'ai pas eu le temps de le réparer. La vérité c'est que je me moque un peu de ces signes extérieurs. Depuis mes opérations, j'ai pris l'habitude de me laisser pousser les cheveux et je n'ai constaté aucun effet notable sur ma conscience.
Le lendemain, Bhagavan qui devait me donner le mantra secret, le gayatri, est pris de fièvres violentes, il souffre de la thyphoïde. Il a dû contracter le virus lors de son dernier voyage en Inde. Il sombre dans un état comateux et on doit l'hospitaliser. C'est Pritou Poutra swami qui me donne donc le fameux mantra. ...Om bhur bhuva sva tat savitur varenyam.....
Le soir je m'endors en tenant fièrement mon cordon brahmanique dans mon sac de couchage. Je suis désormais un deux fois né, Prabhupada a brûlé tout mon karma. Je me sens léger comme un goéland, je ne regrette pas d'avoir vécu toutes ces épreuves.
Il y a certainement un pouvoir magique dans cette initiation rituelle. Elle nous relie avec un égrégor très puissant et très ancien que sont venus nourrir des milliers de brahmanes depuis des milliers d'années. J'ai l'impression de pénétrer dans un monde nouveau, un monde de limpidité. Le défaut majeur cepandant des brahmanes, c'est une certaine arrogance qui naît de leur certitude d'être situé dans le savoir vrai. De celà, nous ne sommes pas exempts. C'est la faille de l'armure qui va permettre au Kali Youga de s'infiltrer dans le mouvement de Prabhupada.
Le Kali Youga, c'est l'âge noir, l'âge de fer qui dégrade tout, qui pollue tout, qui fait sombrer la conscience humaine dans la mesquinerie et la querelle, dans la guerre et la tuerie. D'après les astrologues indiens, nous sommes entrés dans le kali-youga après le départ de Krishna il y a cinq mille ans et il est censé durer 432000 ans au total. Il est le dernier cycle d'un parcours astrologique durant des millions d'années et qui voit l'humanité passer par quatre stades différents.
Selon les brahmanes, durant le premier cycle, le Satya youga, les hommes vivent en harmonie totale avec les lois universelles et ont une espérance de vie de cent mille ans. Au cours du second cycle, le Treta Youga la situation se dégrade quelque peu et l'espérance de vie chute alors à dix mille ans. Pendant ces périodes fastes, les védas nous disent que l'homme a le privilège de recevoir la visite de dévas, les habitants des planètes supérieures qui marchent paisiblement sur la Terre après avoir posé leurs vaisseaux spaciaux et s'unissent parfois avec des terriennes. Ils donnent alors naissance à des demi-dieux aux pouvoirs exceptionnels comme Arjuna ou Bhima dont les exploits sont rapportés dans le Mahabharata.
Bhagavan reste trois semaines à l'h¶pital. Pendant ce temps, Pritou poutra swami, l'ange noir, essaye de prendre le pouvoir à sa place afin d'occuper son poste de G.B.C. Depuis quelques temps, un petit groupe de dévots, en fait la plupart des intellectuels qui travaillent aux éditions Bhaktivedanta, nourissent une polémique contre Bhagavan. Ils estiment qu'il ne les consulte pas suffisamment dans ses prises de décision. Pour eux, l'installation dans l'h¶tel particulier de la rue Lesueur ainsi que l'achat du château d'Oublaisse sont des erreurs. Ils pensent à juste titre que le public franèais ne s'y retrouve pas dans ces choix des dévots. L'image du luxe ne convient pas aux moines mendiants.
Pendant quelques temps, les nouvelles sur la santé de Bhagavan sont inquiétantes, il est à l'article de la mort. Les manoeuvres de Pritou pour le détr¶ner sont déplacées et maladroites et lorsqu'il rentre très affaibli à Oublaisse, Bhagavan va remettre de l'ordre dans les affaires. A cette époque, un groupe de dévot va rentrer en dissidence et s'installer dans le midi, du c¶té d'Aix et d'Avignon. On compte parmi eux Jayantakrit, Janardradi et Boutakrit, ils ouvrent un restaurant indien à Aix en Provence et un petit centre de Bhakti yoga.
Cette épisode va contribuer à endurcir considérablement le caractère de Bhagavan qui va devenir désormais de plus en plus tyrannique. La révolution des têtes pensantes franèaises l'inciteront à ne s'entourer dorénavant que d'américains pour diriger le pays. Désormais on entendra les phrases suivantes:
" don't be over intelligent" (ne sois pas trop intelligent), "don't think too much" (ne pensez pas trop). "Just do waht you are told to do" (ne fais que ce que l'on te dit
En bon lecteur de Machiavel, il appliquera à la lettre le principe selon lequel le prince ne doit pas choisir ses lieutenants parmi ses pairs mais les sortir de la boue afin de s'assurer de leur reconnaissance éternelle.
Ainsi, plut¶t que de donner les responsabilités aux dévots franèais dévoués et fidèles depuis des années, il préférera aller chercher des américains ayant quitté le mouvement depuis quelques temps et étant revenus à leurs anciens vices, surtout la drogue. Il prendra ces anciennes stars déchues dans un tour du monde avec lui autour de ses temples et une fois requinqués, il les parachutera à un poste clef du mouvement. La méthode est infaillible, les hommes eux malheureusement ne le seront pas et l'éthique des premiers temps en prendra plus qu'un coup dans l'aile.
C'est comme cela qu'au printemps û977, on verra apparaître un certain Yogeshandra. Gros américain qui aurait pû jouer dans le r¶le d'Eisenhower, il ne lui manquait que le barreau de chaise et la bouteille de wiskhy. Yogeshandra était encore i l y a peu ce que l'on appelle un "dévot grillé",(burned out devotee) trainant sa déprime de pays en pays. Mais Bhagavan n'ignore pas que l'homme a été l'un des dirigeants du Radha Damodara Party aux Etats-Unis. Cette équipe de dévots écumait les States à bord de grands bus aménagés, organisant de grands festivals dignes des années pop et de Woodstock, un des leaders de l'équipe était guitariste d'un groupe célèbre dans les années soixante: le Jefferson Airplane. Mais surtout ce qui intéresse Bhagavan, c'est que Yogeshandra a dirigé les ventes de livres sauvages sur les parkings et collecté des monceaux de lakshmi (terme désignant l'argent en langage dévot). Bhagavan ne se soucie pas de savoir comment s'est terminé l'expérience, à cette époque, il a besoin d'asseoir son autorité et surtout de rétablir la situation financière qui n'est pas brillante.
Il envoie donc Yoguesh. à Marseille ùun groupe de dévots s'est installé et là il va pouvoir mettre en oeuvre les méthodes américaines. Je me trouve pris dans la tourmente alors que l'été arrivant, j'estime être suffisamment reposé de ma maladie pour retourner à l'assaut de l'âge de Kali ( la déesse de la guerre). Je rejoins donc l'équipe de Marseille en train et j'arrive, fier nouveau brahmane, dans ma robe safran, mon crâne fraîchement rasé. Mais je vais rapidement réaliser que les temps ont changés, les dévots sont habillés en civil, ils portent des perruques et il n'est plus question de la tactique du lézard qui nous faisait découvrir les moindres recoin d'une ville.
Désormais, tous les efforts sont concentrés sur un point : les parkings des supermachés ou comme dirait Yogueshandra : "the parking lots"... avé l'assan s'il vou plé.
Il va désormais régner une véritable frénésie. Yogueshandra instaure le principe de la compétition pour l'émulation. Au temps de la distribution en dhoti et crâne rasé, nous nous efforcions de ne pas mettre les scores en avant, à une certaine époque, nous avions même instauré de remettre la collection dans une boîte commune sans déclarer les résultats individuels. Maintenant, nous vivons sous le régime du quota et des grilles de résultat. On va bient¶t évaluer chacun en fonction de ses "scores". Les méthodes aussi changent considérablement, la constante étant le mensonge et la dissimulation; le slogan devenant : la fin justifie les moyens.
A partir de cette époque, tous mes souvenirs se résument en un mot: souffrance. C'en est fini de la poésie et de la candeur des débuts on entre dans l'affairisme forcené. Les moines mendiants vont se transformer en business moines. L'épisode des pneumothorax a plus qu'entamé ma résistance mais on ne me concède aucun régime de faveur. Comme les autres je passe environ dix heures sur les parkings et je me lève à cinq heures du matin. Je sombre parfois dans un sommeil si profond que j'ai l'impression de tomber au fond d'un puits. Il y a toujours quelqu'un à ce moment pour venir me secouer dans ma torpeur, Prabhupada a dit que ceux qui dorment plus de six heures sont dans tamas. Tamas c'est la force d'inertie, l'ignorance qui détruit l'univers. Pour les indiens, l'univers est régi par trois principes: Rajas, la passion qui crée toute chose gouvernée par le dieu Brahma à quatre têtes; Sattva, la vertu qui maintient par la stabilité et dont s'occupe Vishnou; et enfin Tamas, la force obscure de la destruction confiée au grand Shiva. Tout est censé être sous le contr¶le de ces forces primordiales, le yogi est celui qui s'est élevé au dessus des trois gounas.
Etre dans tamas chez les dévots, c'est l'insulte suprême. Mes journées sur les parkings sont un véritable martyre, la fatigue me tenaille sans cesse, mais je tiens bon. J'ai malgré tout des scores respectables, au delà des mille francs par jour. Au bout de quelques mois, Yogueshandra décide même de me confier la direction d'une équipe et l'on me donne le secteur de Lyon. Je n'ai aucun goût particulier pour le commandement, mais il faut bien "pousser la mission". Nous allons d'h¶tel en h¶tel. Narakanthaka qui est avec moi brûle régulièrement le repas du matin en s'endormant sur sa casserolle pendant que je donne la classe. L'autre jour, je le réveille, il sursaute et pose sa casserolle sur le sol. Quelques minutes plus tard comme il s'est rendormi, je lui demande de soulever la casserole. En dessous il y a un énorme trou noir dans la moquette verte. Nous quittons l'h¶tel le jour même. Narakantaka me rassure en m'affirmant qu'il a entendu le patron dire qu'ils allaient refaire toutes les chambres. Il avait passé le reste de la classe à essayer de gratter son forfait avec une cuillère.
La difficulté majeure que nous avons avec les h¶tels s'est de monter tout l'équipement de la cuisine sans faire de bruit. Une autre difficulté que nous rencontrons, ce sont les couples bruyants, nous sommes restés chastes malgré les changements de tactiques. Un jour les cris sont si forts que je ne peux m'empêcher d'éjaculer dans mes draps; je pense qu'il s'agissait d'un couple d'homosexuels.
En novembre û977, notre petit monde sécroule, Prabhupada qui était malade mais que l'on pensait peut-être éternel a quitté son corps. Il est retourné à Krishna. Lorsque j'apprends la nouvelle je vais pleurer dans une église avec Jagat shresta. Nous restons hébétés incapable de rien faire pendant des heures. Nous rentrons le soir avec nos sacs encore pleins de livres. Nous rentrons d'urgence à Paris. Bhagavan est aussi anéanti que nous, pour l'instant. Et graduellement, se sentant l'héritier du maître, il s'attribut bient¶t tous les pouvoirs. Avec Prabhupada, quelque chose est mort. Nous entrons sans le savoir dans l'ère de la tyrannie et de la démence.
Au fil des mois qui passent la fatigue me poursuit, et je finis par ne plus pouvoir lire les enseignes des magasins lorsque je cherche un h¶tel. Je suis devenu myope. Comme je commence à vraiment décrocher, on m'enlève la direction de mon équipe et l'on m'envoit dans le "party" d'Indra Dyumna à Avignon. Là je suis censé me reposer de la distribution intensive car Indra organise des festivals: chants, danses, conférences, festins, le but étant bien sûr de recruter des nouveaux dévots. Mais ce qu'on ne m'a pas dit, c'est qu'Indra a besoin de collecter des fonds pour financer son opération. Je me retrouve donc une fois de plus sur les parkings, cette fois avec le soleil de la Provence au mois d'août.
Indra ne voit pas ma détresse, certains jours, je ne mange que des fruits pour essayer d'apaiser mes sens. Mais même trois prunes m'affligent de désirs sexuels. A cette époque, le maha mantra ne m'est plus d'aucun secours, pourtant, je continue à chanter mes seize tours. Certains jours je pense en finir en me jetant sous les roues d'un camion. Il m'arrive de rentrer sans avoir rien vendu de toute la journée. "La honte soit sur moi, je suis dans tamas." On me considère avec un certain mépris, on me regarde choir sans rien faire pour me venir en aide.
Je finis par prendre la fuite un jour de septembre. La veille, j'étais allé voir une prostituée à Paris. C'était une femme d'une quarantaine d'années qui me parla avec tendresse et me dit avoir une famille, des enfants qu'elle élevait grâce à son métier. Enfin un peu d'affection. Rongé par la honte je pars pour l'Angleterre. Miracle, au temple de Londres un dévot bienveillant et qui doit lire la fatigue sur mon visage me laisse dormir quelques jours dans le grenier. La rémission est de courte durée car on apprend bient¶t en haut lieu qu'un des bons distributeurs franèais a échoué sur les berges de la Tamise et me revoilà parti avec une équipe de Sankirtana à l'assaut des londoniens, cette fois ce n'est plus les parkings mais carrément la rue. J'arrète les passants, je leur mets le disque dans les mains et le tour est joué. C'est la magie de l'habitude et du culot transcendantal qui fait son oeuvre. J'obtiens des bons scores chez les britishs qui doivent aimer mon french accent.
Par le plus grand des hasards, Bhagavan qui est de retour des Etats-Unis passe par là quinze jours à peine après mon arrivée. Je suis convonqué dans un bureau ùil me reèoit avec Indra qui l'accompagne. En deux coups de cuillère à pot, mon problème est identifié et règlé.
- Sadashiva tu as besoin d'aide, retournes en France. A mon retour, je te trouve une femme.
- Tu as quelqu'un en tête me demande Indra?
- Oui, Sandrine.
A vrai dire je n'y avais pas réflèchi, mais Sandrine m'avait attiré avec sa poitrine opulente sous son tee-chirt de nouvelle dévote.
- Tu n'y penses pas, elle n'est même pas initiée, tu ne vas pas te marier avec une shoudra. (Les shoudras sont la plus basse caste en Inde et Sandrine y est assimilée car elle n'a pas encore reèu les rituels d'initiation).
Comme je n'ai pas d'autre suggestion et qu'il me paraît improbable que j'ai la patience d'attendre les deux années requises pour qu'elle accède au statut de brahmane on en reste là et je quitte le bureau fier d'avoir retrouvé la confiance de mes chefs. Indra me signale quand même qu'après trois écarts on est censé être hors jeu.
"Merci Bhagavan pour ta clémence," on me pardonne donc mes errances. Je vais à la comptabilité réclamer le montant de mon billet de retour. Arrivé à Paris on me confie la charge de former les nouveaux dévots qui ont été recrutés pendant l'été. Le président du temple est un canadien sévère, il semble avoir pour consigne de me surveiller de près. En tout cas il me rudoie à la première occasion.
En attendant le retour de Bhagavan, je prends mon service à coeur. J'entreprends de refaire la pièce qui me sert de bureau, de chambre et de salle de réunion. L'initiative ne plait pas au président qui y voit un signe de plus de mon insoumission. Je lutte toujours avec mes désirs et pour mieux les dominer, je m'absorbe dans une montagne de services. Je suis levé à trois heures et couché à minuit. En novembre, je décide d'entreprendre un jeûne pour me purifier et en finir avec la bête qui me poursuit.
Mon jeûne dure depuis une semaine, je mange quelques fruits de temps en temps. Il se passe des choses bizarres. Ce matin, en arrosant ma plante, je l'ai vu vibrer et l'ai entendu me dire merci. En descendant dans le temple, une lumière intense sort des mourtis, elle me transperce de part en part et me fait fondre en larmes. Tout baigne dans cette lumière, Dieu est partout, l'aura des gens m'apparaît.
Le matin, à la classe de Wishvambhar qui est le responsable pour la France, je dis que si l'on a réalisé que Dieu est partout et qu'il est dans notre coeur, l'on n'a plus besoin des structures d'un mouvement, que l'on peut évoluer librement dans le monde et rayonner cette réalisation. On peut enfin être soi-même. Wishvambhar résiste à mes arguments mais je sens que je suis dans la vérité, qu'il ne fait que défendre les intérêts du groupe. Puis graduellement, je bascule dans le délire. Je ne dors plus de la nuit et un matin je dis aux dévots dans la douche que nous devons nous préparer car de grands changements arrivent.
- Keshi nous devons avoir une réunion avec Bhagavan.
- Pourquoi me répond-il?
- Parce que nous devons aller voir Chirac à l'h¶tel de Ville.
- Vraiment?
- Oui, j'ai compris à quoi était destinée la Madeleine. Nous allons installer Radha et Krishna sur l'autel, Napoléon l'a construite en prévision de cet événement. (Intérieurement, je pense que j'étais Napoléon dans une vie passée mais je ne le dis pas.)
- Keshi fait mine d'être impressionné par mes déclarations.
Toute la journée je continue à délirer, chaque chose revêt une dimension symbolique qui entretient mon rêve éveillé. Le soir je commence à sombrer dans la tristesse et dans le noir. Je vois l'image de ma mère, effondrée sur le sol de la cuisine en pleurs quand j'avais 7 ans. Elle dit : "c'est de sa faute, c'est de sa faute, je veux qu'il me demande pardon." Effrayé, je m'étais enfui dans le jardin. Mon père me rattrappe et viens me dire de m'excuser. "De quoi dois-je m'excuser?"
- Je ne sais pas, viens.
- Je le suis, et je m'excuse devant ma mère qui tremble et continue de pleurer en s'accrochant à la poubelle.
Plus tard elle est partie en maison de repos. Des années après, j'ai cru comprendre que ma mère avait tué une dame en la renversant avec sa voiture en venant me chercher à l'école.
Radharani, Oh mère universelle, accordes moi ta bienveillance! Je ne suis qu'un sinistre pêcheur, le poids de mes crimes m'est insupportable.
Le Pin en Mauges
Les dévots qui voient que je perds pied complètement pensent que je suis victime de possession. Ils préparent alors en secret une cérémonie d'exorcisme. Un petit groupe de brahmanes se réunit dans une pièce autour de moi, nous sommes tous assis en tailleur, et ils récitent à voie haute les versets sanskrits du cinquième chant du Shrimad Bhagavatam. Cela doit bien durer une heure. Quand la cérémonie est terminée, je me lève et leur dit:
- C'est bien joli tout èa, mais nous perdons du temps, il faut absolument prendre rendez-vous avec Chirac pour l'installation de Radha et Krishna à la Madeleine.
Cette fois les brahmanes sont dépassés. De plus ils craignent que je ne me suicide et ils ont très peur des conséquences car l'opinion publique est traumatisée par le suicide collectif récent de la secte de Guyana qui a fait 900 morts. Ils décident donc d'appeler mon père qui vient me chercher en Urgence à Oublaisse ùl'on m'a transféré pendant la nuit. La lune était pleine, dans la voiture, je leur chante la Marseillaise.
L'étandard sanglant élevé: le sang des vierges qu'on exhibe sur un drap. Entendez-vous dans nos compagnes mugir ces féroces soldats?... La bête m'a définitivement rattrapé. La bataille est perdue.
Lorsque mon père m'emmène à la maison, je pense que son coupé BMW est un vaisseau spacial. Les médecins arrivent, l'injection me propulse dans le noir. Je me réveille deux ou trois jours plus tard dans une pièce peinte en rose. Le lit est au milieu de la pièce, scellé dans le sol. Une infirmière vient m'apporter un plateau de nourriture deux fois par jour. Elle m'apprend que je suis à l'isolement.
On m'a tellement drogué pour m'endormir que je pense être mort et ressuscité. Une nuit, je me lève dans le noir, ayant perdu tout sens de l'orientation, je me cogne dans les murs et les portes. Je fais une hémorragie nasale et mets du sang partout. On m'emmène à l'h¶pital faire des radios mais je ne me souviens de rien.
Je réussis à m'enfuir un soir de l'isolement. Je cours dans la campagne, persuadé d'avoir été enlevé par des extra-terrestres qui veulent me sacrifier à la prochaine pleine lune. Je casse ma guitare que j'avais emportée avec moi en tombant dans un fossé. J'arrive dans la cour d'une ferme, le chien aboie. Je vais dans la grange j'enfourche une mobylette et m'enlise avec dans le purain. Je reviens dans la grange, il y a une voiture. En apercevant l'autoradio je me dis qu'une cassette doit contenir des instructions comme dans Mission impossible. Mais rien ne marche, je ne parviens pas à faire démarrer la voiture. Il doit être deux heures du matin. J'entend des bruits, bon sang, les extra-terrestres vont me rattraper. Il ne me reste plus qu'à aller demander asile aux paysans en espérant qu'ils ne soient pas aussi de mèche avec l'ennemi.
- Ouvrez par pitié, les médecins du Pin en Mauges sont des extra-terrestres, ils veulent me sacrifier, c'est la pleine lune.
Rien ne bouge, mais je les entends derrière la porte.
- S'il vous plait je vous en prie, je vous donnerais mon manteau en peau de mouton. Je commence à me déshabiller.
Quand la porte s'ouvre, je suis en slip et le docteur Jean me dis avec gentillesse "Rémy mais tu vas prendre froid."
Je réalise alors ma stupidité et encore un peu incrédule, je le suis jusqu'au centre psychothérapique.
C'est un centre spécialisé pour les jeunes de moins de trente ans, la conception est très récente et l'architecture des bâtiments est en étoile. On circule dans les différentes ailes par des couloirs en pente qui font vraiment penser qu'on est dans une sorte de vaisseau spacial. Je passe encore quelques jours à l'isolement mais la garde se relâche et un matin je peux discuter avec une fille qui me dit que sa mère a racheté le Concorde pour un franc. J'aperèois aussi Marie-Pierre à qui j'offre mon pot de miel, elle est belle et fragile comme la plante que j'arrosais rue Lesueur.
Plus tard, quand nous serons sortis de l'isolement, Marie-Pierre m'invitera dans sa chambre.
-J'ai vingt ans, je suis descendante des phéniciens. Viens nous allons faire l'amour.
- Pourquoi tu hésites à m'embrasser?
- Tu sais, on m'a mis dans la tête que la bouche c'est plus sâle que l'anus.
Elle ne me propose pas de lui embrasser l'anus mais elle rit et je laisse ma langue s'emmêler à la sienne. "Merci Marie pour ton corps, pour ta candeur et ta douceur, merci d'aider le moine mendiant à revenir sur Terre."
- Tu sais j'ai fait de nombreux séjours en H.P.
- C'est quoi l'H.P., une imprimante?
- L'h¶pital psychiatrique gros bêta.
- Pourquoi ?
- Je suis anorexique.
- Tu es si belle pourtant, pourquoi?
- Je souffre de la méchanceté des autres.
Au bout de deux mois, on me laissa enfin sortir du Pin en Mauges. Marie-Pierre sortira quelques temps après et me rejoindra aux sports d'hiver. Je reprends goût aux activités de mon enfance, nous skyions toute la journée et le soir je passe une heure sous la douche bouillante, rien ne me calme plus. Nous faisons l'amour sans trop faire de bruit, Michèle ma belle mère est venue avec nous et une de ses amies l'accompagne.
Marie-Pierre est douce, sa sensibilité est extrême, elle est belle comme une princesse phénicienne. Fragile, brune, fine, elle aime sa souffrance, elle me parle de son attrait pour l'homosexualité. Oh Marie, si c'était à refaire je ne fuirais pas comme je l'ai fait, je t'accompagnerais un bon bout de chemin.
En fait je ne fuis pas vraiment, je laisse nos routes se séparer. Marie vit à Melun. En dépit de sa coccinelle décapotable, c'est loin de l'Anjou ùmes tâches sont déjà clairement assignées. Je serai p¶tier, tout le monde en a décidé. Déjà, au Pin en Mauges, la conspiration était ourdie et à l'atelier d'ergothérapie on me disait "Alors Rémy tu es vraiment doué au tournage, tu vas aider ton père à l'usine." Bénis soient les psychologues et les psychiatres.
Hare Krishna! Merci Seigneur de m'avoir donné des parents bienveillants. Ils prennent tout en charge pour moi, quel soulagement, mon existence leur appartient. Mon existence sera vouée à la céramique. Au revoir Marie-Pierre.
Une année s'écoule à Durtal. Sophie, ma soeur excédée que je couche avec toutes ses copines me fait la morale. "Tu passes ton temps à lire des B.Ds, j'ai vraiment l'impression que tu as régressé." Dire qu'il y a des gens qui n'aiment pas les bandes dessinées.
Il y eu Mireille, folle de masturbation mais gardant sa virginité pour celui qui l'épouserait. Peut-être aurais-je été l'heureux élu si elle ne m'avait pas appellé mon lapin en permanence. Puis Dominique qui passa comme l'éclair. Puis Véronique, objet de mes premières érections en quatrième que je retrouvais par hasard en allant voir une pièce de théatre dans la cour du château d'Angers.
-" Rémy, qu'est-ce que tu fais?
- Rien, je viens de passer trois ans comme moine mendiant."
Coup de foudre.
L'été se passe, Véronique part en Ecosse pour ses études.
Je la rejoins une semaine à Glasgow. C'est l'automne et la nuit tombe à cinq heures, cela n'ajoute rien à la grisaille de la ville.
Véronique n'est pas adepte de la sensualité, faire l'amour la fatigue. Est-elle aussi victime de l'influence des cathos? Je dois m'isoler dans la salle de bain pour pouvoir m'endormir. Triste destinée que la mienne.
Je rentre en France désabusé. A mon retour, l'atelier de poterie prend feu. Un ouvrier avait laissé une vanne de gaz ouverte près d'un four en cuisson. Michèle, ma beldoche me harcèle sans cesse pour des broutilles. L'aventure me manque. Et puis je ne suis pas parti de chez les dévots de mon plein gré mais accidentellement. Il faut que j'aille jusqu'au bout de l'expérience. Je vais voir Bhagavan qui me dit de venir monter un atelier de poterie au château d'Oublaisse.
Ma décision est prise. La veille de partir, je rends visite à Monique, elle a trente ans. L'autre jour je l'ai embrassée à la sortie d'une boîte. Je passe la nuit avec elle. Ses cris ont dû réveiller tout l'immeuble, je n'ai jamais rencontré une femme aussi bruyante. Je ne reverrai jamais Monique, mais avant de la quitter elle me dit: "C'est dommage que tu te fasses moine, tu aurais pû rendre une femme heureuse." Je ne lui ai pas dit que Bhagavan devait me marier.
Le village artisanal
Prabhupada avait une ambition, il désirait recréer des villages en occident vivant selon le modèle de la société védique antique telle qu'elle est décrite dans les écrits sacrés et telle qu'elle est censé avoir existé il y a cinq mille ans. Un de ses slogans favoris était: "la vrai richesse, c'est la terre et les vaches." C'est pour répondre à ce désir que Bhagavan a acheté la Nouvelle Mayapour. La ferme et les terres qui accompagnent le château d'Oublaisse pouvant répondre à ce besoin.
Mais depuis l'acquisition des lieux en û975, aucun réel développement n'a été accompli sur le plan agricole. La communauté sert de base d'accueil pour les équipes de distribution de livres et de centre de formation pour les nouveaux dévots. Elle héberge également à cette époque les Editions Bhaktivedanta, qui sont équipées de photocomposeuses électroniques dernier cri et "emploient" une vingtaine de personnes. Il y a bien quelques vaches et un jardin potager, mais cela ne permet même pas de couvrir les besoins en nourriture de la communauté. Tous les lundis, Devarata, le chef cuisinier se rend à Rungis d'ùil ramène un plein camion de provisions.
Le modèle de la communauté autarcique ne vaut que sur les plaquettes publicitaires du mouvement. Le mode de vie des dévots en ce début des années quatre vingt est largement citadin, l'argent rentre trop facilement grâce aux collectes sauvages. Quand une dévote peut ramener 3500 francs par jour en agrippant les passants aux feux rouges, on ne va tout de même pas lui faire perdre son temps à la culture maraîchaire ou au tissage.
Mais Bhagavan sait malgré tout que ce modèle de vie rurale est très attractif pour les gens des villes. Il s'efforce donc de cultiver cette image utopique même si en réalité il ne s'agit pour lui que d'une simple vitrine. Bhagavan passe déjà le plus clair de son temps avec sa machine à calculer. Avant qu'il ne soit Gourou, nous osions encore en rigoler, mais désormais les choses ont changé, la calculette est passé dans le domaine de la sacralité, avec les scores, les quotas, les marathons et les médailles.Tous les ans, pour son anniversaire, les dévots organisent un immense festival et Bhagavan qui se fait désormais appeler gouroudev distribue des médailles. Il y a la médaille du meilleur distributeur, du plus érudit etc...
Je regarde cela avec horreur en me demandant pour quand sera la médaille du plus grand lèche-cul. Mais à la mort de Prabhupada, tous les disciples du fondateur nous sommes engagés à épauler notre grand frêre dans son nouveau r¶le de gourou. Nous lui pardonnons ces errements en mettant cela sur le compte du manque d'expérience. Et nous nous efforèons de jouer le jeu pour donner le change aux nouveaux disciples de sa majesté.
Le titre n'est pas usurpé car Gouroudev a le goût du luxe, il aime les grosses limousines, le marbre, l'or, les rollex. Pour son anniversaire, Rugierri vient balancer un feu d'artifice de plus de 50.000 francs dans les airs. Tout cela bien sûr, c'est pour le service de Krishna, c'est la fonction qui veut èa. Il faut que le maître spirituel soit respecté, n'est il pas le représentant de Dieu sur Terre? Il a d'ailleurs le pouvoir d'utiliser toutes ces richesses et toute cette puissance sans être attaché puisqu'il a réussi à élever sa conscience dans les sphères de la transcendance. Il n'est plus comme nous sur la "plateforme matérielle", nous ne pouvons en aucun cas critiquer ses actes, ce serait la pire offense, celle qui rend caduque tous les efforts spirituels. On appelle cela "the mad elephant offense", l'offense de l'éléphant fou qui piètine le fragile jardin de la dévotion.
A cette époque, je ne me permets pas de porter un oeil critique sur Gouroudev. Début 80, les symptomes sont là, mais la maladie n'en n'est qu'à son stade initial, et puis je dois me purifier d'une année de Maya, une année passée dans l'illusion et le plaisir des sens. La purification a bien commencée, à peine revenu à la communauté, en travaillant dans la cuisine, j'ai glissé sur le sol et suis tombé dans une marmite d'huile bouillante, me brûlant le coude et le bras au troisième degré. Hare Krishna! Merci Seigneur, sans toi j'aurais pris toute la marmite sur le corps. Tu me punis d'avoir joui de ces filles sans retenue.
Bouta-bavana, est un chilien qui a fait les beaux-arts. Il est "burned out": (grillé) de la distribution des livres, comme beaucoup de mes frêres en Dieu à cette époque, aussi Gouroudev l'a-t-il marié avec une jeune dévote franèaise. C'est un petit homme au profil d'aigle. Sérieux, empli de gravité et de mysticisme, il est extrêment maniaque et rigoureux, mais doté d'un réel talent pour le dessin et les arts graphiques en général. Sa femme est aussi une artiste sensible et tous les trois, nous nous voyons confier la responsabilité de la création du village artisanal de la Nouvelle Mayapour. Bien sûr, pour ce qui est des finances, nous devrons nous débrouiller en allant collecter nous-même les fonds. Pour monter mon atelier, j'ai besoin d'un tour, d'un four et de matière première, argile, émaux, ustensiles etc...
Je vais passer quelques semaines en Alsace avec Indriya Damana qui doit lui aussi collecter pour financer son service de relations publiques. Nous allons de porte en porte vendre d'affreuses reproductions de peintres comme Constable, Bruegel, Millet (l'Angélus, bien sûr). En trois semaines j'ai de quoi acheter un tour Como, je vais le chercher à Ancenis, près de Nantes. Je me mets donc au travail; toute la semaine, je tourne mes pièces en préparation d'une cuisson. Un dévot allemand, Akroura avait construit un four à bois pour l'atelier de poterie mais il est retourné en allemagne avec sa famille. Je débite des tonnes de bois que je suis allé chercher dans la forêt avec un canadien.
J'aime bien les québécois, ils ont quelque chose de rassurant. Rien ne les impressionne, ils ont une faèon très particulière de prendre tous les problèmes avec détachement. Ce doit être l'hiver canadien qui leur confère cette sagesse. Quand on est coincé pendant des mois sous la neige par moins quarante on doit bien se faire une raison, on apprend l'art de rentrer en soi et d'attendre. Le plus typique de tous les québécois, c'est sans doute Wishvambhar, métis iroquois, il mesure pas loin d'un mètre quatre vingt dix et a été bucheron dans le Grand Nord. Il répète sans cesse "y a pas de praublème prabhou" (prabhou est le terme qu'utilisent entre eux les dévots pour s'apostropher, cela veut dire maître en sanskrit.)
Pour Wishvambhar qui est le secrétaire national, autrement dit le bras droit de Gouroudev-Bhagavan, rien n'est un problème. Tout a sa solution dans la Conscience de Krishna. J' ai toujours eu beaucoup de respect et d'admiration pour Wishvambhar, son abnégation et son dévouement ont toujours été exemplaires et sa force, autant physique que mentale me rassure. Ce sont des gens comme lui qui ont effacé du dictionnaire des dévots, des mots comme fatigue ou sentiment.
En 73 lorsqu'Anne Shaufus, une danoise top model a rejoint le mouvement, Prabhupada a demandé à Wishvambhar de l'épouser. Je pense que cela a été un sacrifice pour le bucheron, mais il a accepté. Sa relation avec Sataroupa (c'est le nom spirituel de sa femme) est houleuse. On sent bien qu'il ne doit faire aucune concession à la sensualité de la belle, ni même à son égo de star (à l'époque elle fait la première page des magazines). Je l'ai même vu un jour jeter un bol de chicorée à la tête de l'iroquois qui s'est essuyé avec son flegme habituel.
Dans mon atelier, je goûte de longs moments de calme, je me recharge au contact de la terre. Rien n'est plus sensuel que la glaise qui défile sur le tour, tant¶t phallus tant¶t vulve, elle participe au miracle de la vie, à la magie du symbole. Je n'ai pas de mal à me replonger dans le gouffre de la chasteté. La régularité de mon existence y est pour beaucoup. Cette fois je prends soin de dormir suffisament, je dépasse même les six heures autorisées en faisant la sieste tous les après-midi. Je fais de longues promenades quotidiennes dans la campagne et dans la forêt en récitant mes tours de chapelet. Hare Krishna! Merci Seigneur de me donner la paix.
Bouta Bhavana monte un atelier de sérigraphie et d'imprimerie. Sataroupa qui gagne beaucoup d'argent grâce à ses cachets de top-model nous a acheté une offset. Damadamini, la femme de mon ami chilien installe un grand métier à tisser dans la mansarde de leur petite maison et fabrique des vêtements en lin digne des parfaits cathares.
Bien sûr tout cela n'est pas rentable, alors tous les samedis, nous allons vendre les infâmes posters en porte à porte. Mais tout le monde est satisfait malgré tout de notre service. Le dimanche, les dévots sont très fiers de faire visiter les ateliers aux invités qui s'extasient devant la boule de terre qui monte et se transforme en pot ou le métier à tisser. L'image d'Epinal est tellement réussie que nous allons même figurer sur la vidéo officielle de présentation du mouvement qui fera le tour du monde. Plusieurs années après, ùque j'aille, dans les temples du mouvement, on me dira "Mais c'est Sadashiva, le potier".
Pendant un moment, l'idée du village védique est presque atteinte. L'école védique, le gouroukoula compte environ cent vingt enfants qui viennent de tous les coins du monde. La communauté est très cosmopolite, on rescense plus de dix huit nationalités différentes. Le jardin potager dont s'occupe ..... donne toutes sortes de légumes, que Devarata prépare désormais à grand renfort de crème fraîche.
Ce qui précipite la chûte, c'est la vénalité de Bhagavan pour qui tout homme et femme valide doit être régulièrement réquisitionné pour la seule tâche vraiment utile, celle qui lui permet d'user les touches de sa calculette. A peine un service atteint-il un stade d'équilibre que son responsable est envoyé en marathon de distribution. Quand il revient plusieurs mois plus tard, tout est à reprendre à zéro, les terres défrichées sont à renettoyer, les arbres plantés sont morts faute de soins. Les enfants changent sans arrêt de professeurs, les bâtiments en constructions n'en finissent pas de tomber en ruine.
Bref au bout d'un an et demi passé à la Nouvelle Mayapoura, je réalise enfin que tout ceci n'est qu'une immense farce. La chasteté me devenant pénible, je décide donc de rejoindre mon vieil ami Akileshvara à Toulouse ùil a ouvert un centre de prédication, adieu pots, glaise, barbotine, tournette, émaux et bonjour cité rose, patrie de l'amour courtois, terre de sensualité et de liberté.
Je ne découvrirai que bien des années plus tard la relation passionnelle qui m'unit à la Ville Rose. La prison de la dévotion a trop pris corps dans mon âme pour que je puisse percevoir la vie qui anime la cité contale. Et pendant quelques mois encore je vais errer de portes en portes pour financer le petit "centre de prédication".
"Grillés" comme nous le sommes Akileshvara et moi, nous finissons par atterrir dans un appartement du Mirail que nous arpentons de long en large au gré de nos insomnies. Nous sommes déterminés à tenir bon nos voeux de chasteté, notre sommeil en paye les conséquences.
Lors d'un retour à Paris Bhagavan me présente Aniko, une jeune hongroise qui menace de retourner dans son pays, il n'a rien trouvé de mieux pour la retenir que de me la proposer comme future femme. Aniko a l'air de ne rien comprendre à ce qui lui arrive. Nous prêchons ensemble pendant trois mois. Bien que mes sens soient en feu, je ne l'effleure même pas du bout des doigts. Aniko a fait de la photo érotique avant de rejoindre les dévots. Son père s'est suicidé il y a peu à Budapest. Aniko cherchait en Krishna le repos de ses sens aussi ais-je quelques scrupules à l'entraîner avec moi dans la chute vers le plaisir. Au bout de trois mois de chaste cohabitation à Toulouse, je lui fais avouer son absence de tout désir de mariage et nous mettons un point final à cette "idylle spirituelle".
Après le départ d'Aniko, je repris de plus belle les déambulations nocturnes avec Akileshvara, Aziz de son nom civil. Il finit par me suggérer Saumya, avec qui il a lui même fait un essai de "mariage" infructueux.
"Tu sais Saumya, ce n'est peut-être pas un mauvais choix. Pendant les six mois que nous avons passés ensemble, elle ne m'a pas refusé une seule fois de faire l'amour. Elle est sensuelle, c'est ce qu'il te faut."
- Oui mais il y a six mois Bhagavan me l'a proposé j'ai répondu "never".
- Il ne faut jamais dire never. De toute faèon èa ne coûte rien d'essayer.
Akileshvara qui sentait l'instabilité me gagner était prêt à tout plut¶t qu'à se retrouver tout seul à Toulouse. Même à devoir cohabiter avec Saumya qu'il avait dû quitter tant ils s'engulaient quelques temps plus t¶t. Je restais seul un week-end de novembre à méditer sur cette possibilité dans notre F4 du Mirail. Je priais Gaura Kishora, un yogi dont s'était l'anniversaire de me donner l'inspiration juste.
Après avoir jeûné et médité toute la journée, j'appelais Saumya à Oublaisse.
- Bonjour Saumya, je t'appelle car j'ai cru comprendre que tu as demandé à Bhagavan de te marier avec moi.
- Non ce n'est pas toi que j'ai demandé, mais Indriya.
- Bon, ce n'est pas grave, est-ce que tu veux essayer avec moi.
- Ecoutes je dois y réfléchir rapelles-moi demain.
Le lendemain Saumya me faisait savoir son accord, nous fixâmes un rendez-vous à Oublaisse une semaine plus tard. Saumya à cette époque se repose du sankirtan (la collecte aux feux rouges) en travaillant aux éditions Bhaktivedanta. Elle est au "proofreading", ce qui consiste à relire les traductions et corriger les fautes de frappe et de franèais.
Saumya a rejoint les rangs des bhaktas il y a six ans, elle était enceinte quand elle est arrivée. Elle revenait d'un périple en Turquie, tentative avortée de voyage en Inde par la route. Son fils de cinq ans, Narada est pensionnaire au gouroukoula. Depuis l'âge de deux ans, il est élevé par une famille de dévots de la Nouvelle Mayapoura, ce qui a permis à Saumya de se consacrer librement à la distribution des livres et la collecte de fonds. Elle vient le voir une fois par mois les bras chargés de cadeaux. Mais visiblement, Narada lui en veut pour ses absences et lui mène la vie dure.
Saumya est une exhaltée, elle s'arrange toujours pour se faire entendre dans les kirtans en chantant un ton au dessus ou en modulant sa voix diféremment. Elle est avide d'attention et de reconnaissance. C'est pour cela qu'elle a choisi de rejoindre les équipes de "sankirtan voyageant" plut¶t que de s'occuper de son fils.
- Pourquoi veux-tu te marier
lui dis-je?
- Tu sais, le soir quand je rentre de ma journée de distribution et que je vois les couples dans le métro, je me dis, pourquoi pas moi?
Et puis, la chasteté c'est difficile à vivre. Plusieurs fois, j'ai vu des hommes se masturber quand je distribuais dans les trains.
Malgré tout, pendant les premiers mois de notre relation, nous allons nous abstenir de rapports sexuels. Très vite, Saumya me fait reconnaître son fils et elle me traîne à la mairie pour un mariage officiel. Ensuite, elle demande à Bhagavan de nous marier religieusement. Tous les préparatifs sont faits, mais la veille du grand jour, je fugue à Paris avec Akileshvara. Nous avions acheté un peu avant une vieille DS d'occasion et j'en profite pour lui offrir un bel autoradio. Lorsque je reviens en musique à la Nouvelle Mayapoura quelques jours plus tard, je me fais sonner les cloches.
"Tu ne te rends pas compte, faire une fugue la veille de notre mariage, c'est pire que blouper". (Blouper en langage Krishna signifie partir du mouvement: Quand on retombe dans l'océan de l'existence matérielle, èa fait bloup, d'ùl'expression.) La relation avec Saumya devient tendue, je pense que je ne supportais plus cette situation de mariage chaste et que la personnalité de Saumya commenèait à me fatiguer sérieusement. Mais je me sens pris au piège. Nous nous sommes mariés civilement, j'ai reconnu Narada et je ne me sens pas le courage de provoquer un scandale en la quittant. De toute faèon, divorcer serait réitérer les erreurs de mes parents qu'il me faut expier à tout prix.
Alors je courbe l'échine et je rentre dans cette situation nouvelle avec l'enthousiasme d'un veau qu'on emmène à l'abattoir. Grâce à Krishna au bout de quelque temps, un peu de changement va venir égayer la routine. J'ai intégré les éditions Bhaktivedanta et renoncé à Toulouse pour satisfaire les désirs de ma dulcinée. L'activité m'intéresse, nous travaillons à trois sur la correction des traductions faites par les québécois. Nous avons réussi à convaincre Wishvambhar de la nécessité de ce travail d'édition, les textes des ouvrages publiés jusqu'alors regorgeaient de tournures québécoises impropres à la diffusion en territoire franèais. Au bout de quelques semaines, pour pouvoir nous concentrer plus facilement sur le travail, nous nous rendons à la ferme de Jayakoul en Bretagne.
C'est le printemps, la montée de la sève aidant, je ne puis m'empêcher de rejoindre Saumya la nuit dans sa chambre et nous faisons l'amour pendant des heures. Ensuite, je rejoins le dortoir des moines célibataires qui dorment à poings fermés et n'ont rien vu de mon manège. Au bout de quinze jours de ce régime, ne dormant plus que deux ou trois heures par nuit, je suis incapable de rester éveillé pendant nos séances de corrections. Vivant le martyre, je décide de me confier à mon ami Gopaswami qui travaille avec moi et Brajisma sur les corrections. Il a rejoint les dévots en abandonant ses études de médecine. Il était parvenu à la quatrième année. C'est un personnage très austère et je n'hésite pourtant pas à lui confesser mon problème:
- Tu sais, j'ai quelques difficultés à suivre les principes avec Saumya.
Je m'attends alors à quelques paroles de réconfort, de conseil ou d'encouragement mais il reste de glace en récitant son chapelet le long du chemin creux que nous avions empruntés dans le bocage breton.
A peine sommes nous rentrés à la ferme, Gopaswami, qui ne m'a plus adressé la parole depuis mes révelations s'empresse de téléphoner à Wishvambhar pour lui rapporter l'ignominie. La sentence tombe aussit¶t, Saumya doit quitter la ferme immédiatement et rejoindre le château d'Ermenonville ùon lui confiera un nouveau service. Nous sommes séparés pendant six mois, avec interdiction de nous téléphoner. Saumya part à Paris en me maudissant sur le quai de la gare.
- Tu es un vrai scorpion, tu ne peux t'empêcher de piquer. Pourquoi m'as-tu trahie? Il ne fallait pas parler à Gopaswami.
- Je ne m'attendais pas à une telle réaction de sa part, il a cafté comme un vrai lèche botte.
Les jours et les semaines qui vont suivre seront parmi les plus difficiles de mon existence. Je dois lutter avec mes sens qui venaient de se réveiller et je ne dors que trois ou quatre heures par nuit, dans la journée, je suis comme un fant¶me. Indra swami qui a besoin de main d'oeuvre pour la préparation du festival d'été m'a réquisitionné. J'étais de toute faèon devenu complétement inefficace à la relecture. Pendant tout l'été, je m'absorbe dans le service, je suis chargé de m'occuper des invités.
Saumya revient plus t¶t que prévu grâce à la clémence d'Indra Dyumna Swami qui a besoin d'un maximum de monde pour le festival qui s'annonce grandiose. Nous passons l'été sur la brèche, fidèles cette fois à nos voeux. Mais la tension monte et les disputes se font fréquentes.
Wishvambhar, sentant qu'il y a de l'eau dans le gaz en profite pour m'envoyer au centre de Tours. J'arpente pendant quelques temps la région avec ma DS en cherchant des salles pour organiser des conférences. Et puis un vendredi, Indra qui est devenu swami* en même temps que Bhagavan me convoque d'urgence à la Nouvelle Mayapoura. Quand j'arrive dans son bureau, je trouve une ambiance bizarre. Il m'apprend, avec un autre américain (Damodara Pandit) que Saumya s'est laissé aller avec un jeune argentin de û8 ans.
- Bon Sada, ce n'est pas très grave, tu lui pardonnes comme un bon père.
Mais un peu plus tard dans la soirée, Indra me convoque à nouveau.
- "Sada, il y a du changement, j'ai parlé de l'affaire à Bhagavan, il pense que vous devez vous séparer. Il demande que Saumya aille en Angleterre, ils ont besoin d'aide au château de Croome court."
Je commence à me sentir comme une boule de billard. Pendant la nuit, je cherche Saumya partout, elle se cache quelque part dans la communauté. Je finis par la trouver vers cinq heures du matin et nous faisons l'amour dans sa chambre.
Puis je suis convoqué et on se met à plusieurs pour me convaincre de laisser tomber Saumya. Akileshvara me dit :
"Laisses là tomber c'est une salope, elle mouille sa culotte au premier mec qui passe."
J'encaisse et je vais annoncer à Saumya que Bhagavan désire qu'on se sépare. Elle me répond en pleurant qu'elle n'a plus qu'à retourner chez sa mère et se défoncer jusqu'à l'overdose. Je suis sonné.
Après tout èa, ne sachant plus ùj'en suis, je vais demander conseil à Indra swami. Il me fait attendre dans son bureau pendant qu'il passe des coups de fil un peu partout dans le monde. J'ai du mal à rester éveillé, au bout d'une heure d'attente, un ancien dévot américain débarque d'on ne sait o¨. Indra lui tape dans le dos et lorsqu'ils ont fini leurs effusions lui dit.
- OK viens je vais te faire visiter ma communauté. Et il me passe sous le nez en me plantant là.
Cette fois, je réalise qu'on se fiche de moi, alors j'invente un stratagème pour récupérer les clefs de ma voiture que les dévots ont confisquée en prévision d'une éventuelle défection. Je cherche Saumya dans la communauté et lui dis de faire ses valises. Une heure plus tard, nous partons en douce et nous allons nous réfugier chez mes parents à deux cents kilomètres de là. Nous en profitons pour faire l'amour. En fait depuis quelques mois, les seuls fois ùnous faisions l'amour c'était au cours des visites chez la famille. A Oublaisse c'était trop difficile, nous n'avions pas d'appartements séparés, vivant chacun avec les célibataires brahmacharis.
Nous décidons alors de partir pour l'Australie. Pendant quelques jours, nous collectons de l'argent dans ce but. Et puis, il nous faut retourner à Oublaisse pour récupérer toutes les affaires que nous n'avons pas pu emporter.
Bien que je fasse tout pour l'éviter, je tombe quand même sur Indra Swami qui me prend à parti et menace de me casser la figure. Il est très vexé par notre insoumission. Il nous enjoint d'aller voir Wishvambhar swami sous peine de nous maudire.
Comme nous avons un peu peur de la malédiction d'un puissant moine sannyasi, nous allons voir Wisvambahr à Ermenonville. Il nous reèoit dans son immense bureau du château que tous les franèais connaissent pour avoir vu le film "Les Visiteurs".
- Alors prabhous, vous avez commis des activités abominables. Mais je vous donne encore une chance, vous allez vous rendre à Radhadesh, en Belgique, ils ont besoin de franèais là bas.
Radhadesh, la terre de Radha.
Pendant plusieurs jours, nous hésitons à suivre l'injonction du swami québécois, nous squattons dans un appartement vide de la rue Vieille du Temple dont nous avions gardé les clefs après que les bhaktas aient quittés l'h¶tel d'Argenson dans le Marais. Nous collectons quelques fonds pour subvenir aux besoins du moment et puis nous finissons par prendre le chemin de la Belgique. Wishvambhar a prévenu Jaya Gopal, le président de Radhadesh de notre arrivée.
Après un périple dans les Ardennes, nous arrivons enfin en vue du château de Septon. Au détour d'une petite route de campagne, le bâtiment nous apparaît tout à coup dans la brume, au sommet d'une colline. L'endroit est sinistre, je pense au château de Dracula dans les Carpates. Mon intuition se révèlera juste, il y a quelques années, une version du film a été tourné dans les lieux, le donjon a même été rempli de corbeaux pour l'occasion. On voyait dans une scène du film s'envoler une nuée des sombres volatiles.
En poussant la lourde porte je me demande quelles aventures nous attendent cette fois-ci. J'appréhende un peu de rencontrer ces dévots que je ne connais pas, à part Vassoutama qui a séjourné il y a quelques années à la Nouvelle Mayapoura, il est peintre et nous avions parlé à l'époque de bande dessinnée. En entrant dans le château, je suis surpris par le contraste avec Oublaisse. Ici il y a des meubles et même, chose inconcevable en France, des bibelots. Tout est propre et bien en ordre. Je monte à l'étage et pousse la porte d'un bureau, Jaya Gopal est là. Encore un géant, hollandais cette fois et avec un nez de boxeur. Il ne parle pas franèais et m'accueille chaleureusement en anglais. Il m'explique qu'il compte sur nous pour nous occuper des invités.
En effet, la plupart des bhaktas de la communautés sont flamands ou hollandais, or nous sommes à cinquante kilomètres de Namur, en pleine Walonnie, les visiteurs sont donc pour la plupart francophones. La propriété a été achetée il y a deux ou trois ans par le temple d'Amsterdam, qui n'avait rien trouvé de valable en Hollande pour développer le modèle de "village védique". En fait nous sommes reèus comme des sauveurs.
Bien sûr, pendant les premiers temps, on ne nous donne pas tout de suite pleine confiance. Il faut d'abord faire montre de quelque assiduité aux activités dévotionnelles pour être vraiment intégrés. Mais la probation est de courte durée et bien vite, l'entière responsabilité du service de l'accueil des invités nous est confiée.
Les dévots belges et hollandais, à la différence des franèais ne croulent pas sous des projets mégalomaniaques. L'emprise de Bhagavan se fait beaucoup moins sentir. Il vient bien de temps en temps, mais la gestion et la direction des opérations est sous la coupe de Jaya Gopal à Septon et Hare Krishna das à Amsterdam. Tout est géré à peu près intelligemment et il règne une certaine sensation d'opulence. Comme nous sommes dans le secteur le plus touristique de Belgique, le dimanche, des centaines de promeneurs viennent visiter la communauté védique de Radhadesh. Nous les accompagnons alors dans un tour de la propriété, passant de la salle du temple au jardin, pour finir par le sommet du donjon qui domine toute la vallée de Durbuy.
Les belges sont sympathiques, ils écoutent attentivement nos explications et s'emmerveillent facilement. Saumya qui est volubile et chaleureuse excèle dans son nouveau r¶le. De nombreuses personnes s'attachent à nous et prennent plaisir à revenir chaque dimanche pour assister aux fêtes que nous organisons. Nous louons régulièrement les services de musiciens qui viennent donner des concerts de musique indienne traditionnelle, sitar, tablas, tampoura. Après chaque concert nous offrons le célèbre "sunday feast" et les invités se régalent de ce bain d'exotisme. Il faut dire que Saumya et moi ne sommes pas des fanatiques, nous nous contentons de tisser des relations agréables avec les visiteurs et la population locale. Je n'ai pour ma part jamais été adepte de la politique du recrutement. Pour moi la Conscience de Krishna est un élément qu'il suffit de rajouter dans sa vie, il n'est pas nécessaire de tout chambouler pour cela. Même si j'ai choisi un engagement total, je ne vois pas la nécessité de forcer cela sur quiconque. En plus, tout le monde ici semble satisfait de notre service. Au bout de quelques mois, Jaya Gopal nous a alloué un budget pour louer une petite maison à quelques kilomètres du château et faire nos courses hebdomadaires.
Nous vivons des temps paisibles, la seule pression qu'on nous impose c'est la présence au programme du matin; et là j'éprouve quelques difficultés à me lever à quatre heures. Je fais l'effort deux ou trois fois dans la semaine mais le reste du temps, j'arrive plut¶t vers sept heures.
A la fin, de guerre lasse, Jaya Gopal finit par accepter qu'il me faut plus de sommeil que les autres. Quant à moi, j'ai remarqué que mes absences au programme matinal, loin de nuire à mon service, le rendent au contraire bien plus efficace. Les rares matins ùje sacrifie au rituel du mangal aratik (la cérémonie qui se déroule à quatre heures) je suis endormi le reste de la journée. Le dimanche, je m'applique à dormir jusqu'à sept ou huit heures pour être en forme quand les invités arrivent.
Pour être encore plus performant dans notre travail de propagande, je fais acheter à Jaya Gopal un gros photocopieur, une machine à affranchir ainsi qu'une superbe machine à écrire à marguerite. La micro informatique vient à peine de naître et n'a pas encore franchi l'Atlantique, mais nous disposons d'une grosse photocomposeuse compugraphic des Editions Bhaktivedanta qui nous sert pour réaliser nos affiches et autres tracts.
Au fil du temps, une autre activité vient se greffer au service des invités, celle d'attaché de presse et de relations publiques. Les articles qui attaquent les sectes ne manquent pas dans la presse et les dévots de Krishna sont souvent cités lorsqu'ils ne servent pas à les illustrer. J'écris les droits de réponses qui sont souvent publiés à la grande satisfaction de Jaya Gopal.
A la sortie du film Gandhi, nous organisons une grande opération de distribution gratuite de la Bhagavad Gita à la sortie des cinémas. En fait, nous donnons des bons que les gens doivent nous retourner pour obtenir l'exemplaire gratuit. Nous recevons plusieurs milliers de bons en retour et le service de la correspondance est débordé pendant plusieurs semaines. A la suite de cette opération, plusieurs jeunes qui auront lu le livre vont rejoindre le temple de Radhadesh. C'est là notre plus sûr moyen de recrutement, la distribution des livres. Parmi les milliers de livres distribués, un finit toujours par toucher le coeur de quelqu'un qui prend alors contact avec le temple. La magie du bhakti yoga n'a plus qu'à faire le reste.
Lorsque je vais à Liège, je vais manger dans un restaurant végétarien tenu par un couple de jeunes écologistes. Je me lie d'amitié avec eux et ils me proposent d'organiser deux jours par semaine des soirées indiennes. Nous cuisinons donc des préparations que nous apportons au restaurant ces deux soirs là. Une petite clientèle se développe et un jour, mes amis restaurateurs me font part de leur désir d'arrêter le métier qui leur paraît trop contraignant et ne leur laisse pas assez de temps pour la vie de famille. Ils nous proposent donc de reprendre la suite. Jaya Gopal accepte de financer l'opération. Avec le restaurant, nous louons toute la maison et nous l'aménageons en "centre culturel Hare Krishna".
Notre premier fils est né le 28 octobre û983 à l'h¶pital de Marche en Famenne. Nous avions décidé de l'appeler Soudama du nom d'un dévot qui confectionne des guirlandes de fleurs pour Krishna dans le Shrimad Bhagavatam. Lorsque je suis allé à l'état civil, les employés de la mairie n'ont pas accepté le prénom sanskrit. Je l'ai donc nommé Benjamin. Je passe des heures à le pouponner dans notre maison. A l'époque, les parents ont l'habitude de demander à Gouroudev qu'il nomme leurs enfants.
Le fait que j'ai nommé moi-même notre fils est perèu comme un acte d'insoumission à Bhagavan. Mais cela reste dans le non-dit. En fait je sens aussi un peu d'admiration pour mon indépendance d'esprit dans les yeux de certains dévots.
Kripassidha, un jeune dévot franèais fraîchement marié et franchement grillé par le "sankirtan" atterrit un beau jour de printemps à Radhadesh. Il est empli de doutes quand à Bhagavan. Je le convainc de venir s'installer à Liège et de s'occupper du centre culturel, je lui explique que Bhagavan à moins d'emprise en Belgique. Nous travaillons donc ensemble sur la mise en place du projet. Malheureusement, Jaya Gopal décide de prendre en main la décoration des lieux. Il redécore le restaurant dans le plus pur style néo bhagavanien. Imaginez le goût d'un américain parvenu pour qui Versailles est la seule référence. Notre clientèle d'écolo s'enfuit en courant. Nous avions tenté de raisonner Jaya Gopal avec Kripassidha mais ce fût peine perdue, nous n'étions de toute faèon que de petits franèais "small timer". Je suis un peu découragé par cet épisode, mais il est vrai que mon service principal, ce sont les relations publiques.
L'inauguration du centre culturel nous réservera le meilleur. Bien sûr, pour l'occasion, les bhaktas décident de convier Gouroudev alias Bhagavan qui donnera la conférence. Nous invitons donc tout le groupe de sympathisants que nous avons pour la fête. La salle du temple est pleine de monde ce jour là et je traduis la conférence de Gouroudev. A la fin, les invités sont conviés à poser des questions. Une dame demande :
- "Pouvez-vous nous dire qu'elle est l'importance du symbolisme dans la recherche spirituelle ?"
La question me paraît pertinente et j'attends la réponse du gourou. J'ose à peine traduire ce qu'il répond:
-" Ce qui est symbolique, c'est le montant de votre donation."
J'entends les rires gras de ses serviteurs américains dans le fond de la pièce. Je ne peux pas croire qu'il soit sérieux et je traduis:
"Ce qui revêt une valeur symbolique c'est l'énergie que vous allez consacrer au service de dévotion."
Bien sûr èa ne répond pas à la question mais c'est un peu plus respectueux. Bhagavan se vexe, il ne voudra plus que je traduise ses discours. A partir de ce jour, le doute commence à s'installer dans mon esprit. Il devient clair que l'arrogance de Gouroudev gène beaucoup de gens. Un invité qui vient régulièrement au château nous dit même un jour, " Vous pouvez m'inviter pour toutes vos fêtes. Mais quand il vient ce n'est pas la peine."
De plus en plus, Gouroudev nous apparaît comme un poids qu'il faut traîner. Le culte de la personnalité qui s'instaure autour de sa personne prend des proportions inquiétantes. Il définit un rituel des plus contraignants. Le matin à quatre heures, lorsqu'il descend à la cérémonie dans le temple, les dévots doivent l'accueillir à la sortie de ses appartements avec une guirlande et une procession doit l'accompagner jusqu'à la salle du temple.
Plus tard, il reèoit le gouroupouja, qui est une véritable adoration de sa personne. On lui passe à nouveau des guirlandes opulentes et chacun vient se prosterner devant son tr¶ne pendant que l'assemblée chante ses louanges. Pendant ce temps, les meilleures cuisinières préparent son petit déjeuner qui est servi dans de la vaisselle en or et en argent. La moindre dérogation au cérémonial, ou la moindre préparation brûlée succite de vives réprimandes. Chacun vit dans la crainte de dissatisfaire le despote. Manger à la table de Gouroudev est un honneur insigne et nous surveillons la liste des heureux élus. Il faut dire que c'est aussi une occasion de se régaler, le quotidien de la communauté étant plut¶t fade.
Il s'installe au fil du temps une ambiance sans doute très semblable à celle de la cour des rois de France à Versailles. Les intrigues vont bon train. Une simple rumeur suffisant à faire tomber en disgrâce, les femmes usent du pouvoir de leur langue. Bhagavan à cette époque semble développer l'envie, la jalousie et l'élitisme comme jamais auparavant. On l'entend dire des choses comme "un américain vaut deux franèais et dix indiens." Ou "je ne peux pas respecter complétement quelqu'un qui ne rapporte pas d'argent." Tout son discours est désormais axé sur un objectif, obtenir soumission et obéissance. Bhagavan est fier de présider à la construction du "Temple of understanding" à Mayapour au Bengale dont le d¶me nous dit-il sera plus haut que celui de Saint Pierre de Rome. La remarque me glace le sang.
Graduellement, la présence de Gouroudev devient de plus en plus pesante. Dans tous les temples, des groupes de femmes fanatiques se prennent de zèle et répandent le venin de la dualité héritée du despote. Ce sont bien sûr les "mal baisées" qui mènent la danse, et Saumya tombe dans le panneau. Ses conflits avec les gouroudettes s'aggravent de jour en jour. Elle ne supporte pas d'être traitée en dévote de seconde zone, à cause de son "improductivité".
Une dispute plus ardente que les autres finit par décider Saumya à aller s'installer à Paris. Elle veut à tout prix retourner collecter avec ses anciennes amies qui habitent désormais autour du château d'Ermenonville. Je suis réticent à partir, c'est la première fois que je jouissais d'un peu de tranquilité et les dévots aprécient mon service. Mais Pitavas qui est désormais directeur des affaires juridiques (en û975, il dormait sur le levier de vitesse) finit de me convaincre de venir à Paris, il me propose de prendre la responsabilité du bureau de relations publiques. Le champ d'activités m'apparaît alors bien plus vaste qu'en Belgique et je me rallie à la décision de Saumya. J'emprunte la camionnette de mon père pour déménager nos quelques affaires, nous avons trouvé un appartement dans l'Oise à Péroy les Gombries, près de Nanteuil le Haudouin.
La bataille d'Ermenonville.
En achetant le château d'Ermenonville, Bhagavan a atteint le sommet de la folie mégalomaniaque. Pour éviter d'éveiller les soupèons du fisc, la transaction a été traitée en secret sous la table, officiellement, les dévots sont censés louer la propriété. Cette demeure historique du XVIième et du XVIIIième siècle a hébergé Jean Jacques Rousseau qui est enterré dans le parc à l'anglaise. Il est clair que l'achat et la restauration de ce bâtiment est très au- dessus des moyens de l'A.I.C.K. Mais la politique de Bhagavan est de toujours augmenter les "challenges". Il compte simplement mettre tout le monde en marathon pendant douze mois de l'année pour parvenir à satisfaire sa dernière lubie.
Les quelques anciens disciples de Prabhupada qui sommes restés dans le mouvement regardons tout cela avec scepticisme et ironie. Nous n'avons pas d'autre choix que de coopérer, cela fait dix ans que nous travaillons d'arrache pied pour la cause de Krishna nous ne pouvons pas renoncer à tout ce temps investi. Et puis de toute faèon nous sommes tous fauchés, bien sûr, puisque nous avons toujours tout donné au mouvement.
Nos réunions dans le bureau de Vrisha, alias Bernard Voyer qui s'occupe du service de la correspondance ont des élans d'amertume et de frustration.
Il est évident que Bhagavan conduit l'AICK à la ruine, qu'il utilise l'héritage de Prabhupada pour servir ses propres intérêts. Nous assistons impuissants au pillage du leg de notre maître spirituel. Mais des bruits commencent à courir qu'un vent de réforme se préparerait aux Etats-Unis, malgré le blocus qui règne dans la zone de Gouroudev sur l'information, nous parvenons à nous procurer les documents de la sédition.
Pendant ce temps, comme c'était prévisible, une opposition importante à l'installation de la secte se met en place à Ermenonville. Il faut dire que le château est en plein milieu du village. Quand je suis venu sur les lieux la première fois, je me suis dit que Bhagavan était vraiment inconscient. Nous nous tuons à répéter depuis des années que nous installer dans des châteaux est mauvais pour notre image et cet abruti achète le symbole de l'aristocratie au milieu d'un village. Hare krishna!, c'est sans espoir. Mais il faut bien encore accompagner quelques temps le despote dans sa folie.
La presse redouble ses attaques contre les dévots. Le député Alain Vivien prépare un rapport sur les sectes à l'assemblée et je participe à nombre d'émissions télévisées. Au fil du temps, je deviens de plus en plus à l'aise dans mon r¶le, le malaise vient plut¶t de ma position inconfortable à l'égard du mouvement.
Mais j'essaie de voir plus loin et de croire à mon propre discours. Qui plus est, nous travaillons avec HareKrishnadas à un projet de fédération des communautés indiennes d'Europe qui prend forme et dont je suis le directeur pour la France. J'organise la première réunion au sommet du Sofitel de la porte Maillot. Des diplomates sont présents ainsi que des représentants des principales associations d'hindous d'Angleterre. L'initiative est ambitieuse et elle pourrait porter des fruits d'un bénéfice incalculable pour le mouvement. Bien sûr, Bhagavan et Wishvambhar ne sont pas là. Ces crétins sont sans doute en train de compter la collection de ces derniers jours.
Echo, the European Consil of Hindu Organisations est une des réalisations les plus intelligentes que nous ayons mises en place. Nous avons derrière nous les tamouls de Paris et diverses associations indiennes. Je participe à des cérémonies religieuses en l'honneur de Ganesh et Mourgan, des divinités hindoues, dans divers endroits de Paris. Mais je sens bien que le mouvement n'est pas vraiment concerné par ce travail de première importance. Fédérer tous les hindous d'Europe, c'est rassembler une communauté de près de deux millions d'individus, en effet, rien qu'en Angleterre on en compte plus d'un million. L'intérêt politique de la chose passe au dessus de la tête de nos dirigeants, ils sont désormais comme des enfants qui s'entêtent dans leurs bêtises.
Bhagavan préfère dépenser deux millions de francs dans l'aménagement d'une nouvelle salle du temple à Ermenonville. Comme d'habitude, il cède à son amour de l'or et du marbre. Pendant une réunion dans son bureau ces derniers jours, j'ai ouvert par curiosité sa bibliothèque. Dans les étagères du bas, celles qu'on ne voit pas à moins d'ouvrir la porte, j'ai vu les ouvrages suivants: Le Prince de Machiavel et un traité sur la manipulation des masses par Lénine, il ne manque que Mein Kampf. Peut-être le cache-t-il autre part. (Au fond je dis une bêtise Bhagavan est juif quand même)
Shrila Goût du rêve
Il y a des affiches partout au Forum des halles. L'imprimeur s'est trompé, au lieu de gouroudev, (gurudev en sanskrit) ils ont mis gudurev ce qui donne prononcé en sanskrit goût du rêve. Ca y est, il y a des signes qui ne trompent pas. Ce doit-être le début de la fin. Tous les tyrans arrivent un jour ou l'autre au bout du chemin. C'est quand ils commencent à voir leur propre reflet qu'ils doivent se faire peur. La peur engendre la peur, le peuple le ressent et décide de les sacrifier. Bhagavan lui, préparait sa chute depuis longtemps.
L'Arbre à Souhaits, c'est le nom du restaurant des dévots, il est juste en face l'église Saint Eustache. C'est là qu'a lieu la conférence de Bhagavan. A c¶té du Pied de Cochon et de la boutique Agnès B. Il y a du beau monde qui passe, forcément.
Depuis que je suis "ministre" des relations publiques pour la France et la Belgique, j'ai un bureau dans le onzième, près de la place du colonel Fabien. Tous les midis, je prends la mobylette de Shivatmaka je longe le canal de l'Ourque et je viens manger à l'Arbre à Souhaits. L'ambiance est sympa, il y a un "salad bar" immense et on sert des pitas falafels végétariens délicieux. Le restaurant est sur trois niveaux, en fait c'est plus un espèce de complexe culturel, avec boutique diététique, échoppe indienne (tenue par Kishori), salon de thé et salle de conférence. Il y a aussi un coin ou les gens bouquinent et visionnent des vidéos. Sur qui ? sur Krishna bien sûr, jeune garèon à la peau noire qui joue de la flûte et garde les vaches avec les g¶pis, les pastourelles de Vrindavan.
Au rez-de-chaussée, on passe devant un petit bureau derrière une grande vitre. C'est Atma 95, la radio Krishna, qui diffuse tous les jours sur les ondes les gloires de Krishna et la science du bhakti yoga. Le centre parisien des dévots est impressionnant. L'autre jour, j'y ai passé l'après-midi avec Annie Lenox, elle me regardait avec des yeux !!! J'en ai déduis plus tard qu'elle était attirée par les gens chastes. A l'époque des faits, elle avait épousé un dévot allemand. Plus tard, après l'avoir quitté, elle écrira une chanson : "don't mess up with a missionary man."
Depuis plusieurs mois, je travaille dur sur le colloque au Sénat. Par la magie des rencontres et grâce à Wishvagourou (un gros nounours missionnaire), je me suis lié d'amitié avec une ancienne diplomate turque. Elle est poète et écrivain et a fondé un institut paradiplomatique, l'institut France Asie. Je lui ai fait rencontrer l'ambassadeur plénipotentiaire de l'ambassade de l'Inde qui a bien voulu adhérer à son association et devenir membre actif. En remerciement, elle m'a promu au poste de responsable des relations franco-indiennes.
Nous nous réunissons tous les quinze jours à la Sorbonne ou au Sénat, Alain Power étant président d'honneur de l'institut. Le titre du colloque est : "La dévotion à Krishna dans la tradition vishnouïte". Pour que l'autorité des intervenants soit indiscutable, j'ai rendu visite aux principaux indianistes de Paris. J'ai commencé par Olivier Lacombe qui avait écrit la préface de la Bhagavad-Gita telle qu'elle est, mais son grand âge ne lui permettait pas de venir participer. Je rencontre Madeleine Biardeau, qui me reèoit avec un certain dédain. Moi je suis fasciné par sa culture braj (le dialecte de Vrindavan). Les Filliozat par contre me font un excellent accueil et acceptent avec joie d'intervenir.
Je rencontre également Guy Deleury qui désire parler du concept d'Avatar , sa spécialité. Guy Deleury a traduit les psaumes du Pélerin de Toukaram et c'est grâce à lui que j'ais découvert la Bhakti, je suis heureux de faire sa connaissance. Il m'explique son parcours d'ancien jésuite. Je contacte aussi un professeur bengali, musicologue, Prithwindra Mukherjee qui parlera de Chaitanya, l'avatar du Bengale.
Après le colloque, nous avons organisé un repas végétarien au restaurant du Sénat. J'ai fait appel aux services d'une dévote juive américaine excellente cuisinière. En venant lui présenter les cuisiniers, elle s'est violemment cogné la tête dans la rue contre un balcon de pierre du bâtiment du Sénat. J'y vois quelque signe de mauvaise augure. J'ai pris la précaution de ne pas révéler véritablement qui nous sommes. Mon but est de faire présenter la culture du Bhakti Yoga par les plus grandes sommités en matière d'orientalisme.
A ce stade, notre image est tellement négative qu'il faut procéder par étape. Mon travail de relations publiques consiste autant à essayer de rétablir une image positive par de telles initiatives que de convaincre les dirigeants américains d'abandonner leurs pratiques de collectes sauvages et de manipulation. A chaque réunion j'insiste pour qu'on évolue vers plus d'ouverture. J'ai alors un bureau au château d'Ermenonville, mais il me faut collecter moi-même les fonds pour financer et mon activité et ma famille. Je fais quelques rendez-vous téléphoniques par semaine pour présenter à des médecins et autres professions libérales des oeuvres d'art oriental. J'arrive à vendre pour deux ou trois mille francs à chaque fois. C'est quand même un peu juste pour tout boucler.
Nous avons invité au repas du sénat une centaine de personnes dont des députés, des sénateurs, un préfet de police et d'autres personnalités de la scène parisienne. Alain Power sera présent. Alors que je finalise le programme, j'appèle Bhagavan pour l'informer de l'évolution du projet. Il me passe son secrétaire. Je suis sidéré que le dirigeant local ne s'intéresse pas à une entreprise qui lui permettrait de rencontrer des personalités aussi importantes et qui représente six mois de travail acharné. Je me pose de plus en plus de questions sur les motivations véritables de nos dirigeants. Il y a un décallage trop important avec l'intérêt du mouvement pour ne pas y voir un aveuglement dû à l'ambition personnelle. Une ambition doublée d'une arrogance telle que l'on n'aurait pas besoin du soutien des autorités dirigeantes pour nous faire accepter comme religion authentique.
Il est vrai que pour Bhagavan, tous ces gens ne sont que des mangeurs de viande indignes de considération. Mais peut-être aussi sait-il à ce moment que la partie est perdue, que le fisc est sur le point de frapper très fort et que toutes ces années passées à courir après l'argent pour acheter châteaux et BMW sans payer un centime de TVA vont précipiter la perte du mouvement.
En fait Bhagavan se retranche dans un baroud d'honneur digne des grands gourous paranoïaques. Il annonèe depuis son tr¶ne que la troisième guerre mondiale est pour bient¶t, qu'elle va balayer d'un coup tous ces démons qui s'opposent à notre mouvement nous propulsant alors en position dominante. On verrait alors comment ses divines intuitions étaient justes. Combien nos châteaux serviraient alors de points de repères à la civilisation nouvelle. Les gens viendraient par milliers dans nos communautés rurales car nous serions les seuls à avoir de la nourriture. Il faut d'ailleurs pour cela prévoir la défense des communautés contre les pillards, on nomme alors une commission secrète chargée de collecter armes, radio et informations "survivalistes". Un jeune dévot se fait arrêter à la frontière Suisse avec des munitions pour armes de première catégorie. Bien sûr, on prétexte une initiative personnelle et les dirigeants nient toute responsabilité.
A l'époque j'entends même quelques dévotes américaines fanatiques (les gouroudettes) prétendre que Bhagavan serait le Grand Monarque dont parle Nostradamus dans les Centuries et qu'il serait censé prendre le pouvoir et rétablir la monarchie après les années noires d'un conflit nucléaire. Je suis perplexe, mais j'accueille ces délires avec un sourire bienveillant en disant :ááá
" Non, vraiment ?á"
Il ne faut pas froisser ces américaines, elles sont si sûres d'elles.
Bhagavan en veut aux dirigeants franèais, il souhaite les voir mordre la poussière. Il appelle de tous ses voeux le châtiment divin. Cela doit se réaliser ....N'est-il pas le seul représentant authentique de Dieu sur la Terre? Quelques années plus t¶t lors d'un grand festival en Italie, un invité lui avait demandé qu'elle était la différence entre lui et Jésus-Christ, sa réponse fut que Jésus était simplement venu plus t¶t. Bhagavan, alias Gouroudev, alias William Erlichmann continue donc sa fuite en avant, entraînant avec lui ses pauvres dévots désormais exténués par les marathons incessants. Il n'a pas digéré de ce faire chasser de l'h¶tel d'Argenson dans le Marais en 82, à l'époque toute la classe politique s'était liguée contre l'installation des dévots, depuis Chirac jusqu'aux communistes qui vinrent militer dans la cour.
Bhagavan réalisa une plus-value sur la vente du bâtiment, et il ne trouva rien de mieux que de jeter son dévolu sur le château d'Ermenonville. Mais le gourou ne croyait pas aux symboles, il ne lui vint pas à l'esprit que de s'installer dans le château qui avait hébergé Jean Jacques Rousseau ne porterait pas chance à une entreprise totalitaire. L'auteur du contrat social y a pris une revanche posthume et le fant¶me de Jean-Jacques allait bient¶t rattrapper le dictateur.
Pour l'instant Bhagavan continue son bras de fer avec l'état franèais. Il a confiance en ses réserves européennes. Et dans son mépris de la culture locale, il oublie de penser que le premier amendement de la constitution américaine n'a pas en France le pouvoir de protéger son mouvement religieux.
Début û985 Bhagavan peut se prévaloir d'une puissance financière encore immense, d'un parc immobilier considérable et d'une autorité incontestée sur le plan des instances internationales du mouvement. Il est le gourou dominant, avec plus de mille diciples engagés à plein temps.
* En France :
- le château d'Oublaisse dans le Berri,
-le château d'Ermenonville dans l'Oise,
-l'Arbre à Souhaits au Forum des halles (400 m2 de surface commerciale).
-des centres à Nice, Lyon, Marseille, Strasbourg.
-Une ferme en Bretagne avec un cheptel de û50 vaches.
-Une maison d'édition, une maison de disques.
-Une BMW série 7 dernier modèle.
-Une Volvo 740 dernier modèle.
- Un parc automobile considérable.
* En Belgique,
le château de Septon dans les Ardennes près de Durbuy.
Un château en location près de Bruxelles.
Un centre dans Bruxelles avec un restaurant.
Un centre à Anvers.
Parc automobile.
* En Hollande,
Un restaurant. Une maison et de magnifiques bureaux dans le centre d'Amsterdam.
- Une Opel Senator 3 l. dernier modèle etc..
* En Angleterre :
- le château de Bhaktivedanta Manor en banlieu londonienne (Watford).
-Une maison près du British Museum à Londres.
-Dans le nord de l'Angleterre, le château et le complexe de Croome Court.
-Un restaurant, "Healthy, Wealthy and Wise" en plein centre de Londres sur Oxford Street, en face la maison de disque des Beatles.
- des centres....
-Une autre BMW de fonction.
* En Italie :
- Villa Vrindavan, la propriété historique de Machiavel à Florence
(une immense demeure sur une proprité de vignobles, avec de multiples dépendances.)
-Une maison à Rome et un restaurant.
-Des centres à Milan et Viareggio .......
-une maison de disque.
-une maison d'édition.
* En Espagne :
-Un château au nord de Madrid à Guadalajara.
- Un restaurant et une maison à Barcelone.
-Une maison à Madrid......
-une autre BMW série 7.
(J'avoue ici que j'étais peut-être un peu envieux des béhèmes, mais j'en ai eu trois depuis et èa va mieux.)
* En Grèce : une maison à Athènes et un restaurant.
* En IsraÙl : une maison et un restaurant à Tel-Aviv.
* En Afrique du Sud : Un immense temple au Cap soutenu par une importante communauté indienne.......
* Début û985, Bhagavan se voit attribuer la juridiction du temple de Vrindavan en Inde qui constitue le coeur historique du mouvement avec Mayapoura au Bengale.
* + Berkeley en Californie.
* A l'Ile Maurice :
-Un grand temple.
-Une communauté rurale dirigé par le fils d'une des plus riches familles de lêIle, producteurs de Rhum.
* Pour son anniversaire, Bhagavan demande un dakshina (offrande) d'un minimum de 200 dollards par disciples. multiplié par mille disciples, cela fait un million de francs par an d'argent de poche. Pour les faux frais...
(Je me souviens avoir un jour transporté û5.000 $ en liquide, mais la somme semblait assez anodine.)
On voit que notre homme n'a rien a envier à un roi. De plus, il jouit d'une domination totale sur les dévots vivant sous sa juridiction. En un mot il peut bânir comme il peut élever aux plus hautes responsabilités. En un mot, il fait et défait les couples. Sa technique étant de diviser pour régner, il s'applique à garder la division jusqu'au sein des couples dont il sait tout de la vie sexuelle. Si des dévots se rebiffent, il a t¶t fait de les ramener à la raison.
Enlèvement chez la secte Hare Krishna
Au début du mois de mai de l'année û985, un couple de dévots argentins sont arrivés au château d'Ermenonville. Ne pouvant pas vivre au Château avec leurs enfants, ils s'installent dans la maison d'un des responsables de la communauté, un américain du nom d'Adiraja das alias...... Mais nos dévots émigrés n'ont pas d'argent, ils ne peuvent pas payer le loyer, ne pouvant partir, ils restent sourds aux injonctions d'Adiraja qui veut récupérer sa maison. Excédé ce dernier décide d'agir de faèon musclée et il met sur pied un commando pour les déloger. Les argentins se défendent, on en vient aux mains, Adiraja et ses sbires ont le dessus, ils ligotent le couple devant les enfants qui pleurent. Le mari parvient à s'enfuir, il court prévenir les voisins qui appellent la police.
Ces événements ont lieu au moment ùle député Alain Vivien s'apprète à remettre son rapport sur les sectes à l'assemblée. Le lendemain, tous les médias relatent l'affaire...
"Enlévement chez Krishna.........." l'écho donné à la bagarre est considérable. Je suis réveillé ce matin là par un coup de fil :
" Sadashiva, vient vite au Temple, il y a les journalistes de TFû"
Sans même me raser, je saute dans ma voiture et j'accours sur les lieux, on me brieffe rapidement sur les faits que j'ignorais et je reèois les journalistes.
Le soir même, je passe en ouverture du journal de 20 heures. Le lendemain, Le Figaro consacre une colonne à l'événement en dernière page, on y cite mon nom et ma fonction de directeur des relations publiques. Le lendemain, la présidente de l'Institut France Asie me téléphone: "Rémi, j'ai été convoquée au Sénat, je me suis battue pendant deux heures avec le chef de cabinet d'Alain Power, le colloque est maintenu car les invitations sont parties mais tu ne peux plus mettre les pieds dans l'enceinte du Sénat."
In shallah, j'ai atteint mon but mais maintenant je suis grillé, ce mouvement est grillé. Comment en est-on arrivé là ?
Je ne vais pas baisser les bras tout de suite. Je suis sur d'autres bons coups. Jean-Claude Carrière prépare le Mahabharata pour le festival d'Avignon. Je lui ai téléphoné et lui ai envoyé un exemplaire du Bhagavatam qui relate un épisode du Mahabharata. Les dévots à Avignon ont invité les acteurs pour un repas, je descends en TGV et je rencontre la troupe autour d'une table garnie de préparations indiennes. Ce jour là, on me demande de donner la conférence au Sofitel devant environ 200 personnes. Je leur explique que nous ne sommes pas une secte mais les représentants d'une culture millénaire que des gens aussi illustres que Jean-Claude Carrière et Peter Brook ont également choisi de faire connaître à travers leur art.
Je me lie d'amitié avec Bhaktyananda Vidya Swami, un jeune moine italien qui dirige une équipe de quarante dévots basés sur Avignon. Ils font du théatre de rue, distribuent de la nourriture, chantent et dansent comme au premiers temps du mouvement. Ils ne sont pas dans la mouvance mercantile de Bhagavan, ... précisément...
Je remonte à Paris enthousiasmé, je règle quelques affaires en cours et je convainc mon épouse Saumya de descendre passer deux semaines dans le sud pour décompresser et profiter de lêété avec les enfants. d'anciens amis de Belgique, Jnanaraj et sa femme nous ont invités dans leur maison de vacances près d'Alès. Au cours de ce voyage, nous nous arrêtons à Cavaillon chez Jayantakrit et Bhutakrit, deux anciens qui font figure de rebelles au pouvoir central de Bhagavan. Ils me reèoivent cordialement puis me prennent à part et me disent : ½áSada, nous les franèais, nous sommes des révolutionnaires, nous ne pouvons plus accepter lêimposture de Bhagavan...á+ et ils me remettent un dossier en provenance des Etats-Unis qui révèle que Prabhupada nêa jamais officiellement nommé les onzes gourous comme ses successeurs. Ceux-ci se sont emparé du pouvoir après sa mort. Lêargument a porté, le dossier fini de me convaincre.
Quelques jours plus tard, après avoir laissé Saumya et les enfants à Alès, je me rends à Avignon pour assister à la première du Mahabharata dans la carrière de Boulbon. Nous rencontrons dans la semaine Peter Brook qui aime bien nos cookies indiens. La pièce se joue en semaine sur trois périodes de trois heures étalées sur trois jours. Puis le samedi, les trois périodes sont jouées à la suite, le spectacle commence au coucher du soleil pour se terminer à son lever. Lorsque jêarrive à la carrière, je suis un peu en retard. Visiblement tout le monde est déjà sur place. Je gare ma voiture dans la carrière attenante qui sert de parking, pour rejoindre le théâtre en plein air, il y a peut être cinq cent mêtres à parcourir, il faut monter une pente assez raide. Je vois un handicapé qui sêinstalle seul dans son fauteuil roulant et commence à se rendre vers les lieux, la pente est raide pour lui. Surgit un homme barbu qui va le pousser jusquêà la pièce. Lêhomme le remercie, je souris au barbu. Cêest Jean-Claude Carrière. Il y a des jours ùjêaime lêhumanité.
Ensuite nous vivons toute la nuit une expérience inoubliable. Après neuf heures de pièce. Au petit matin, les deux mille spectateurs se lèvent et applaudissent pendant plus de dix minutes.
Nous avons eu du mal à rester éveillé jusquêau bout, nous nêavions pas de thermos de café comme les autres et les gens rigolaient de nous voir nous endormir les uns sur les autres.
½áRegardez les krishnas, ils pioncent.á+
Nous sommes quand même conquis par la pièce et en rentrant nous nous félicitons de cet événement avec Bhaktyananda Swami. Nous ignorons alors ce qui se trâme.
Bhagavan ne supporte pas que quarante dévots ne participe pas activement à lêeffort commercial pour finir d'acheter le château d'Ermenonville. Il décide de descendre avec ses sbires américains sur les lieux pour mettre fin aux élucubrations de ces "ásentimentaux ".
Bhagavan est descendu à lêh¶tel Ibis avec Indradyumna Swami, Sundarupa et compagnie ils sont tous américains. Je ne sais plus pourquoi je me trouve là à ce moment. Lêéquipe dirigeante d'Avignon est convoquée à tour de r¶le; chacun est cassé et envoyé en êêmarathonêê (collection de fonds par la vente d'articles divers). Je rentre à Alès, sur la route je me dis que ces gens sont les ennemis du mouvement de Prabhupada, une bande de gangsters. "Cêest décidé, je vais les combattre" me dis-je en conduisant.
Quelques jours plus t¶t, nous avions discuté de toutes les polémiques sur les gourous avec Bhaktiananda Swami, je lui avais fait part de ma fibre révolutionnaire naissante et des informations venant du mouvement de réforme américain. Au petit matin, je fis un rêve étrange:
Jêétais au sommet d'une grande tour, comme la Tour Montparnasse, à lêabri derrière de grandes vitres. Dehors le vent soufflait très fort. Je mêapprochais alors de la vitre et derrière je voyais Bhagavan accroché au rebord de la fenêtre par les mains, en train de tomber. Je voulais lêaider, mais les vitres ne pouvaient pas sêouvrir et je le regardais impuissant. Je racontais mon rêve au Swami. Nous nous quitâmes perplexes. Mais le soleil de Provence nêallait pas sêarrêter de briller pour autant.
De retour à Alès, je trouve Boutakrit, (le conteur qui demande des comptes... ). Il nous raconte ses voyages en Inde et autour du monde pendant des heures. Nous sommes morts de rire en écoutant ses histoires émaillées d'anecdotes uniques. Puis un midi, alors que je suis assis en lotus sur le bord de la piscine et que je récite mentalement le mantra gayatri, mon fils Benjamin âgé de deux ans tombe dans la piscine. Je plonge pour le sortir de lêeau, il a juste bu une bonne tasse mais je suis sorti violemment de ma posture de yoga et mon genou est resté bloqué. Pendant deux jours Bhutakrit me fait des massages en continuant à mêinfiltrer le venin de la sédition et le nectar de la Bhakti. Mon genou ne se débloquant pas, le médecin me fait hospitaliser et lêon mêopère du ménisque.
De retour à Paris quelques jours plus tard, je suis convoqué au Château d'Ermenonville. Je viens en confiance au rendez-vous avec mes béqilles, en bon "ministre" des relations publiques, avec mon dossier sous le bras, pensant quêon désire entendre mon rapport d'activité.
Sundarupa maharaja et Wishwambhara goswami, les deux dirigeants du pays après Bhagavan me demandent bien un rapport d'activité. Je leur parle du colloque au Sénat, de la rencontre de Peter Brook, de notre présence au festival, du fait quêune maison d'édition est prête à diffuser nos livres dans les librairies à la suite de mes efforts. Ils mêécoutent d'une oreille distraite puis Sundarupa me dit :
- ½áTous èa cêest très bien Sadashiva, mais si tu continues à rendre visite à Hari Vilas, nous serons obligés de supprimer ton budgetá+. Depuis trois mois, jêavais réussi à convaincre Wishwambhara de mêallouer 20.000 francs de budget mensuel pour financer mon service et ma famille. A ce moment, ma décision est prise, jêirai avec HariVilas en West Virginie pour déposer un cahier de doléances à la réunion des disciples de Prabhupada qui se tiendra dans une semaine. La fréquentation des diplomates mêayant un peu servi, je répond :
" O.K. je vais y réfléchir ".
Ce type de réponse, même sêil est assimilé à une insoumission me permettra peut-être de toucher mon budget encore un mois, de régler mes factures de téléphone et de payer mon loyer.
Dans lêheure qui suit, Pitavas et Shivatmaka, tous les deux amis de longue date, responsables officiels de lêAICK et respectivement directeurs des affaires juridiques et trésorier du mouvement me prennent à part pour me dire :
" Sadashiva, tu nêas pas peur de te retrouver à la rue ".
Jêavais eu de lêestime pour eux jusquêà ce jour, mais là, ils mêapparraissent tout d'un coup minuscules. Je leur ris au nez.á Ils nêont pas lêair de comprendre; mon souci en devenant dévot de Krishna, cêétait d'accéder à la Liberté Suprême. Cela fait dix ans que jêaccepte toutes les austérités, toutes les humiliations, toutes les épreuves; tout cela pour au bout du compte faire les caprices d'un mégalomane, d'un clown qui joue à Louis XIV. Cêest mal me connaître.
HariVilas, le chef des démons
Le soir même je vais voir le chef des démons : Hari Vilas, alias Hary Terranian.
Lorsque jêais connu Hari Vilas dix ans plus t¶t, il roulait en mobylette pour aller livrer son encens dans les boutiques de Paris. Cêest lui qui a fondé lêentreprise Spiritual Sky dont les produits sont encore aujourd'hui (en û996 ) dans toutes les boutiques de France. Hari Vilas a travaillé d'arrache pied avec quelques dévots pendant ces dix ans et aujourd'hui, Spiritual Sky, parmi d'autre société réalise à elle seule trois millions de francs de chiffre d'affaire par mois. Hari Vilas était le président du temple de Fontenay aux Roses avant que Bhagavan n'arrive en France en 72.
Lorsque ce dernier a voulu quitter la petite maison de banlieue pour sêinstaller dans le seizième arrondissement, Hari vilas et d'autres dévots ainés de lêépoque nêavait pas trouvé lêidée très bonne. Bhagavan ne leur pardonnera jamais leur manque de loyauté et au fil des années Hari Vilas deviendra la Bête noire de Bhagavan. Il prendra plus d'indépendance au gré de lêexpansion de sa société et servira de plateforme d'atterrissage à de nombreux dévots en rupture avec lêestablishment Bhagavanien.
Durant toutes ces années, malgré ma loyauté pour Bhagavan, je ne pus jamais accepter les critiques sur Hari Vilas, je savais que cêétait un homme bon. Pendant ma maladie en 76, alors que je croupissais par terre dans une salle de bain du château d'Oublaisse de dix mètres carré, il sêétait offusqué quêon me traite ainsi.
-áSada, quêest-ce que tu fais là dans ce souk ?
- Non èa va, je suis bien ici lui avais-je répondu.
- Tu vas aller dans le bureau de Spiritual Sky, cêest bien chauffé et tu seras tranquille. Voilà la clef nous nêy sommes presque jamaisá.
Puis il donna à un de ses collaborateurs lêinstruction de mêacheter du fromage, du miel et d'autres nourritures riches pour me rétablir plus vite. Je fus cajolé pendant des semaines grâce à son intervention. Je ne lêoubliais jamais.
Qui plus est, Hari Vilas est le personnage le plus attachant qui soit, rompant avec le puritanisme de la plupart des dévots, il nous prend à part pour nous raconter des histoires cochonnes et son langage cru nous fait nous tordre de rire autant que son accent d'arménien de Philadelphie. Au début des années soixante dix, alors quêil donnait une classe dans le temple, il lui arrivait parfois de se moucher dans son dhoti (robe de dévot). Il était devenu bhakta (dévot) aux Etats-Unis à la fin des années soixante. Alors étudiant, il trouvait les dévots tellement farfelus quêil voulait les convaincre d'abandonner leurs inepties.
Malheureusement, il y avait le prashad (les festins végétariens) et les kirtans (les danses dans le temple) et cêest lui qui finit pas succomber. Il fut conquis par Prabhupada qui lêenvoya à Paris rejoindre les premiers missionnaires: Oumapati et sa femme qui à cette époque couchaient sous les ponts.
Hari Vilas a appris le franèais en se coltinant aux jeunes de la cité universitaire, des puces de St Ouen et de St Michel. Inutile de vous dire quêil ne sêagit pas d'un franèais très académique. Mais il comprend lêesprit des habitants, cêest un pragmatique affectif.
A lêépoque de la réforme qui gronde, en û985, il y a chez lui des réunions tous les soirs ùlêon chante des kirtans orientaux (plut¶t moyen-orientaux) en tapant sur toutes sortes d'instruments et en dansant comme les Marx Brothers.
Chez Hari Vilas, on rencontre les gauchistes californiens, les arméniens de Maisons-Alfort, les dévots en déroute et toutes sortes d'individus plus marginaux les uns que les autres. Cêest à la fois lêArche d'Alliance et lêArche de Noé. Le soir il doit y avoir en moyenne trente personnes qui dorment par terre. A tel point que sa femme et ses enfants ont émigrés de lêautre coté de la rue dans une petite maison tranquille. Hari Vilas y va de temps en temps mais pas trop souvent de peur de ½átomberá+ ou pour parler clair : "faire du sexe illicite avec sa femme".
Mais Hari est adepte de la dérision, il aime bien quêon lêappelle Hari vélo ou Hari cover. Lorsquêil nous accueille, il se prosterne à la mode des dévots et nous dit des choses dans le style de :
½áMaître, je ne suis pas digne de manger le fromage quêil y a entre vos doigts de piedsá.+
Seulement maintenant, au début du mois de septembre û985, Hari a un air un peu plus sérieux que d'habitude. Il sent que Bhagavan est aux abois, il y a un grand vent de réforme aux Etats-Unis et nous sommes invités à une réunion à la Nouvelle Vrindavan.
Je lui propose de venir avec eux. Jêai des informations de premier ordre, je suis encore officiellement en poste dans lêAICK et surtout, je suis déterminé à en découdre avec Bhagavan. Comme je suis fauché, Hari accepte de payer mon billet d'avion. Nous partons donc pour Philadelphie avec Bhaktyananda Swami qui a définitivement pris le parti de la révolution, Jayantakrit qui est de toutes les bagarres, Narakantaka (Frank De fuster) et Prithu, le président du Temple de Belfast, un allemand à la tête très dure et au verbe coupant..
Dans Manhattan, je me tords le cou pour essayer de distinguer un morceau de ciel bleu. Bonjour l'Amérique! Nous allons passer quelques jours chez le frêre d'Hari Vilas à Philadelphie. J'en profite pour écrire un pamphlet salé sur Gouroudev, èa peut toujours servir.
New Vrindavan, l'antre du super gourou
Hari a loué un grand van ùnous tenons à huit. Nous sommes en route pour la Nouvelle Vrindavan, en West Virginia. C'est la plus grande communauté de tout le mouvement. Deux mille hectares, cinq ou six centS dévots et le célèbre temple d'or dédié à Prabhupada. C'est là-bas que se tient la réunion des disciples de Prabhupada, nous serons environ neuf cents anciens.
Nous parcourons dans la journée les cinq ou six cents kilomètres qui séparent Philadelphie de New Vrindavan. Lorsqu'on arrive dans la communauté, un énorme éléphant en béton nous accueille et le palais de Prabhupada se dresse au sommet de la colline dans toute sa majesté. Délire de marbre et d'or comme le veut la tradition des gourous américains.
Nous nous précipitons vers le fameux palais, il est vrai que les fresques inspirées de la chapelle sixtine sont impressionnantes. Krishna remplace Dieu le Père et Prabhupada le petit Jésus. Un critique d'art New yorkais a baptisé cela du nom de néo-védisme. C'est à l'image des illustrations de la littérature krishnaïte, le sulpicien indo-américain, la bondieuserie transcendantale. Lourdes à c¶té, c'est rien. Demain nous continuerons la visite après une nuit de repos dans la "guest house".
Le gourou de la Nouvelle Vrindavan, c'est Kirtananda Swami. Nous sommes loin d'imaginer alors que ce gourou est beaucoup plus dangereux que notre petit roi soleil. Et pourtant, alors même que se tient la grande réunion, appellée par le courant réformiste, des événements se trament qui feront bient¶t éclater le scandale le plus retentissant du mouvement Hare Krishna et qui enverra Kirtananda croupir derrière les barreaux. Pour avoir commandité le meurtre d'au moins deux dévots récalcitrants.
En attendant, un de ses sbires nous emmène dans un grand tour en 4x4 autour de la communauté. Les moyens mis en oeuvre sont impressionnants, Kirtananda a entrepris de concurrencer Dysney World avec un méga projet de parc d'attraction krishnaïsé. N'importe quel observateur extérieur ne peut que constater la disproportion des moyens avec le peu d'effectifs. Un tel projet devrait normalement être le fait d'une communauté beaucoup plus importante, on ne peut qu'avoir des doutes sur la provenance des finances...
La réunion démarre dans le flou des débats philosophiques. Au bout de deux jours, je suis excédé par le ton timide que prend le meeting et j'invite Hari à monter à la tribune pour lire notre lettre de doléances. A ma grande surprise, celui-ci m'encourage à prendre la parole à sa place. Je monte donc vers le pupitre, impressionné par cette assemblée de neuf cents dévots. Tous les gourous sont là ainsi que tous les sannyasis et présidents de temples.
Je m'apprête à lire mon papier mais le chairman me demande de parler directement. Un peu décontenancé, je commence à plaider la cause des disciples franèais de Prabhupada.
" Nous sommes nombreux à penser en France que les moyens utilisés desservent la mission de Prabhupada. Les franèais voient d'un mauvais oeil le fait que nous soyons installés dans des châteaux opulents. Nous pensons qu'il y a un véritable paradoxe à prêcher l'enseignement de Chaitanya de cette faèon, nous sommes très éloignés de "plus humble que la paille dans la rue...."
De plus la pression financière qui repose sur la communauté des dévots est beaucoup trop lourde. Etant donné que la plupart d'entre nous ne nous reconnaissons pas dans ces projets, nous demandons que soient mis en place une politique de pluralité et qu'un autre G.B.C. soit désigné pour permettre à tous ceux qui sont en désaccord avec Bhagavan de pouvoir continuer leur service décemment..."
A la fin de mon exposé, je vois Bhagavan qui pousse Sundaroup du coude pour qu'il vienne prendre la parole derrière moi. Celui-ci s'exécute et commence son speach en m'attaquant sur le plan personnel. Il essaie de dénigrer ma position de directeur des relations publiques et tombe dans le mensonge et la diffamation. Le point est marqué, tout le monde a perèu la grossiéreté de la manoeuvre de Bhagavan. Désormais, tout le meeting prend un autre ton, on rentre au coeur des problèmes et Bhagavan est mis sur la scellette.
Chaque orateur qui passe ajoute à ma diatribe et les gourous en prennent pour leur grade. C'en est fini de l'aura de respectabilité que Bhagavan avait su sauvegarder en diffamant tous ses opposants. Ses sbires sont en rage, Indra Dyumna swami prend Harivilas à parti violemment en lui demandant de ne plus nous laisser parler comme nous le faisons. Hari lui répond en souriant qu'il n'a aucun pouvoir sur nous, que nous sommes libres d'agir comme bon nous semble (il jouit littéralement).
J'ai été très vexé par le discours mensonger de Sundarup aussi vais-je photocopier mon pamphlet que je distribue à tout le monde. Narakantaka en fait autant. Le clan de Bhagavan est au abois, nous mettons tout sur le tapis, la faillitte des finances de l'A.I.C.K., l'attaque proche du fisc franèais et tous les abus de pouvoir ridicules de Bhagavan, les couverts en or, les tapis à deux cent mille francs, les bureaux à cent cinquante mille francs pendant que les familles à Oublaisse n'ont pas de quoi acheter des couches pour leurs enfants...
A un moment donné, je pense même être allé trop loin et je demande à Pragosh s'il ne serait pas bon que j'aille pacifier le roi soleil. Pragosh est un jeune américain talentueux qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Tom Cruise, Bhagavan l'avait mis en poste à Ermenonville mais il a fini par se rallier à nos idées révolutionnaires; il me conseille de m'asseoir sur mes positions.
"You know, when you take such positions you've got to stand on them."
Je suis son conseil en me disant que ce n'est pas lui qui doit rentrer en France. Je m'attends à passer de sales moments.
La débandade
De retour en France, il devient clair que je n'ai plus qu'une seule issue, démissionner de mon poste. La nouvelle de mon insurrection a fait le tour du mouvement et ce matin, dans la cour du château, une dévote a failli m'arracher les yeux.
" - Je voudrais te gifler pour ce que tu as fais à Shrila Gouroudev" m'a t'elle lancé.
Saumya se fait agresser chaque jour par les gouroudettes qui lui intime de me quitter.
" - Comment peux-tu vivre avec un être démoniaque qui ose critiquer un pur dévot de Krishna?"
Nous décidons de quitter les parages d'Ermenonville et nous allons nous installer à Durtal ùma mère nous loue une maison à petit prix. Pour subsister, je monte un commerce itinérant de vente de tableaux et de lithographies dans les galeries marchandes. Je réalise de bons chiffres d'affaires, mais mes journées durent douze heures et Saumya est amère d'avoir dû quitter le temple.
Elle me harcèle sans arrêt et bien sûr m'envoit dormir dans le canapé. J'étais habitué à faire chambre à part, mais là les conditions sont devenues difficiles, j'ai perdu mes amis de Paris, Bernard, Indrya et les autres. Nous souffrons de l'isolement. Saumya passe ses journées à la maison pour s'occuper de Jonathan qui est né l'année dernière à Senlis et de Benjamin qui a trois ans.
L'été arrive et je loue un magasin à la Baule pour la saison. J'ai loué un mobil home dans un petit camping du c¶té de Guérande et Saumya me rejoint. Mais au bout de quelques jours, elle décide de rentrer à la maison.
" - Je n'aime pas la plage, et les enfants jouent dans la poussière et les mégots au camping.
- O.k. salut Saumya."
Par la grâce de Krishna, après son départ je fais connaissance avec une jeune infirmière qui m'offre son corps avec joie. Nelly a vingt ans, je redécouvre avec elle les joies du sexe, elle jouit bruyament et peut faire l'amour toute la journée. La moindre carresse la met dans tous ses états, nous nous arrêtons sur le bord des routes. Nous faisons l'amour sous la pluie, en forêt de Brocéliandre. Nelly est sensuelle, mais elle n'a aucune conversation, l'été se passe et je la laisse rentrer à Concarneau pour finir ses études d'infirmière.
Un jour, Saumya ouvre une de mes lettres, c'est Nelly qui me réclame à corps et à cri. L'offense est insuportable, Saumya décide de me quitter. Elle va aller vivre à Narbonne avec un groupe de dévots dissidents. Plus tard je comprendrais qu'elle avait déjà amplement pris contact avec eux en recevant une note de téléphone de plus de six mille francs.
Il semblerait qu'un certain Didier l'ai charmé par ses qualités hautement spirituelles. Saumya ne se nourrit que "d'amour spirituel", elle se méprend par là complétement sur sa nature qui est celle d'une sensuelle refoulée. Elle se complait par contre à relater toute ma déchéance : J'aime lui lécher la chatte et je me masturbe régulièrement lorsqu'elle se refuse à moi. Les dévots que je rencontre sont désormais tous au courant de mes turpitudes, mais je n'arrive pas à m'émouvoir. Je dois être persuadé qu'au fond tous sont plus ou moins logés à la même enseigne et je me console avec l'histoire de Diogène. On dit que l'hermite se serait masturbé sur une place publique.
- Que fais-tu Diogène, tu es devenu fou?
- Non, je fais au grand jour ce que vous faîtes tous en vous cachant.
Et puis en fait, cela m'arrange plut¶t; de cette faèon aucun risque de me prendre pour un grand brahmane. Cepandant, un mois ou deux après son départ, Saumya et les enfants me manquent cruellement et je n'ai plus guère de motivation pour vendre mes tableaux. Je décide donc de les rejoindre à Narbonne.
Près du canal du Midi.
Les dévots ont investi un mas un peu délabré qui appartient à la mère de Didier. Le petit gourou local est Jayantakrit avec qui je suis allé dénoncer les méfaits de Bhagavan six mois plus t¶t. Il s'efforce de reconstituer un semblant de communauté dissidente. La divulgation de mes horribles penchants me disqualifie de tout r¶le dans le mas des Charités. Mais c'est là le dernier de mes soucis, je demande à Saumya de bien vouloir reprendre la vie commune. Elle accepte malgré l'injonction de Jayantakrit qui a prescrit six mois de séparation.
Nous louons une grande bâtisse, la Fondelon, dans un domaine viticole près de Narbonne, à quelques encablures du Canal du Midi. Je découvre l'Aude avec délice, c'est le début d'un amour que je ne trahirai jamais. Mais les affaires sont de plus en plus difficiles, les samedis à vingt mille francs de la région parisienne sont bien loin. L'Aude est un département sinistré dix mois par an. Saumya est plus puritaine que jamais et en dépit de mes conseils elle refuse toujours toute contraception. Elle a décidé d'adopter une nouvelle méthode dont lui a parlé Jayantakrit, qui vient des Etats-Unis et qui consiste à relever les jours de fécondité par l'étude du cycle. Je rigole en lui disant que c'est la méthode Ogino qui a repeuplé la France après la guerre de û4. Saumya se vexe et la chambre d'amis me devient de plus en plus familière.
N'y tenant plus, je force le barrage de sa résistance le mauvais jour. Saumya est enceinte pour la troisième fois. Sa mère catastrophée, connaissant la réalité de notre relation, ainsi que nos difficultés financières la supplie de se faire avorter. Saumya ne veut même pas envisager une telle alternative.
Les galeries marchandes étant rares et peu fréquentées dans la région, je me vois contraint de retourner au porte à porte. Très vite je suis ... "grillé". Je passe des heures dans ma Renault û8 à attendre l'enthousiasme qui ne vient pas et quand vient le soir, je rentre bredouille.
Notre situation financière est devenue catastrophique et notre relation ne s'arrange toujours pas. Saumya ne supporte pas que j'abandonne mes pratiques dévotionnelles. Je lis toute la journée l'histoire des cathares et autres traités historiques sur les premiers temps du christianisme. Je ne cesse de penser à notre aventure des dix ans passés. Je suis convaincu que le pouvoir est l'ennemi de la spiritualité et j'alimente mes réflexions par ma découverte de l'histoire occitane. Cela bien sûr n'arrange rien à nos finances.
Nous finissons par décider de partir au Texas. Jayantakrit qui a vécu deux ans là-bas nous recommande aux dévots de Dallas. Nous vendons nos maigres biens et réunissons environ quarante mille francs. Les billets sont achetés et il nous reste à passer les trois semaines qui nous séparent du départ.
Nous nous rendons à la Nouvelle Mayapoura ùcette fois l'on ne me tape plus dessus comme lors de mon dernier passage. Il faut dire qu'entre temps Bhagavan est parti avec la caisse et une jeune dévote donnant raison à toutes mes prévisions. On me considère désormais avec un respect mélangé malgré tout d'une certaine dose de méfiance. Le départ de Bhagavan a semé une véritable panique. Le fisc a redressé l'association à hauteur de quatre vingt millions de francs et la faillite est aux portes de la communauté.
Arrivés à la Nouvelle Mayapoura, on nous héberge dans la maison des invités. Saumya décide de se livrer à l'adoration des divinités pendant notre séjour. N'ayant pas eu droit au moindre câlin depuis des semaines, j'avise une petite tentative et me vois d'emblée reléguer à mon r¶le de dévot déchu qui ne respecte rien. Pas même l'activité sacrée de brahmane poujari, or la règle exige qu' on soit chaste si l'on veut toucher les mourtis.
Cette fois, je n'y tiens plus, j'annonce à Saumya qu'une fois à Dallas, je lui loue une maison et je vais habiter seul dans le temple. La grande brahmane se sentant définitivement offensée décide de ne plus me suivre au Texas. Krishna! Comment fais-je pour supporter tout èa?
Ultime tentative
Je prends donc l'avion seul pour Dallas en me disant que Saumya finira bien par me rejoindre, je lui laisse la moitié de l'argent et ses billets à se faire rembourser. Dans l'avion, je fais connaissance avec une belle anversoise qui va étudier la peinture à Austin elle me donne ses coordonnées, je lui écrirai.
A Dallas, il fait chaud, très chaud, nous ne sommes pourtant qu'au mois d'avril. Le temple est dans un quartier pauvre de la ville. C'est une ancienne église aménagée à la mode néo-védiquo. Le restaurant par contre est excellent et le tout Dallas s'y donne rendez-vous. Dès mon arrivée, le gourou local met le président du temple en garde.
- Fais attention, ce franèais est un révolutionnaire.
Je me lie d'amitié avec un vieux célibataire brahmachari qui m'offre généreusement de partager son appartement ainsi que le montant du loyer. Il habite dans une vieille maison en bois peinte en blanc, elle est semblable à toutes celles du quartier. Pour subvenir à ses besoins, il va vendre des peintures à l'huile dans les galeries marchandes et il donne les trois quarts de sa recette au temple. Je dois dire que le dépaysement n'est pas total. Mais au moins, les dévots sont-ils sympas. Désabusés, pas trop fanas, atteints comme d'habitude de cette espèce de froide inhumanité qui se veut maîtrise de soi, connaissance supérieure ou que sais-je encore.
J'ai droit aux égards dûs aux disciples directs de Prabhupada. Il faut dire qu'ils ne sont plus très nombreux dans le mouvement, la plupart ayant rejoint les rangs de Maya (la sorcière, l'illusion). Je me consacre à ma nouvelle passion, l'astrologie. Et tous les matins je prends un bain de soleil sur le pallier de l'escalier de bois.
Je vais finir par croire que je porte la poisse avec moi. Cela ne fait pas trois semaines que je suis arrivé qu'éclate déjà un scandale. La femme du chef poujari (le brahmane qui s'occupe de l'adoration dans le temple) fait une crise de nerf un beau matin après le mangala aratik, à cinq heures. Son mari qui est black, couche avec les petits blacks du quartier depuis dès années, elle ne le supporte plus et craque ce jour là. Décidément, nous vivons au royaume de l'hypocrisie. Il s'ensuit une période de trouble. Le poujari était aussi maître d'école et les parents ont peur qu'il n'ait abusé de leurs enfants. Le jeune homme est renvoyé avec sa famille vers je ne sais quelle destination. On me dit que la police n'a pas été mise dans le coup pour éviter des problèmes au mouvement.
Le gourou local, Tamal Krishna est un tyran plus malin que les autres. Il a pour avantage sans doute d'être versé dans l'étude des écritures, il en dérive certainement plus d'inspiration que Bhagavan de sa calculette ou Kirtananda de sa bétonneuse. On est obligé de reconnaître à l'homme une certaine finesse, il écoute un peu ses hommes et leur donne le minimum de respect. Cela ne l'empêche pas un beau jour de réveiller tous ses disciples pour une réunion à une heure du matin. Mon compagnon qui revient vers trois heures m'apprend que son gourou les a réveillés pour leur dire qu'ils doivent impérativement collecter plus d'argent pour le temple. Oh! Dure réalité, quand tu nous tiens.
Partout, ùje vais, les moines mendiants sont devenus des "business moines". Ils n'ont pas compris que lorsque nous allions mendier ce n'était pas tant pour répondre à nos besoins que pour rendre service à l'humanité souffrante. Lorsque Prabhupada a vu le Château d'Oublaisse pour la première fois, il est allé s'asseoir sous un arbre et a dit: " Nous n'avons pas besoin de tout cela pour être conscient de Krishna, nous pouvons aussi bien parler sous un arbre." Il en savait quelque chose, lui qui est arrivé en Amérique avec quarante roupies. Ses premiers disciples, il les a fait à Central Park, en chantant sous un arbre.
Affairisme, activisme, fanatisme, les dévots sont fatigués, partout autour du monde. Le temps des belles certitudes est révolu. L'erreur des successeurs de Prabhupada est de figer son enseignement. Ils deviennent des petits fonctionnaires de la spiritualité, des prêlats soucieux de seulement préserver leurs privilèges. S'aventurer sur les plaines de la réflexion ne leur paraît pas nécessaire puisqu'ils sont détenteurs de la Vérité Absolue. Le navire des brahmanes coule dans l'océan de la mesquinerie, l'eau s'engouffre par la brèche béante de leur arrogance. "Plus humble que la paille dans la rue...." mes amis, c'est de reconnaître que nos frères les hommes ont quelque chose à nous apprendre. C'est de reconnaître ce qu'il y a de bon dans la société ùnous vivons sans pour autant cesser d'être critique.
Votre orgueil vous rend si ridicules, si pitoyables. Votre prétention à bâtir un monde nouveau à partir de rien, en faisant table rase de tout l'acquis de la civilisation occidentale est une galéjade qui ne fait même plus rire vos anciens compagnons de route. Votre prétention d'importer un système qui fait la faillite de l'Inde, une folie qu'aucun indien sérieux n'oserait proposer. Le varnashrama dharma que vous désirez implanter est un système obsolète, n'ayant plus rien à voir avec notre époque.
Votre fainéantise, qui vous pousse à penser qu'il est plus simple de tout transmettre tel quel, vous laisse recouvrir l'essence de la gangue du formalisme qui dans votre cas atteint les confins de l'absurde et de la folie. Il ne suffit pas d'aller passer six mois par an en Inde pour vous convaincre que des foules sont derrière vous.
"Plus humble que la paille dans la rue...." c'est accepter que l'autre est différent et renoncer à vouloir le changer. Votre prétention à oeuvrer pour l'amour: le plus grand mensonge. Vous n'avez pas même le respect de vos propres frères et soeurs. Vous prétextez l'amour idéal pour n'avoir pas à aimer vraiment. Vous n'êtes pas même des yogis, le yogi c'est celui qui simplifie, or vous êtes dans l'inutile. L'habit inutile, les frustrations inutiles, les projets inutiles, à trop vouloir servir l'Absolu, vous ne servez que Maya, le brouillard, l'illusion, la brume.
"Plus humble que la paille dans la rue..." c'est accepter notre condition d'homme avec ses imperfections et ses incertitudes. Votre puritanisme cathare vous mène à la défaite de ces forteresses ùvous vous retranchez. Défaite est la forteresse lorsque choît le gourou tout puissant. Et lorsqu'il ne choît pas, il bâtit d' autres forteresses de bêtise et de préjugés faciles. Mais vous n'êtes pas même de vrais cathares, eux au moins avaient compris que Dieu n'a pas besoin de temples et d'églises pour être adoré. Pour eux le temple était la nature, eux ne cherchaient pas à bâtir dans la pierre. Ce que la pierre gagne, la conscience le perd. Bhagavan qui voulait construire un temple plus grand que Saint Pierre de Rome aurait dû prendre la peine de savoir que la basilique fût construite grâce au commerce des indulgences. Ce fût sa vision qui inspira la réforme à Luther.
Chaitanya avait du génie, il n'a écrit que huit stances, il était un briseur de forme. Il savait que l'oeuvre de la conscience est toujours à refaire. La science de l'alchimie est contenue sur une petite émeraude. Les forteresses idéologiques ne sont pas plus sûres que la frêle barcasse du doute. Chaitanya a enseigné l'art de pleurer pour le bien aimé, c'est par ses pleurs qu'il atteint l'Absolu, pas par la philosophie. Chaitanya a jeté aux orties les oripaux du brahmanisme, il ne connaît que la souffrance des g¶pis qui pleurent l'absence du Garnement.
Qui a compris le rire et les pleurs de Chaitanya?
Les dévots me fatiguent, je pars rendre visite à ma mère qui a monté un petit restaurant à Atlanta. J'ai acheté une vieille Buick à Gauranga, un canadien. Je traverse le Texas. En Louisianne, je m'arrête à la Nouvelle Orléans, les bhaktas ont un temple dans une grande maison en bois. La semaine dernière des gens ont tiré à coup de chevrotine dans le bâtiment.
La route surplombe les marécages pendant au moins quatre cents kilomètres, je vois des crocos qui barbottent en bas. En Alabama, je traverse une forêt pendant des heures. Quand l'angoisse me prend de tomber en panne, j'arrive à une baraque en bois digne d'un film des années cinquante. La pompe ferait le bonheur d'un brocanteur. Quand le pompiste arrive, le film continue, c'est un rescapé de la ruée vers l'or. Il doit avoir soixante dix ans, buriné par les ans, salopette en jean et chemise à carreaux. Je reprends la route parmi les arbres centenaires, ici tout est gigantesque et sans âge. J'arrive enfin en Géorgie, ma mère n'en revient pas que j'ai trouvé ma route si facilement dans Atlanta.
"- Moi après un an, je ne retrouve toujours pas la route de la maison lorsque je vais faire mes courses.
- J'ai le sens de l'orientation."
Je rends visite au temple, on se croirait en Inde. Tout est pourri. Alors que je parle avec Jayapataka Swami, le gourou local qui sévit aussi en Inde, un gros morceau de plafond manque de lui tomber sur la tête. Plus tard j'assiste à une conférence de Hridayananda, un autre gourou. Son discours ne fait qu'une chose : révéler son obsession pour le sexe. Le célibat du swami lui monte à la tête. Je regarde les dévotes d'un oeil distrait, elles ne bronchent pas. Aucun doute, on se croirait en Inde. Je ramène d'immenses guirlandes chez ma mère et Alain.
On me met en garde contre les disciples de Kirtananda:
- Fais attention avec les types de la Nouvelle Vrindavan. Si tu la ramènes sur leur gourou, tu risques ta peau. Je suis leur conseil, j'ai déjà donné. De toute faèon, je ne sais pas encore que Kirtananda a fait descendre les récalcitrants d'une balle dans la tête, mais des rumeurs courent.
A Dallas, Saumya m'a écrit pour me dire qu'elle ne me rejoindrait jamais. Je ne supporte pas l'idée d'être toujours séparé de mes fils. Mon billet charter va arriver à expiration, alors je reprends l'avion en direction de Paris. J'arrive chez Hari Vilas et là je retrouve Michel, alias Madhavendra, il me raconte son odyssée toute la nuit. Je l'ai connu à l'époque de la rue Lesueur, il a très vite quitté la zone de Bhagavan mais partout ùil allait, le despote le retrouvait.
" - Je suis parti en Angleterre, là les choses n'allait pas trop mal, nous faisions du théatre et j'y trouvais un peu de calme. Et puis Jayathirta le gourou local est "tombé", Bhagavan a alors été nommé et le cauchemar a repris.
Nous sommes alors parti avec ma femme Mandakini pour l'Afrique du Sud. Là bas, j'ai participé à la construction du temple gigantesque financé par les indiens; j'avais appris les techniques de sculpture traditionnelle en Inde. Mais Bhagavan a été nommé en Afrique du Sud.
Nous avons repris la diaspora pour l'île Maurice. Le répit a été de courte durée, six mois plus tard Bhagavan débarquait sur l'île. Si je te dis que la même chose c'est reproduite quand nous sommes allés en Californie, tu ne me croiras pas. Je me sens foutu, je vais me flinguer.
- Mais non Madho tu as un potentiel pas possible, tu vas t'en tirer.
Quelque temps plus tard, il était embauché au Parc Astérix pour construire les gros bonshommes en fibre de verre. Il est aujourd'hui directeur artistique chez Euro-pouetpouet.
" - C'est une secte pire que Krishna m'avoue-t-il aujourd'hui."
Le pauvre est poursuivi par les américains. Je ne rencontre plus que des gens cassés, brisés. Peut-être était-ce ce que nous recherchions. Les fiers cathares ont trébuché, les orgueilleux templiers ont perdu leur morgue.
- Il est bon de se sentir fragile Michel.
EPILOGUE
Micromegas, Arthur de la Kabale,
Tiens toi droit à l'orée de ta voix;
Coules et glisses, invincible, indicible.
Il ne reste plus rien des orgasmes passés.
La vile entreprise, la conquête du monde,
S'achève sous le marbre des tombes.
La douce compassion des esprits du Levant,
Pointe au coeur de ceux qui comblent le dedans.
La vision est insane qui ne voit pas l'innée,
L'oreille est inutile qui n'entend l'incrée.
A l'aube des temps ne gît pas le début,
La fin du cycle n'anéantit pas le vécu.
Les actes s'empilent en greniers invisibles,
Ils dorment patiemment et leur retour souvent
N'est pas des plus risibles.
J'ai revêtu une robe de vanité
Et me suis ceins d'une ceinture d'envie,
Une cape de haine recouvre mes épaules,
Et mes sandales sont le fruit de la violence.
Ainsi j'erre de par le monde des contraires,
bafoué par mes désirs, giflé par mon orgueil.
Mais le guide est doux qui sans cesse me conseille.
Attentif, aimant, il me prodigue ses soins.
Je le suis, je l'écoute et je m'émerveille.
La douleur est ma compagne, je la regarde de loin.
Les elfes et les fées gambadent.
L'air est imprégné de fortes impressions
qui échappent à ceux qui se débattent
dans la nuit de l'envie et le monde des noms.
Les murs sont des vaisseaux de pierre
qui jamais ne prennent le large.
Faut-il crier plus fort que les affres du destin
pour attirer à soi les anges du soir ?
Si tu adores le vieux sage, nul bien ne sortira de ton âme.
Au mieux, tu peux le vénérer.
Mais sans doute suffit-il d'écouter l'onde de ses paroles
qui résonnent sur les parois de ta conscience.
Il faut savoir couper le son de l'extérieur,
car le vieux sage est multiple qui s'incarne dans le passant et le clochard.
La porte est là pour être ouverte et fermée.
Son état n'est ni l'un ni l'autre, sa fonction dépend du besoin.
Le coeur qui s'ouvre sans cesse
est un coeur qui finit par saigner.
Le chêne et les gonds de métal
se sont parés de la patine cuivrée du temps.
Effleures l'oxyde de leur existence et le secret se dévoilera.
Il n'est de porte que pour mieux sentir le seuil,
et les gardiens se détournent de l'innocent
qui oublie de faire grincer le marteau.
L' âme des mondes repose dans la racine d'un arbre rabougri.
Des insectes bienveillants y demeurent,
et sur leurs ailes sont gravés des chiffres incompréhensibles.
Quelques imbéciles s'évertuent à les décrypter,
quand leurs rythmes et leurs courbes
sont leurs seules raisons d'être.
Viens t'allonger sur les racines maternelles,
reposes ta tête sur le sein de la Terre
et goûtes le bien être qui naît de la solitude.
Je fais une dernière tentative avec les dévots en Belgique au début de l'été û987 et puis je pars en courant. Ils sont vraiment fous. Je vais chercher un job à Toulouse, je ne serai pas trop loin de Saumya qui est toujours près de Narbonne.
Alain alias Anandamoya m'héberge chez lui. Au bout d'une journée j'ai trouvé un job de commercial chez un marchand de cuisines intégrées. Le week-end, je rentre à La Livinière pour voir les enfants et Saumya. Morgan naît à Carcassonne le ûû novembre, encore un cathare qui se réincarne, il pèse cinq kilos.
Le premier mois, j'ai fait le meilleur score du magasin, 200.000 francs de cuisines vendues. Merci Bhagavan, ton enseignement n'a pas été vain. Gloire à la calculette! Salaire net 6000 francs, je bosse douze heures par jour. L'esclavage continue mais il y a une illusion de liberté cette fois-ci. Je suis tellement fauché qu'un jour je vends mon alliance. Le week-end je rentre en pleurant, Saumya qui croit aux signes me donne la deuxième moitié de la bague. Nous les avions fait tailler les trouvant trop grosses.
"-Prends la taille de ton doigt chez un bijoutier, me dit-elle, je la ferai refaire."
A Toulouse, je rentre dans une boutique pour faire plaisir à Saumya. C'est Dominique qui prend la taille de la bague. Je lui explique mon dilemne, je lis les lignes de sa main. Elle a vingt et un an, une fleur de lys tatouée sur l'épaule. Dominique veut connaître mon histoire. Je l'emmène dîner au restaurant indien. Elle a les yeux comme des pétales de lotus, sa chevelure est noire comme les eaux du Ganges ùje me baignais un soir d'éclipse de lune.
Nous découvrons quelque temps ce que veut dire être âmes soeurs. Nous nous ennivrons du parfum des genêts et du vent des Corbières.
Dominique me donnera une petite fille, Gaya, cinq ans plus tard. Depuis j'apprends les larmes de la séparation. Il n'y avait que deux parties à la bague et Gaya m'a offert le fruit magique dans un jardin de lumière, au pied d'un arbre banyan aux racines millénaires. Gaya m'a inspiré à écrire cette histoire.
........
Mes fils, Benjamin, Jonathan et Morgan n'ont pas de nouvelles de leur mère depuis trois ans. Ils vivent dans un foyer à Angers, ils vont bien, je les prends les week-end. Ils font du roller et du patin à glace. Frédéric est au Mans, au Lycée h¶telier, il fait merveille dans la profession et va passer le bac pro, il connaît tous les vins et tous les fromages. Nous allons écrire à Saumya, je crois qu'elle est à Calcutta.
Lorsque j'avais quinze ans, un vieil homme barbu m'était apparu lors d'une méditation, il était assis près d'un puit. J'eu peur de cette vision. Il est aujourd'hui assis près d'une pierre. Il me regarde en souriant et je n'ai plus peur de lui poser mes questions.
- Parles moi de l'expérience spirituelle ?
- Elle n'est guère définissable, plus on tente de la définir plus on l'enferme et plus elle nous échappe. C'est quelque chose de ténu, de fragile, de fugace. La religion essaie de se l'approprier mais elle n'appartient pas au monde de la possession. Il est difficile de parler de l'indicible. On peut dire sans se tromper que le silence lui est favorable. Elle exige qu'on renonce à la certitude, qu'on accepte les abîmes et les cîmes.
- Mais ùest le point d'ancrage?
- Il est ici, dans le corps, dans la matière, dans l'instant. Trop de "spiritualités" sont apologies de la fuite. Fuite hors du corps, fuite hors du monde, fuite hors de la conscience. Le silence c'est l'écoute. Ecoute du corps, écoute de l'autre, écoute de l'univers. Tout parle à celui qui écoute et observe. L'attention est requise dans le silence.
- Qu'est-ce qui pousse l'être à fuir ?
- La peur de souffrir, la peur de manquer, la fuite donne une sensation illusoire de mouvement qui n'est que déséquilibre hors de soi.
- Mais le corps nous limite, les sens nous aveuglent.
- La limitation est dans la forme, l'attention aide à percevoir le centre. Au centre de toute chose réside l'infinitude. Si tu perèois le centre des choses, tu seras en accord au milieu d'un dépotoir. Au milieu de la douleur du corps tu percevras l'étincelle ùrien ne bouge et tout est actif.
- La mort sera-t-elle vaincue ?
- La mort n'est pas un ennemi, tu peux l'appeler dès aujourd'hui, elle est utile à toute vie. Ombre de la lumière, concave du convexe. "Peut-être n'es-tu pas sufisamment mort" dit Socrate. Apprends à mourir dès maintenant, fais mourir chaque certitude, chaque forme illusoire et tu seras au centre.
- Mais la peur me sert, elle aussi.
- La peur te sert tant qu'elle ne t'envahit pas, gardes la à raisonnable distance. Laisses la se coucher à tes pieds comme un chien qu'on carresse affectueusement. Parles lui doucement.
- Dieu est donc la création de l'homme.
- L'homme répond au désir de Dieu qui répond au désir de l'homme. L'homme est libre de sa vision et de ses choix. Dieu n'est rien d'autre que l'ami qui te parle, le vent qui t'écoute, l'enfant qui sourit. Si tu pénètres la vision de Dieu, l'âme du monde te parlera. La raison est ce qui sépare ce qui est uni.
- Mais sans la raison rien n'eût été entrepris.
- La raison sert à aller jusqu'au bord de la falaise, ensuite laisse planer l'esprit au gré des vents célestes. Mais ne renonce pas à une once de ton intelligence, elle est ta plus chère compagne. Elle est le point d'ancrage premier, le point d'ancrage ultime.
- ùsont les sages?
- Ne cherches pas le sage hors de toi. Ecoutes attentivement chaque bruissement dans les arbres. Laisses venir l'être qui vient à toi. Ne sépares plus ce qui est uni, le fou est sage quand le sage est fou.
- Jusqu'ùfaut-il aller dans la folie ?
- Vas dans ta folie aussi loin que tu es allé dans la raison.
- Si seul compte le centre que vaut la circonférence?
- Chaque point de la circonférence est un autre centre si tu l'observes avec soin. La seule limite est la vision ternie par la peur.
- J'ai besoin du groupe, c'est l'ensemble des raisons qui m'aide à avancer et à tenir.
- Le groupe est une circonférence, si tu y vois les centres, il te servira dans ta tâche. Mais la circonférence n'édicte pas sa loi au centre. C'est le centre qui anime. Moyeu de la roue, force primordiale. Le grand repose sur le petit.
- Focaliser sur le petit aide à comprendre le grand?
- Le petit peut s'ennivrer du grand, mais sa jouissance est avec le petit. Trouves le lieu ùtu existes.
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GUIDE PRATIQUE ANTI-SECTE
* La définition d'une secte.
Tous les spécialistes sêaccordent à le dire, il est difficile de définir une secte.
Ce qui fait quêun groupe d'individus devient ce quêon qualifie secte et qui revêt pour la société un caractère négatif, cêest beaucoup plus les méthodes que les croyances. Des croyances philosophiques ou religieuses hors ½ánormesá+ ne sont pas nécessairement le signe d'une êêdérive sectaireêê et nous devons nous méfier des tendances faciles à lêamalgame en ce domaine. Nêoublions pas en effet que la liberté de conscience est le fondement même de notre société démocratique.
Cêest précisément lorsque des groupes, sous couvert d'objectifs philosophiques, religieux ou de développement de la personnalité portent atteinte gravement à la liberté et à lêintégrité de la personne humaine quêil y a lieu de dénoncer ce que nous qualifierons êêdérive sectaireêê ou encore manipulation mentale.
Les groupes sectaires se caractérisent par des méthodes coercitives et aliénantes :
Captation de lêindividu :
Sur la base d'une séduction mettant en oeuvre la chaleur du groupe et la flatterie du sujet à capter : tu es si intelligent, tu as compris notre enseignement ... tu es digne de te joindre à nous... Nous avons besoin de toi pour sauver lêhumanité.
* on lui fait arrêter ses études .
* on lui fait quitter son travail.
* on le pousse à rompre les liens avec sa famille et ses amis.
* on lui êêsuggèreêê lêabandon de ses biens au groupe.
* on êêlêendetteêê de faèon irréversible, financièrement ou subtilement.
Déstructuration de la personnalité :
Sur la base du désir sincère d'amélioration de soi, les groupes sectaires déstructurent lêindividu, sêengouffrant dans les replis névrotiques de la personnalité et les amplifiant parfois jusquêau délire paranoïaque collectif.
* imposition de ruptures avec lêenvironnement habituel.
* discours de diabolisation.
* changements d'habitudes alimentaires.
* réduction du temps de sommeil.
* recours aux techniques issues des ½ápsychothérapies brèvesá+.
* culpabilisation.
* interdits sexuels et autres interdits.
* rituels à caractère hypnotiques.
* conditionnement idéologique fermé.
* soumission totale à la hiérarchie et au gourou.
Exploitation de lêindividu :
* Sur la base du désir sincère d'idéal et de dévouement les groupes sectaires exploitent leurs adeptes :
* Non respect de la réglementation du travail.
* Bénévolat détourné au profit d'activités commerciales.
* êêfausses associations loi de û90ûêê qui profitent de ce statut pour ne pas payer de TVA et d'imp¶ts sur les sociétés et se prévaloir d'employés êêbénévolesáêê.
* Pas d'assurances maladies, pas de cotisations sociales, de retraite etc...
* Conditions sanitaires déplorables.
* Normes de sécurités ignorées.
Discours et pratiques asociales :
Parce quêelles se prétendent détentrices de valeurs morales qui ne seraient pas prises en compte par la société, parce quêelles cultivent lêélitisme et ne croien pas en les valeurs démocratiques les sectes marginalisent leurs adeptes.
* Lêensemble de la société est perèue comme mauvaise, démoniaque, pervertie...
* A ce titre, il est juste de ne pas y contribuer par lêimp¶t.
* Le r¶le civique de lêindividu est réduit à néant dans certains groupes qui votent comme un seul homme.
* Les adeptes sont mariés par le gourou, mariages collectifs chez Moon.
* Pratiques incestueuses et pédophilie dans certains groupes.
*
Lêintégrité physique et mentale des adeptes est menacée:
Diabolisant la médecine officielle, jalouse d'un pouvoir quêelles se voudraient seules à détenir certaines sectes rejettent les soins. Exploitant le climat paranoïaque et le désir d'autopunition, elles poussent lêindividu dans ses retranchements physiques et psychologiques. Allant dans certains extrêmes cas jusquêau suicide collectif.
La psychanalyse étant diabolisée dans la plupart des sectes, on éloigne lêindividu en souffrance psychologique de toute véritable guérison. Une fois quêon a tiré tout ce quêon pouvait de lêamplification de sa névrose, on le laisse exsangue sur le trottoir. Les sectes pratiquent la politique du Turn Over, elles jettent après usage. Si vous avez des doutes, consultez les témoignages d'anciens adeptes.
* refus de la transfusion sanguine chez les témoins de Jéhovah.
* refus de la vaccination chez de nombreux groupes.
* refus de la médecine traditionnelle : IVI, Krishna,....
* dégradations physiques : dues au surmenage, à une alimentation souvent carencée.
au manque de sommeil.
aux maladies tropicales (Krishna).
* dégradations psychologiques graves :
dépressions en sortie de groupe.
délires maniaques ou paranoïaques causés par les frustrations sexuelles.
tortures de culpabilité et difficultés extrêmes d'insertion sociale.
tendances suicidaires exacerbées ou exploitées dans la fuite en avant millénariste.
toxicomanie.
Classification (tiré du rapport Gest, présenté à l'Assemblée Nationale en û996)
*Mouvements sectaires de moins de 50 adeptes.
Alliance Rose Croix / Association Recherches Culturelles
AMPARA
Association Culturelle ALPHA
Association de soutien à lêoeuvre de Sundari -lêécole de lêessentialisme.
Association Le droit de survie.
Association sprituelle d'Haidyakhan
Centre d'applications psychiques ½áRaphaÙlá+
Centre d'épanouissement et aide Franèois de Sales
Centre de développement Humain
Centre de thérapie Dalmatie
Clé de lêunivers
Club prélude à lêâge d'or
Communauté de la Thébaide
Communauté les boucheries
Cosmicia
Cosmos-Intuition-Ailes
Dakpo Shampa Kadgyu
Ecole de la préparation de lêévacuation extraterrestre
Eglise Khristique de la Jérusalem Nouvelle ordre de Raolf, d'Arnold et d'Osmond
Eglise philosophique Luciférienne
El- Etre son corps
Emissaries of the divine Light
Enseignement et thérapie de recherches évolutives
Etre-Exister-Energétique
Fondation Saint-Germain
Grande loge souveraine internationale magique et theurgique de rite égyptien - Cagliostro
Ermitage du Christ de la Paix
Imagine
Insight seminars - Innergy
Institut de psychanimie
Institut de recherches psychanalitiques
Institut Franck Natale
Kofuku no kagaku (institut pour la recherche du bonheur de lêhomme)
Lêarbre au milieu
La nouvelle ère
Le suicide des rives
Landmark education international - le forum
le club des surhommes
le village du verseau
Les amis de la confrérie St Andréas
Les amis de Marie- Les pauvres de Marie
Les croisées de la Nouvelle Babylone
Les jardins de la vie
Loisirs et santé - Le corps miroir
Lumière dorée
MAEV
Méthode Sylva de contr¶le mental
Ordonnance des scribes scientifiques et des mystères initiatiques
Ordre des chevaliers de France et de la trinité sainte
Ordre du Temple universel
Red concept limited
Révélation de la septième heure
Sanctuary
Savoir changer maintenant
Shinji Shumeikai France
Spiritual Emergence Network France - Respiration holotropique
Viveka
*Mouvements sectaires de 50 à 500 adeptes.
Amis de la croix glorieuse de Dozule
Arche de Marie
ASPIRAL
Association de défense des libertés d'expression dans lêinstitution franèaise (ADLEIF)
Association de méditation en France
Association Nouvelle Acropole France (ANAF)
Association pour lêunification de christianisme mondial
Association pour la promotion des arts industrieux (APPAI)
Association pour la recherche et lêétude de la survivance (APRES)
Association Vo Vi de France - Amis de la Science du non être de France
ATHANOR
AZAZEL INSTITUTE INC
Centre d'Etudes Gnostiques
Centre d'information OSHO
Centre de documentation et d'information et de contact pour la prévention du cancer
Centre de méditation Mahatayana
Centre du cygne Djivana Prana - Source de vie
Centre du Paraclet
Centre internationale de parapsychologie et de recherche scientifique du Nouvel Age
Cercle initiatique de la licorne Wicca occidentale
Comètes oxygénes - le moulin du soleil
Communauté pour la propagation de la vie universelle
Communion de Satonnay
Eckankar France
Eija
Energie et création - Energie et créativité
Energy World
Espace culturel Etre maintenant (ECEM)
Etude tradition et recherche en énergétique (ETRE)
Faculté de parapsychologie
Famille de Nazareth
Fédération franèaise pour la conscience de Krishna
Fédération internationale pour le développement de lêalimentation instinctive (FIDALI)
Fondation Elan Vital
Harmonie holistique
Humana France - TVIND
Iesu no mitama kyokai (Eglise du Saint Esprit de Jésus)
Institut de recherche physique et conscience
Institut de Saint-Preux
Institut des sciences holistiques de lêOuest
Institut théologique de Nimes
lêEglise à Paris
La Famille (ex-enfant de Dieu)
La science du mental
La voie de la lumière (unité de recherches pour lêévolution de la lumière)
La voie internationale
Le grand logis
Lectorium rosicrucianum (Rose-Croix d'or)
Lumière du Maat
Maha Shakti Mandir
Mandala 33
Mission Swami Atmananda Atma Bodha Satsanga
Mission Timothée
Mouvement Humaniste
Office culturel de Cluny - Fédération nationale d'animation globale
Ogyen Kunzang Choling
Ordo Templi Orientis
Ordre apostolique-Therapeutic healing environment
Ordre du graal ardent
Ordre du lys et de lêaigle
Ordre monastique d'Avallon
Ordre rénové du Temple (ORT)
Oxyon 777 (ex-Harmonia)
Paravidya sagesse suprême
Partage international communication
Philosophe de la nature
Reine de la Paix - ordre du choeur immaculé de Marie et de St Louis de Montfort
Reiyukai
Saint Bani
Saman
Seieikyo Europe
Siderella
Sister mouvement rasta
Société holosophique de France
Starês edge international - Méthode Avatar
Sukyo Mahikari - Lumière de vérité
Tradition Famille Propriété
Trans-mutations
Venture
Vital Harmony SA
*Mouvements sectaires de 500 à 2000 adeptes.
Alliance universelle
ANTHROPOS - Association pour la recherche sur le développement holistique de lêhomme
Association Subud de France - Susila Dharma France
Association Sri Chimnoy de Paris
Culte Antoiniste
Domaine d'Ephèse
Eglise évangélique de Pentec¶te de Besanèon
Eglise universelle de Dieu
Eglises du Christ international en France
Fraternité blanche universelle
Fraternité Notre Dame
Invitation à la vie intense
Lêoeil sêouvre
La maison de Jean
La parole de foi- Evangelisation mondiale
Mouvement du graal en France
Ontologie méthodique culture et tradition
Paris Dharma Sah - Lotus of European social buddhism
Société internationale de trilogie analytique - sarl-
Union des associations centres et groupes Shri Sathya Sai Université spirituelle internationale des Brahma Kumaris
Vie chrétienne en France - Centre de vie chrétienne Viswa Nirmala Dharma- Sahaja Yoga
*Mouvements sectaires de 2000 à û0.000 adeptes.
Association Lucien J. Engelmajet
CEDIPAC SA (ex-GEPM)
Chevaliers du lotus d'or
Communauté des petits frères et des petites soeurs du Sacré-coeur
Eglise de scientologie de Paris
Eglise néo-apostolique de France
Eglise universelle du royaume de Dieu
Energie humaine et universelle France -HUE France
Institut de science vedique maharishi Paris - C.P.M. - Club pour méditants (½áméditation transcendentaleá+)
Mouvement RaÙlien franèais
Shri Ram Chandra Mission France
Soka Gakkaï internationale France
Les Témoins de Jéhovah sont estimés à û30.000
Que faire si : ?
Un de vos proches fréquente une secte
* Mettez vous en contact avec une association qui vous transmettra les informations sur le groupe en question.
* Entamez un dialogue compréhensif avec lui ou elle, montrez votre intérêt pour sa démarche, essayez d'élargir son champ de vision sur les problèmes qui fondent sa démarche.
* Montrez lui les avantages du pluralisme de pensée, faîtes lui comprendre les dangers d'un enfermement doctrinal.
*Consultez la bibliographie sur ce groupe et sur les sectes en général.
* Consultez le dossier concernant ce groupe sur notre service.
* Parlez lui éventuellement du concept de la libre pensée, du libre exercice de la raison. Concept qui nêa généralement pas cours dans les sectes.
Si un proche rejoint un groupe sectaire
* Gardez le contact avec lui, faites lui sentir que vous ne le rejetez pas.
* Nêattaquez pas de front le groupe ou le gourou. Restez critique tout en étant compréhensif.
* Donnez lui des informations sur le groupe que le groupe ne lui donne pas. ex: les
* condamnations judiciaires.
* Privilégiez le dialogue et restez disponible, intéressez vous à sa démarche et expliquez lui quêil nêa pas besoin d'une secte pour la mener à bien . Ecoutez calmement ses arguments et donnez lui votre opinion sans faire de concessions.
* Sachez vous remettre en question en tant que parent. Reconnaissez les défauts de votre église ou de vos positions mais faîtes valoir le principe de la liberté.
* Faîtes lui lire des témoignages d'anciens adeptes.
* Ne lui donnez pas d'argent.
* Prenez conseils auprès d'une association qui vous fournira les informations sur le groupe.
nêhésitez pas à rencontrer d'anciens adeptes.
* Informez vous sur son groupe, informez vous sur ce qui constitue lêessence de sa démarche, spiritualité, psychothérapie, développement personnel, mystique, écologie.
Sêil le faut, nêenfilez plus vos pantoufles devant la télé le soir....... réagissez!!!
Un de vos proches a été contacté par une secte.
* Peut-être ne sait-il pas à ce stade quêil sêagit d'une secte, si vous avez des doutes sur le groupe, consultez la liste des sectes. Ensuite informez le du danger. Faîtes lui prendre conscience des tactiques de séduction mises en oeuvre, montrez lui les éventuelles abérations idéologiques. Aidez-le à déceler lêéventuelle menace totalitaire. Faîtes lui connaître les démélés judiciaires du groupe en question.
* Mettez le en garde contre les dangers de lêintégrisme ou du fondamentalisme.
Certaines sectes religieuses adoptent une lecture littérale des écritures. Faîtes lui comprendre que les écrits sacrés ne peuvent-être pris à la lettre, quêil faut en extraire lêessence, ce qui est le travail des théologiens. Encouragez le à approfondir ses connaissances. Les sectes se développent sur le terrain de lêinculture ou d'une
culture tronquée, insufisante.
Vous avez été démarché par une secte.
* Si lêapproche vous a paru douteuse, si lêidentité du groupe nêa pas été dévoilée d'entrée. Si on vous a vendu un ouvrage sectaire au nom d'une oeuvre humanitaire par exemple (les dévots de Krishna ont été longtemps coutumiers du fait). Envoyez nous une lettre de témoignage.
* Certains membres ou ex-membres des évots de Krishna continuent de faire du porte à porte en vendant divers articles et se réclamant du statut de missionaire ou de diverses actions humanitaires alors quêils utilisent les fonds collectés à des fins personnelles. Faîtes nous le savoir en nous écrivant :
Centre d'Information sur le Phénomène Sectaire
48, avenue Notre Dame du Lac
49000 ANGERS
Un de vos proches est parti à lêétranger dans une secte.
Cêest une des situations les plus difficiles à vivre, elle est malheureusement courante. Les sectes profitent de leurs implantations internationales pour envoyer leurs adeptes à lêétranger. Ceux-ci peuvent se retrouver en situation très précaire sêils décident de quitter lêorganisation.
* Contactez les services diplomatiques et consulaires qui vous aidrons dans les recherches. Et éventuellement dans le rapatriement.
êê Le ministère des affaires étrangères dispose d'une ligne de crédit de 5 millions de francs pour assurer des rapatriements sanitaires et d'urgence ainsi que pour des personnes indigentes. Le ministère demande aux familles de financer les autres formes de rapatriement.êê
Les principales associations :
* Le C.C.M.M. Centre Roger Ikor (centre contre les manipulations mentales)
û9, rue Turgot 75009 PARIS
tél : 42 82 04 93
* Le Centre d'Information sur le Phénomène Sectaire.
48, avenue Notre Dame du Lac
49000 Angers
* LêU.N.A.D.F.I. (Union nationale d'aide et défense de la famille et de lêindividu)
û0, rue du Père Julien Dhuit 75020 Paris
tél : 47 97 96 08
* A.D.I.F. (a.s.b.l.) Belgique
Hertogenweg 8
B 3080 Tervuren
tél : 27 67 54 2û
* Info-Secte Suisse
Case Postale 37
û2ûû Genève û3
* Il y a des A.D.F.I. dans plusieurs villes de France. Si une association ne vous convient pas, nêhésitez pas à en contacter une autre. Pour mémoire, sachez que lêADFI part de lêinitiative de groupes catholiques. Le CCMM quant à lui a plus une culture agnostique et une démarche plus analytique. La ligue des droits de l'homme a ouvert une antenne secte à Angers, demandez Yves Damont au siège de l'association.
* Les sectes se nourrissent du silence et de la peur.
Brisons le silence et faisons leur face !!!
Porter plainte contre un groupe sectaire
La plupart des anciens adeptes lorsquêils sortent d'une secte préfèrent oublier cet épisode douloureux de leur existence. Devant le plus souvent faire face à de nombreuses difficultés de toutes sortes, ils nêont ni lêénergie ni le désir d'intenter une action contre le groupe. Dans certains cas ils sont même victimes d'intimidation et on leur fait clairement comprendre que toute démarche antagoniste serait chèrement êêsanctionnéeêê.
Malheureusement, ce silence des victimes permet aux groupes sectaires de renouveler indéfiniment leurs exactions. Il faut du courage pour porter plainte contre une secte et il faut être aidé, pour cela, les associations citées plus haut peuvent se révéler très utiles.
Il importe de réagir vite, au moment des faits car les sectes changent souvent de structures juridiques, si vous attendez trop longtemps, toute action deviendra impossible.
Extraits du code Pénal :
article 3û3-4
½álêabus frauduleux de lêétat d'ignorance ou de la situation de faiblesse, soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, pour obliger ce mineur ou cette personne vulnérable à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 2.500.000. F d'amende.
art. 489 du code civil :
la loi protège ½ále majeur quêune altération de ses facultés personnelles met dans lêimpossibilité de pourvoir seul à ses intérêtsá+ ou celui qui, ½ápar sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, sêexpose à tomber dans le besoin ou compromet lêexecution de ses obligations familialesá+
áil en est également ainsi ½álorsque les facultés mentales sont altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à lêâge.á+
Pour lutter contre les exigences financières de certaines sectes :
article 225-û3
½áLe fait d'obtenir d'une personne, en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance, la fourniture de services non rétribués ou en échange d'une rétribution manifestement sans rapport avec lêimportance du travail accompli est puni de deuxans d'emprisonnement et de 500.000 F d'amendeá+
article 225-û4
½áLe fait de soumettre une personne, en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance à des conditions de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine est puni de deux ans d'emprisonnement et de 500.000 F d'amende.á+
Pour faire face aux ruptures imposées avec lêenvironnement d'origine :
art. 2û5 du code civil
½áles époux sêobligent mutuellement à une communauté de vieá+
½ála résidence de la famille est au lieu quêils choisissent d'un commun accordá+
art.220.û
½ási lêun des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêtsá+
art. 37û.4 code civil
½áles pères et mères ne peuvent, sauf motifs graves, faire obstacle aux relations personnelles de lêenfant avec ses grands parentsá+
Pour lutter contre lêembrigadement des enfants :
(voir les droits de lêenfant.... ?)
Pour sanctionner les détournements des circuits économiques :
Les différents services publiques peuvent-être saisis en cas d'infractions consatées :
* direction générale des imp¶ts: en cas d'activités commerciales sous couvert
de loi de û90û.
* direction générale des douanes : en cas de transferts illégaux de capitaux ou
de marchandises. (cêest le cas de nombreuses sectes)
* lêinspection du travail, en cas de êêfaux bénévolatêê: des bénévoles sont employés
pour des activités commerciales.
* les services de sécurité sociale lorsquêun adepte travaille pour la secte est nêest inscrit à aucun régime d'assurance maladie.
* La Convention Européenne des Droits de lêhomme.
Les sectes créent de véritables zones de non-droit ùsont bafoués les individus. Elles remettent en cause les principes démocratiques, à ce titre elles représentent une menace pour la société.
En nous référant à la convention européenne des droits de lêhomme, il apparaît clairement que les sectes se posent en complète contradiction avec les points suivants:
* Lêinterdiction de lêesclavage, de la servitude et du travail forcé obligatoire.
* Le pluralisme et la tolérance.
- le pluralisme des comportements.
- le droit au respect de la vie privée.
- le droit au respect de la vie familiale.
- les rapports entre parents et enfants.
- lêunité de la vie familiale.
* Le pluralisme des idées.
* La liberté d'expression.
* Le droit à lêinstruction.
* Des lectures sur le sujet.
* Les sectes en France : Rapport de lêassemblée Nationale.
û27 pages Comission présidée par AlainGest,û996
prix : 40 f
* Sectes, les manipulations mentales,
Max Bouderlique, Chronique Sociale, Lyon, û990
* Comprendre lêaction des sectes,
Max Bouderlique, Chronique Sociale, û995. 84 F.
* Centre Roger Ikor, Les sectes, états d'urgence, Albin Michel, Paris, û995.
* Dans le secret des sectes, Jacques Cotta et Pascal Martin, Flammarion, Paris, û992.
* Le Grand Décervelage, Fillaire Bernard, Plon, Paris, û993.
* Lêenfer des sectes, Gilbert Picard, Fleuve Noir, Paris, û987.
* Les sectes en France, Alian Vivien, La documentation franèaise, û985.
* La spiritualité Totalitaire, Le New Age et les sectes,
Michel Lacroix, Plon, Paris, û995.û25 F. A lire absolument.
* Dieu en toute liberté. Eugen Drewerman. Albin Michel. Incontournable.
Petit glossaire des mots sanskrits et expressions Krishna.
Jaya ....: exclamation de joie et de glorification: gloire à....
Mourtis : Statuts des divinités dans le temple.
Prashadam : La nourriture consacrée offerte à Krishna.
Tilak : le symbole en argile que les dévots portent sur le front.
Dhoti : robe traditionnelle portée par les hommes, généralement en coton.
Mantra : Formule sonore censée libérer le mental.
blooper : partir du mouvement Hare Krishna.
sankirtana : le chant en groupe des noms divins, par extension, toute glorification de dieu. Les dévots nomment ainsi la distribution des livres et la collection d'argent.
Maya : l'illusion.
Lakshmi : la déesse de la fortune, par extension, l'argent.
Prabhupada : û896-û977 le fondateur du mouvement Hare Krishna aussi appelé Shrila Prabhupada et A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada.
Sannyassi : moine renonèant, portant l'habit safran et le bâton du renoncement: le danda.
Bramhachari : moine célibataire n'ayant pas prononcé de voeu définitif comme le sannyasi, il peut se marier et devenir homme marié : griastha.
Bhagavan alias Gouroudev: le successeur de Prabhupada pour l'Europe du Sud, parti avec la caisse en û986.
Adishekara :,chef de groupe de distributeurs de livres en 74 puis un des dirigeants franèais dans le début des années 80. Vit actuellement en Inde mais n'est plus actif dans le mouvement.
IndraDyumna Swami : Américain, il fut le bras droit de Bhagavan dans les années 70, 80. Actuellement gourou actif du mouvement, prêche dans les pays de l'Est ùil a de très nombreux disciples.
Wishvambar : québécois et autre bras droit de Bhagavan, il a soutenu Bhagavan jusqu'à la dernière minute tout comme son compère Indradyumna swami.A quitté le mouvement à la fin des années 80.
Hare Krishna
Le récit d'une expérience mystique communautaire qui vire un peu au trash sectaire sur la fin.
jeudi 26 avril 2007
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